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  • Bilan de l'élaboration de la loi de réforme des délais de prescription en matière pénale

    La proposition de loi (ppl) de réforme des délais de prescription en matière pénale est devenue loi fin février et est applicable depuis le 1er mars 2017. Le Sénat a refusé jusqu'au bout de retirer son amendement augmentant le délai de prescription des abus de la liberté d'expression et de la presse lorsque ces abus sont commis sur Internet. En cas de désaccord persistant, c'est l'Assemblée qui tranche (procédure du dernier mot). Dans notre cas, elle est revenue, une fois encore, sur cette disposition du Sénat le 16 février. Pour retrouver ce que j'ai déjà écrit au sujet de cette ppl, il est possible de dérouler http://shaarli.guiguishow.info/?8AUMmw .

    Au final, je retiens :

    • Le délai commun de prescription de l'action publique et celui de prescription des peines ont été doublés. Pour la prescription de l'action publique, on passe de 3 ans à 6 ans pour les délits et de 10 ans à 20 ans pour les crimes.

    • Afin de garantir la proportionnalité de la justice, une infraction occulte/dissimulée est prescrite après 12 ans (pour un délit) ou 30 ans (pour un crime), même si elle n'a jamais eu la possibilité d'être découverte.

    • Une plainte simple (celle que tu déposes au commissariat) n'interrompt plus le délai de prescription.

    • Le délai de prescription pour les infractions simples relevant du droit de la presse reste de 3 mois.



    Plusieurs lecteurs ont émis le souhait que je fasse un shaarli (ou un billet de blog) qui résumerait un peu tout sur cette loi. De mon côté, j'ai encore des choses à raconter genre les coulisses concernant l'atteinte sénatoriale à la liberté d'expression et celle de la presse. C'est pour cela que j'ai décidé de rédiger ce shaarli de bilan.


    Kézako ?

    Dégrossissons les termes manipulés dans ce texte législatif :

    • « en matière pénale » : on s'intéresse uniquement à la branche du droit qui a pour objectif de punir des actions répréhensibles définies par la Loi (en gros). À l'inverse du civil où l'on arbitre des litiges entre personnes (ou entre une personne et une société commerciale ou entre associations ou…) genre couleur des volets du voisin, héritage compliqué, etc.

    • « prescription » : il existe deux types de prescription pénale en France :

      • « prescription de l'action publique » : délai après lequel une infraction ne peut plus être poursuivie, c'est-à-dire être reprochée à son auteur. On dit aussi que l'action publique ne peut plus être mise en mouvement.

      • « prescription des peines » : délai après lequel une sanction prononcée par un-e juge mais pas encore exécutée ne peut plus être appliquée.

    Au départ, les auteurs de cette proposition de loi voulaient rendre la prescription pénale plus lisible, car il y a aujourd'hui de nombreuses exceptions genre à partir de quand le décompte est-il lancé ? Quelles actions peuvent l'interrompre ? etc. L'intention est louable puisqu'un principe fort de notre droit est la prévisibilité : tout-e justiciable doit savoir quels textes lui seront appliqués. Sur ce point-là, les parlementaires-auteurs n'innovent pas trop et se content de faire entrer dans le droit une jurisprudence (décisions judiciaires devenues définitives qui peuvent servir de référence pour trancher des affaires similaires) constante.

    Les députés à l'origine de cette proposition de loi ont aussi doublé les délais de prescription (de l'action publique et des peines) de droit commun pour les délits et les crimes. On passe de 3 à 6 ans et de 10 à 20 ans. De droit commun ? Quand la loi ne prévoit pas un délai spécifique pour une infraction spécifique genre les délits de presse (et d'expression) ont une prescription de l'action publique spécifique de 3 mois. Genre la consultation habituelle de pédoporn = 10 ans. Même principe pour la prescription des peines.

    Ces députés voulaient aussi que les crimes de guerre liés à un crime contre l'humanité rejoignent ces derniers dans l'imprescriptibilité c'est-à-dire qu'on puisse poursuivre à jamais ces actes-là.


    Ça se discute

    Si l'imprescriptibilité des crimes de guerre lorsqu'ils sont liés à un crime contre l'humanité (et même tout crime de guerre, en fait) me semble être une chose positive (dans le sens où ça peut contraindre à moins de dérapages autour d'une baston inter-étatique bullshit), le doublement du délai commun de la prescription est plus discutable.

    • Plus le temps passe, plus on s'éloigne de la faute commise et plus le trouble occasionné se dilue. C'est l'un des fondements de la prescription : le pardon légal. L'être humain fautif-ive a peut-être compris sa faute, faut-il charger la barque avec une erreur judiciaire ? Faut-il réveiller les douleurs passées de la victime ? Faut-il refaire naître le trouble (division de l'opinion publique, par exemple) ?

    • Plus le temps passe, plus les témoignages deviennent rares et de mauvaise qualité. Tout faire reposer sur la preuve scientifique, c'est une grosse connerie. D'abord parce qu'elle n'est pas infaillible (voir http://zythom.blogspot.fr/2007/12/lternel-voyage-de-la-science.html et http://sebsauvage.net/rhaa/?2009/01/05/22/32/36-l-adn-n-est-pas-une-preuve-formelle ). Ensuite parce que, même si elle l'était, la justice est humaine : on cherche à comprendre l'acte, le contexte dans lequel il a eu lieu, la psychologie des accusé-e-s/témoins/plaignant-e-s. Que reste-t-il de tout ça après 20 ans ? La science progresse, certaines preuves deviennent exploitables au fil du temps, d'autres périssent moins vite, mais ce n'est pas la question.

    • Je note qu'il y a des cas complexes. Exemple évoqué en séances par les députées : les viols sur mineur-e-s. J'ai appris l'existence de l'amnésie traumatique : l'acte est tellement violent que le-a mineur-e ne se souvient de rien. Une fois devenu-e adulte, boooom, cela lui revient en mémoire. La souffrance commence ici. Là, on a une justification valable pour un délai de prescription plus long. Mais, on se heurte malgré tout à la récolte de preuves… Donc je ne sais vraiment pas comment arbitrer ce genre de cas…

    • Augmenter le délai commun de prescription va conduire à une course à l'échalote pour augmenter les délais de prescription spécifiques au motif que si l'on avait voulu un délai différent, c'est que cette infraction est plus grave et que si le délai commun change, alors il faut ré-appliquer le même delta entre le délai commun et le délai de l'infraction.

    • La jurisprudence consacre le principe que tout acte (d'enquête ou d'instruction) qui interrompt le délai de prescription peut remettre le compteur de la prescription à zéro. Donc, un délai de prescription de 20 ans peut très bien être renouvelé 3 fois si l'enquête progresse, donc avoir, dans les textes, un délai de 60 ans, c'est de l'affichage sécuritaire, àmha.

    • Si l'on augmente ces délais de prescription, c'est soit que l'on fait de l'affichage politique ("nous avons besoin d'une justice forte"), soit que l'on espère poursuivre un ensemble plus vaste d'infractions. Pourtant, la justice française est toujours sinistrée par manque de moyens financiers. Donc, on espère juger plus d'affaires… avec les mêmes moyens ? Ça ne sent pas une justice au rabais ?

    Ma position actuelle est qu'il ne fallait pas augmenter les délais de prescription. Je pense qu'il ne faut pas non plus une imprescriptibilité généralisée. Je pense qu'il faut harmoniser les délais de prescription (un délai unique pour les contraventions, un délai unique pour les délits, un délai unique pour les crimes) avec de rares exceptions quand cela se justifie comme sur les viols sur mineur-e-s, les infractions dissimulées et les délits de presse.

    J'explique tout cela dans un shaarli : http://shaarli.guiguishow.info/?c0Sfpg .


    Puis le Sénat arriva…

    Le texte arriva en première lecture au Sénat en octobre 2016 (en gros). Plusieurs changements furent effectués :

    • Les crimes de guerre liés à un crime contre l'humanité ne seront pas imprescriptibles c'est-à-dire qu'ils conserveront leur prescription actuelle de 30 ans. Motifs ? 1) L'imprescriptibilité pourrait compliquer des dossiers que l'on préfère passer sous silence comme le rôle de la France dans le génocide au Rwanda. 2) Le Sénat souhaite conserver l'imprescriptibilité pour les seuls crimes comme l'humanité afin de ne pas dédramatiser la Shoah…

    • L'Assemblée avait fait entrer dans la loi une jurisprudence constante : celle de considérer que le décompte du délai de prescription d'une infraction occulte/dissimulée commence le jour où cette infraction pouvait être découverte (au lieu du jour de la commission de l'infraction ou le jour d'arrêt de la commission de l'infraction pour les infractions dites continues dans lesquels le trouble perdure). Le Sénat souhaite apporter une limite afin de garantir la proportionnalité de la justice : une infraction occulte/dissimulée est prescrite après 12 ans (pour un délit) ou 30 ans (pour un crime), même si elle n'a jamais eu la possibilité d'être découverte.

    • Une plainte simple (celle que tu déposes au commissariat) n'interrompt plus le délai de prescription. Cela veut dire que si la justice met trop longtemps à être saisie (car elle manque de moyens, par exemple), alors l'infraction risque d'être impoursuivable. Le-a citoyen-ne peut toujours saisir directement le parquet via les mécanismes de citation directe, de plainte avec constitution de partie civile, etc., ce qui à pour effet d'interrompre immédiatement le décompte du délai de prescription. Je ne sais pas quoi penser de cette mesure…

    • Les délits de presse (injure, diffamation, etc.) simples (il y a des circonstances aggravantes genre diffamer une personne en fonction de son genre, de son identité sexuelle, de sa nationalité, de sa religion, de son handicap, etc. porte le délai de prescription à 1 an) voient leur prescription passer à un an s'ils sont commis sur Internet. C'est les restes d'un travail sénatorial que le Sénat essaye de caser partout ces derniers temps (c'était déjà l'article 37 du projet de loi égalité et citoyenneté).

    J'évoque sommairement une partie de cela dans un shaarli : http://shaarli.guiguishow.info/?bYM2UA .

    Si je n'ai pas d'avis sur les points 2 et 3, un délai de prescription d'un an uniquement pour l'expression sur Internet me pose de gros problèmes que j'ai déjà développés dans d'autres shaarlis dont http://shaarli.guiguishow.info/?Ee48Aw . Sans compter que certaines infractions de presse, comme l'injure et la diffamation, sont systématiquement utilisées comme première ligne de défense, comme diversion, dès la publication du moindre contenu, même si les faits sont avérés et que l'expression est de bonne foi. On le voit avec des journaux tels que Mediapart mais c'est également le cas au niveau citoyen. On peut rappeler la situation vécue par Émilie Colin, citoyenne accusée de diffamation pour avoir publié le prénom+nom des négociateurs français du traité international ACTA et qui a finalement été relaxé.


    Entrée en jeu

    Je m'attendais à ce que l'Assemblée nationale supprime l'amendement relatif aux délits de presse (comme à son habitude) et aux crimes de guerre. Mais, cette fois-ci, la Commission des Lois n'en fera rien lors de la séance du 14 décembre. Je décide alors d'envoyer des mails à quelques député-e-s :

    • Isabelle Attard, car elle et son staff ont des positions idéologiques proches des miennes.

    • Alain Tourret, car il est rapporteur sur ce texte, c'est-à-dire le parlementaire en charge du dossier. Un-e rapporteur-e peut s'exprimer sur chaque amendement sans entrer dans les décomptes de temps de parole, au même titre que le gouvernement. Son avis influence souvent les votes.

    • Razzy Hammadi, car il était rapporteur sur le projet de loi égalité et citoyenneté, donc je me suis dit qu'il devait avoir un vague souvenir des syndicats de la presse qui étaient montés au créneau et de leurs arguments et qu'il pourrait, ainsi, faire autorité en séance.

    Nous étions au tout début du mois de janvier 2017, en plein dans les vacances parlementaires, donc ce fût laborieux de joindre les permanences parlementaires par téléphone (à l'exception notable de celle d'Isabelle Attard). Pourtant, l'examen de ce texte allait avoir lieu le jeudi de la reprise parlementaire, donc il y avait urgence puisque des amendements pouvaient être posés jusqu'au lundi de la rentrée, à 17h (j'en explique la raison ici : http://shaarli.guiguishow.info/?Ihpk-Q ).

    Le staff d'Isabelle Attard déposera l'amendement 3, qui reprend deux de mes arguments. \o/ Cela fera même l'objet d'un article de Next Inpact : https://www.nextinpact.com/news/102845-prescription-et-loi-1881-deputes-refusent-qu-internet-soit-une-circonstance-aggravante.htm .

    Après que j'ai lourdement insisté auprès de son staff, le député Tourret me téléphonera le vendredi 6/01 à 18h (environ). Le vrai objectif de la proposition de loi, c'est de faire évoluer le délai de prescription en cas d'infractions économiques dissimulées. Il ne voit que ça, car ça a toujours été un sujet compliqué à dealer et jamais rien n'a avancé sur ce sujet. Sauf que le Sénat, tout comme les avocats d'affaire y est opposé. Du coup, « à la moindre virgule qui change, le Sénat retoquera tout le texte ». Du coup, il a choisi de sacrifier le délai de prescription sur la liberté de la presse en ligne ainsi que l'imprescriptibilité des crimes de guerre liés à un crime contre l'humanité pour atteindre son objectif. Il s'en remet à une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) citoyenne pour faire tomber ce bout de loi sur le délai de prescription de la presse. Il n'y est pas favorable, il a juste dealé, comme un commercial, quoi. Et puis, de toute façon, la loi de 1881 sera très probablement réécrite prochainement pour tenir compte d'Internet. Sans compter que le Ministère de la Justice est plutôt opposé à l'imprescriptibilité des crimes de guerre liés à un crime contre l'humanité compte-tenu de ce que la France a foutu au Rwanda. Voilà voilà. Ça sonne très "je deale des droits fondamentaux pour augmenter faiblement les chances de punir des infractions économiques dissimulées", non ?

    Viendra la petite phrase « avec tout ce qui se passe en ce moment sur Internet de toutes façons… ». Je réponds que je suis informaticien et que je bosse pour un gros hébergeur de sites web français donc je vois bien la galère. À partir de là, la conversation deviendra compliqué, il devra partir. Et puis bon, en tant qu'avocat, il a beaucoup défendu des infractions de presse donc il s'y connaît donc on est prié de le croire. La procédure est trop complexe : la moitié des plaintes n'est pas reçu. On ne peut pas utiliser des arguties de droit pour empêcher les sanctions.

    Quelques jours avant la séance plénière, j'apprends que Patrick Bloche, député socialiste, a déposé l'amendement 2 pour supprimer l'atteinte à la liberté de la presse. L'amendement d'Attard et le sien formeront donc un lot qui sera examiné d'un trait.


    Renversement de la vapeur

    Le 12 janvier 2017, en séance publique, Alain Tourret invitera ses collègues et le garde des sceaux à ne pas courber l'échine face aux amendements scélérats dictés par le lobby de la finance… Oui, il parle bien des amendements de Bloche et d'Attard. Ben oui, souvenez-vous : ce texte ajoute à notre droit la jurisprudence constante qui fait que le délai de prescription des infractions occultes court à compter de la possibilité de découvrir l'infraction. Les avocats d'affaire et les financiers ne voudraient soi-disant pas de ce texte. En faisant adopter ces amendements sur la liberté de la presse, ils provoquent un désaccord entre l'Assemblée et le Sénat. Le texte continuerait ainsi sa navette parlementaire… Sauf que les travaux législatifs prennent fin à la fin février compte-tenu des échéances électorales, ce qui fait courir le risque de voir ce texte passer à la trappe et forcément, vu son implication et la quantité de travail fournie, le député Tourret ne peut s'y résoudre et c'est bien compréhensible.

    Le député socialiste Oliver Faure, nouveau président du groupe socialiste à l'Assemblée, et le ministre de la Justice, Urvoas (sisi, sisi, incroyable mais vrai) s'engageront à faire leur possible pour que ce texte, s'il était amendé en faveur de la liberté d'expression et de la presse, puisse revenir en débat dans chaque chambre dans le délai imparti. Oui, parce que le texte étant d'initiative parlementaire, il était examiné dans les créneaux du groupe politique dont les auteurs sont membres c'est-à-dire le groupe radical. Forcément, le nombre de ces créneaux est proportionné à la représentativité d'un groupe à l'Assemblée. Olivier Faure s'est donc engagé à faire une place à cette ppl dans les créneaux du groupe socialiste, plus nombreux. C'est le gouvernement qui fixe l'agenda du Parlement, d'où la proposition d'Urvoas. Sans compter le pouvoir de convocation de la Commission Mixte Paritaire dont je parlerai plus loin qui revient au président des deux chambres ou du Premier ministre.

    Après une suspension de séance de plus de 30 minutes propice à tous les arrangements secrets dans les couloirs de l'Assemblée, le groupe socialiste s'unira derrière Patrick Bloche et votera, de justesse, les amendements 2 et 3, voir : http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/%28legislature%29/14/%28num%29/1366 . On a ici l'exemple du groupe radical qui vote contre, pas forcément par conviction, mais par envie de voir le texte aboutir, et c'est bien triste.

    Le reste des propositions du Sénat demeure (les plaintes simples ne sont plus interruptives, la prescription des crimes de guerre reste à 30 ans, le décompte du délai de prescription des infractions dissimulées part à compter du jour où l'infraction est susceptible d'être découverte, etc.) et ne changera plus.


    Le retour du Sénat

    Puisqu'il y a désaccord, le texte retourne en examen au Sénat. Là, je sens un danger : si le Sénat réintroduit l'atteinte à la liberté de la presse et que le vent tourne à l'Assemblée afin de terminer la navette parlementaire ? Je décide alors d'agir au Sénat dans l'espoir fou que les sénateur-rice-s de droite laissent tomber leur lubie ou soient mis en minorité. Cela donnera lieu au dépôt de l'amendement 2 par le staff d'Esther Benbassa, car, entre temps, la Commission des Lois du Sénat a voté un amendement réintroduisant l'atteinte à la liberté d'expression et de la presse…

    Le gouvernement et le groupe socialiste poseront aussi des amendements de suppression identiques qui seront donc examinés en lot.

    Tout cela sera balayé durant la séance plénière du 7 février 2017, voir le résultat du scrutin en http://www.senat.fr/scrutin-public/2016/scr2016-94.html . Séance pendant laquelle le rapporteur aurait dénoncé des "troubles obscurs" ayant conduit au retournement de veste de l'Assemblée. :') Nonon, c'est juste des syndicats de presse, des citoyen-ne-s et des intellectuel-le-s (je présume) via le ministère de la culture. :')

    En parallèle, j'ai lu les comptes-rendus des séances et j'ai écrit des mails à chaque parlementaire qui disait une idiotie (selon moi), histoire de les faire méditer sur le long terme (si cela est possible…). Voir http://shaarli.guiguishow.info/?mcOr_g , http://shaarli.guiguishow.info/?XsPMCw et https://shaarli.guiguishow.info/?UnH_0A . En l'absence de réponse, j'ai téléphoné aux permanences des parlementaires afin de marquer ma volonté d'obtenir une réponse et celle d'ouvrir le débat… Mais aucun de ces parlementaires n'a souhaité discuter avec moi et les réponses reçues sonnent le creux.


    Fin de partie

    Le Premier ministre (sous l'impulsion d'Urvoas comme il s'y était engagé ?) convoquera une Commission Mixte Paritaire chargée d'établir un texte commun le 13 février 2017. Celle-ci constatera que la position des deux chambres ne permettent pas d'aboutir à un compromis.

    Une nouvelle lecture a lieu à l'Assemblée le 14 février. Le groupe socialiste propose et fait adopter un amendement de retour à la prescription habituelle en matière de presse (fut-elle en ligne).

    Une nouvelle lecture a lieu au Sénat le 15 février. Le rapporteur réintroduit un délai d'un an.

    L'Assemblée adopte la version définitive, celle issue de la séance du 14 février, le 16 février 2017.


    Futur

    Lire les comptes-rendus des séances est très intéressant. On y apprend que tous les groupes politiques au Sénat et à l'Assemblée sont d'avis :

    • qu'il faudra allonger à nouveaux les délais de prescription de l'action publique pour aller de plus en plus vers un modèle canadien dans lequel la prescription (au moins pour les crimes) n'existe pas… La gauche (la vraie, pas le PS), la droite et l'extrême droite sont en faveur de cela.

    • qu'il faudra profondément revoir la loi de 1881 sur la liberté d'expression et de la presse afin de tenir compte du numérique… Visiblement, la droite (et l'UDI) est pour un allongement du délai de prescription alors que la gauche (pas le PS hein, la vraie gauche) est en faveur de la dépénalisation de l'injure et de la diffamation. Ça semble être une bonne idée sur le papier mais ça signifie que le règlement des différends se passeront au civil et j'imagine assez rapidement l'américanisation des peines prononcées, donc je suis très mitigé sur cette évolution mais il faut que j'y réfléchisse très sérieusement. Pour le reste, qu'il-elle-s se content de faire appliquer la loi existante en forçant les gros silos à reconnaître leur statut d'éditeur (et non pas d'intermédiaire technique neutre), voir : http://shaarli.guiguishow.info/?B_o92A .

    Bref, ça ne fait que commencer.


    Quelques trucs appris en chemin

    • Le secrétariat général de l'Assemblée, qui accepte, ou non, les amendements, est visiblement plus coulant avec les retardataires qui sont membres des groupes politiques majoritaires… Surprise !

    • Ce même secrétariat est ouvert durant les vacances parlementaires. Cela signifie qu'un-e député-e qui nous dit qu'il-elle ne peut pas déposer un amendement à cause des vacances est un-e menteur-euse.

    • Les député-e-s bénéficient d'un principe d'immunité parlementaire : la justice ne peut pas directement les sanctionner pour des propos tenus en séance. Le-a député-e peut être sanctionné en interne ou voir son immunité levée. La jurisprudence actuelle semble dire que cette immunité s'étend aux journalistes qui rapportent des propos, pour peu que l'échange avec le-a journaliste ait eu lieu dans la salle des 4 colonnes (et dans l'enceinte de l'Assemblée, par extension).

    • Le droit d'auteur, y compris celui des collaborateur-rice-s (qui préparent des notes, des discours, etc.) n'est pas applicable en séance.

    • Au sénat, les décisions au sein des groupes sont prises à l'arrache ou, en tout cas, il n'y a aucune coordination entre le groupe, le-a chef-fe de file et les assistant-e-s parlementaires, ce qui rend le processus législatif opaque, àmha.


    Comment agir ?

    Puisque cette proposition de loi est le dernier texte législatif de cette législature sur lequel je bosse, voici ce que je retiens de la méthodologie à employer pour militer auprès des parlementaires :

    • Il faut impérativement utiliser un outil automatisé pour suivre les pages web consacrées à un texte législatif sur le site web de chaque chambre. C'est le seul moyen d'avoir les informations utiles (date de la prochaine séance, disponibilité d'un compte-rendu, etc.) à temps et ainsi pouvoir agir efficacement. Personnellement, j'utilise https://www.changedetection.com/ , voir http://shaarli.guiguishow.info/?kxbotQ

    • Il faut quasi impérativement utiliser le téléphone pour relancer les parlementaires, s'assurer qu'il-elle-s vont bien traiter le mail que t'as envoyé, etc.

    • Le staff des député-e-s est aussi là pour nous expliquer le fonctionnement interne du parlement, pour transmettre les potins internes & les positions de chaque groupe & les rapports de force et pour conseiller sur les manières d'agir adaptées à chaque texte, à chaque contexte politicien. Il ne faut pas hésiter à les solliciter si tu sens que le contact passe bien.

    • Il faut adopter une stratégie de groupe, notamment au Sénat (à cause de la délégation de vote) : il faut discuter avec les rapporteur-e-s, avec les chef-fe-s de file (les parlementaires qui bossent sur un texte donné au nom de leur groupe (généralement, c'est les mêmes qui prennent la parole au nom du groupe en séance)), avec les président-e-s des groupes politiques de chaque chambre, identifier quel-le-s parlementaires de l'opposition est sensibilisé au sujet (ça ne sert à rien de discuter prescription pénale avec un-e parlementaire membre de la commission des finances, ce n'est pas son domaine d'expertise).

    • Une fois le dépôt d'un amendement obtenu (ou si un amendement à soutenir est déjà posé), il faut rallier autour de cet amendement afin qu'il soit adopté. Il faut faire attention aux groupes politiques : demander à un-e parlementaire LR de soutenir un amendement socialiste, c'pas top… Il faut aussi motiver les membres du groupe dont dépend le-a parlementaire qui a déposé l'amendement favorable à aller voter : ce n'est pas le nombre de signataires d'un amendement qui compte mais le nombre de votant-e-s. Et ça, c'est super difficile. Une stratégie possible est de vérifier, dans l'agenda de la chambre, les textes qui seront débattus avant ou après celui qui t'intéresse et d'identifier les parlementaires moteurs sur ces autres textes : il-elle-s seront très probablement dans l'enceinte du parlement, il-elle-s peuvent bien venir s'intéresser au texte qui t'intéresse.

    • Tout cela est extrêmement chronophage. Donc soit tu te bouges un peu, comme ça on est plus nombreux-ses pour effectuer le taff donc il y a moins de taff pour chacun-e, soit tu finances des associations qui auront des salariés plein temps pour faire du taff parlementaire.

    • Tout le monde peut s'encapaciter sur les sujets ayant trait à la vie de la cité. Il ne peut y avoir une élite qui seule comprend les choix qui sont fait. Tout le monde peut comprendre et tout le monde peut apprendre comment agir. Je ne suis pas juriste de formation, si tu te demandes… et pourtant, j'arrive à faire deux-trois trucs. ;)
    Sat 01 Apr 2017 07:35:42 PM CEST - permalink -
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