En moins d’une semaine, les manifestations ont déjà fait plus de 20 morts en Iran, comme le reconnaissent les autorités elles-mêmes. Les premières manifs parties de la ville sainte de Mashhad, jeudi 28 décembre, ciblaient l’augmentation du coût de la vie, mais, de jour en jour, elles ont touché nombre d’autres villes, grandes ou moyennes. Avec bien d’autres motivations.
En cause, au départ, l’inflation galopante, l’augmentation du prix de l’essence, du pain ou des œufs… Et aussi le chômage massif de la jeunesse diplômée et la corruption généralisée. La colère populaire vise en outre la politique budgétaire rigoureuse du président « réformateur » Rohani, qui, au passage, a commencé à lever le voile sur le financement public des fondations religieuses, exonérées d’impôts, qui plus est… Dans la mire également, la faillite des institutions illégales de crédit islamiques qui ont pullulé sous Ahmadinejad et qui ont ruiné les épargnants.
Certains slogans ciblent désormais les dirigeants : « A bas le dictateur ! », « A bas Rohani ! » ou « Le peuple vit comme des mendiants, le Guide suprême vit comme Dieu ! » Jusqu’au tout-puissant Guide suprême Ali Khamenei, successeur de Khomeyni… « Pardon Seyyed Ali, tu dois partir ! » Certains sièges locaux des Bassidji, la milice redoutée du régime, ont été incendiés.
Face à cet embrasement, le président Rohani durcit le ton. Après avoir affirmé, dimanche à la télévision, que « la population [était] libre de critiquer le gouvernement et de manifester », il a martelé, lundi : « Le peuple iranien répondra aux fauteurs de trouble et hors-la-loi ». Dernier réseau social toléré en Iran, l’application Telegram, qui compte 40 millions d’utilisateurs, a été bloquée. Les conservateurs, qui ont organisé des contre-manifs, imputent certains tirs mortels aux « contre-révolutionnaires », et Khamenei dénonce les « ennemis » de l’Iran.
Les dirigeants iraniens seraient peut-être avisés de se souvenir que la Révolution française est née d’une marche des femmes pour le pain et la révolution tunisienne de 2011 de l’immolation d’un simple marchand de fruits.
Dans le Canard enchaîné du 3 janvier 2018.