Actuellement, le fait de lancer des alertes est défini partiellement dans plusieurs textes, c'est un vrai boxon, le Conseil d'État le reconnaît. Voir
http://shaarli.guiguishow.info/?z67ylQ
Le projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est en examen, cette semaine, en plénière, à l'Assemblée, après un passage en ComLoi positif (le texte initial était insuffisant et a été grandement amélioré) :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/transparence_lutte_corruption_economie.asp
Ce projet de loi défini un statut unique de lanceur-euse d'alertes (avec une immunité pénale pour une partie des secrets protégés (pas le secret médical, ni professionnel ni de la défense), un financement des frais de justice et des indemnisations des dommages moraux et financiers) et une agence nationale contre la corruption destinée à collecter les alertes (ce qui évite la méconnaissance de l'organisme auquel s'adresser) mais :
* Je trouve le texte flou : qu'est-ce qu'un « délai raisonnable » dans une remontée d'info en suivant les échelons ? ; L'alerte peut-être remontée en interne puis si pas de résultat, aux autorités compétentes donc il faut obligatoirement remonter en interne avant ou pas ? Le "si absence de résultat" me laisse dubitatif ; Qu'est-ce qu'un risque « grave » ? Comment on le quantifie ? En nombre de morts/blessés ? En thune ? etc.
* Il n'y a pas de sanctions prévues pour l'entrave ou le harcèlement du lanceur-euse d'alertes ;
* Le texte n'impose pas à l'agence nationale contre la corruption de faire du suivi ;
* De même, l'agence n'est pas une autorité administrative indépendante. Elle sera donc sous la tutelle d'un ministère. Pas top du tout : un scandale n'arrange jamais le business d'un secteur. or, le ministère (santé, économie, industrie) est là pour chapeauter ce secteur d'où la possibilité de vouloir restreindre les alertes. Niveau budget : l'étude d'impact table sur 10-15 millions d'euros. Plus que la HADOPI ces temps-ci mais je ne sais pas ce que ça vaut.
* L'impossibilité de licencier / prendre une mesure disciplinaire contre un-e lanceur-euse d'alertes existe déjà dans la législation du taff et c'est juste du vent. Un peu comme un arrêt de travail : on ne peut pas te licencier parce que t'es en arrêt maladie mais on peut très bien arguer que ton absence désorganise l'entreprise donc qu'il faut un-e remplaçant-e ou que les besoins ont changé (cas du particulier employeur) ou que ceci ou cela et donc dehors ;
* Mais du coup, comment on aide les lanceur-euse-s d'alertes grillées dans leur profession ? J'veux dire : aucune société commerciale n'a envie de te compter dans ses rangs quand Google renvoie "chieur-euse qui a balancé nos magouilles" à un-e potentiel-le recruteur-euse. Genre Stéphanie Gibaud et UBS. Est-ce que le fait de pas retrouver un job compte dans les « dommages moraux et financiers » ?
* Quid du lanceur-euse d'alertes de sécurité ? Un-e lanceur-euse d'alertes qui fait fuiter des docs, l'infraction me semble être constituée par la fuite elle-même alors que le lanceur-euse d'alertes de sécurité, on peut l'accuser d'avoir commis une infraction avant même qu'il divulgue : entrée et maintien dans un STAD, etc.
* Comment, selon quelle procédure, un lanceur-euse d'alertes se fait-il indemniser ? Dans quelles limites ? Sur justicatifs ?
* Dans le monde du renseignement, l'alerte reste conditionnée à l'aval de la CNCTR.
Voir aussi
http://www.anticor.org/2016/05/26/sapin-ii-nest-pas-encore-a-la-hauteur-des-enjeux/