Si je conchie sa comparaison entre le traitement judiciaire des animaux et des gilets jaunes (qui, entre autres, mélange comparutions immédiates et procès longs) et que je doute de la véracité de certains de ses exemples, cet article m'a appris des choses à l'heure où les plaintes autour des bruits des animaux (coq, cigales, canards, etc.) se multiplient, notamment que, dans le passé, des animaux ont eu à répondre de leurs méfaits devant des tribunaux laïques et ecclésiastiques, notamment, car il fallait excommunier les animaux de Dieu avant de pouvoir les éradiquer.
Dans l'histoire, les tribunaux ont garanti aux animaux traînés devant la justice plus d’équité que la justice d’aujourd’hui n’en garantit aux gilets jaunes.
Et si les animaux avaient plus de droits que de vulgaires gilets jaunes ? Jusqu’à une époque récente ils ont dû répondre de leurs méfaits devant les tribunaux.
L'éléphant tueur
En 1916, dans le Tennessee, berceau du Ku Klux Klan, un éléphant assassin de son dresseur est condamné à mort et pendu par la trompe à une grue.L'âne est-il coupable ?
En 2005 dans le nord-est de la Turquie, un âne accusé d’homicide a vu sa peine de mort, prononcée par le conseil des anciens, suspendue pour complément d’enquête. « Chacun est innocent jusqu’à ce que soit rapportée la preuve de sa culpabilité » mais « nul n’échappe à la loi », a déclaré le maire.Les animaux auraient-ils donc droit à des garanties procédurales auxquelles échappent les humains ?
Les procès d’anirnaux ont été nombreux sous l’Ancien Régime parce qu’on ne pouvait éradiquer limaces, vermines et autres animaux de Dieu sans qu’ils aient été préalablement excommuniés et condamnés.
Il existait deux moyens de traîner en justice un animal. Lorsque l’acte d’un animal est la cause de la mort d’une personne, il était possible d’engager une procédure pénale devant une juridiction laïque qui la plupart du temps aboutissait à la peine de mort. Ou bien, si vous étiez un brave paysan qui a vu ses récoltes détruites par des petits animaux nuisibles, vous pouviez engager une action civile devant les tribunaux ecclésiastiques afin de les excommunier.
Tout cela dans le respect des formes de droit.
Les sangsues interdites de séjour
Des sangsues et des chenilles ont ainsi été interdites de séjour par jugement contradictoire avec un certain succès.En 1522, Me Barthélemy Chassanée a réussi à faire annuler la citation délivrée aux rats, qui infestaient la région, par le diocèse d’Autun. Il a justement fait valoir le caractère discriminatoire de poursuites dirigées contre une minorité de rats isolés et surtout un délai de comparution insuffisant au regard du danger encouru par les rats pour se rendre au tribunal avec leur courtes pattes, au risque d’être agressés par des chats.
Le tribunal puis la cour lui ont donné raison.
La truie assassine
La truie de Falaise a eu moins de chance en 1386 après avoir tué une petite fille. Placée en détention provisoire elle a été assistée d’un avocat et a reçu notification par huissier de tous les actes de la procédure. C’est donc à l’issue d’une décision inattaquable qu’elle a été nouée, écartelée, mutilée puis brûlée vivante sur la place publique.Il en va de même du pourceau de Saint-Quentin en 1557, condamné à être enfoui vivant dans une fosse pour avoir dévoré un petit enfant.
Le perroquet royaliste
La réinsertion du condamné est déjà au cœur de la réflexion judicaire. Un perroquet qui criait « Vive le roi » en 1794 a été placé par jugement en rééducation pour apprendre a dire « Vive la République » sous peine de mort, mais toute la famille de ses propriétaires, irrécupérable, a été condamnée à mort à l’issue d’une procédure expéditive.L'ours voleur de miel
L’Etat peut cependant se retrouver accusé et accusateur.En 2008, un ours perd un procès face à un apiculteur en Macédoine. Les juges du tribunal de Bitola ont retenu la culpabilité de l’ours pour vol de miel dans des ruches et l’ont condamné à verser à l’apiculteur la somme de 140 000 denars (2 300 euros). L’ours voleur n’étant pas solvable, c’est l’État macédonien qui a dédommagé le malheureux apiculteur.
Au risque de jugements sévères, tous ces animaux ont bénéficié de procès équitables à l’issue de procédures contradictoires.
Allez faire un tour a la 23e chambre des comparutions immédiates : les gilets jaunes y sont traités pire que des chiens !
Dans le Siné Mensuel de juillet-août 2019.