Emmanuel Macron ne cache pas sa frustration. Six mois après les élections législatives allemandes, et à la veille du Conseil européen des 22 et 23 mars, son grand projet de réforme de la zone euro n’a toujours pas avancé d’un iota.
Le Président, qui a reçu la Chancelière en tête à tête à l’Elysée le 16 mars, n’a pas obtenu son feu vert pour l’un de ses projets phares : la création d’un budget de la zone euro et d’un poste de ministre des Finances européen. Angela Merkel s’est retranchée derrière ses « contraintes politiques » : la montée en puissance de l’extrême droite (AfD), les prochaines élections de son allié bavarois le CSU…
« Pour la première fois depuis la crise financière, il y a tout de même une amorce d’union économique avec le Fonds européen pour les investissements stratégiques (Efsi), se gargarise un conseiller du Château. C’est inscrit dans le marbre du contrat de coalition entre la CDU et le SPD. »
Le fameux contrat de 175 pages consacre en effet… cinq pages au « sursaut de l’Europe » et trois lignes au « renforcement » du Fonds, qui, créé par la Commission européenne, existe depuis… 2014.
Pas encore le grand tourbillon européen espéré.
La candidate de Merkel
A un peu plus d’un an des élections européennes de mai 2019, le grand marchandage des postes clés en Europe a démarré. Emmanuel Macron en pince pour Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, pourfendeuse des Gafa. La libérale danoise, modèle de l’héroïne de la série « Borgen », a demarré sa campagne en trombe, sur France Inter (15/3). Avec quelques phrases en français…
Mais sa candidature se heurte aux projets d’Angela Merkel, qui pousse la patronne du FMI, Christine Lagarde. Elle présente l’immense avantage, aux yeux de la Chancelière, d’appartenir à la grande famille du PPE, le Parti populaire européen. Mais Macron ne veut pas en entendre parler.
En faisant la promotion d’une Française à la tête de la Commission, Merkel se réserve ainsi la possibilité de nommer à la présidence de la Banque centrale l’un de ses anciens collaborateurs, Jens Weidmann.
Une Kolossale manœuvre…
Pas touche aux finances
« La priorité d’Emmanuel Macron, c’est la présidence de la BCE, assure l’un de ses amis. C’est la clé de voûte des réformes en Europe, et les Allemands pèsent déjà suffisam-ment sur la zone euro avec leur ministre des Finances. »
Le président de la République espère pouvoir y placer le germanophone François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Héritier de la grande famille qui a cofondé le groupe Villeroy & Boch, implanté en Lorraine et en Sarre, il devrait séduire les Allemands.
Sauf qu’il est considéré comme une « colombe » en matière monétaire. Or le parti d’Angela Merkel et les pays du nord de l’Europe souhaitent un « faucon ». C’est-à-dire un adepte d’une politique monétaire orthodoxe.
Le billard européen n’est pas un sport facile.
Dans le Canard enchaîné du 21 mars 2018.