La commission ITRE du Parlement européen (c'est-à-dire un sous-groupe de parlementaires qui bossent sur une thématique donnée) a adopté le futur code européen des télécoms. Maintenant, il s'agit de concilier ce que veulent les parlementaires européen⋅ne⋅s, qui va plutôt dans le sens de l'intérêt général et ce que veulent les gouvernements des États-membres de l'UE (représentés au sein du Conseil de l'UE), qui va plutôt dans le sens des gros acteurs télécoms bien établis. Cela va se faire lors de réunions à huis clos très opaques entre des représentant⋅e⋅s du Conseil de l'UE, du Parlement UE et de la Commission européenne nommées trilogues. Affaire à suivre…
Le pire a été évité, grâce à une majorité des membres de la commission à l'Industrie, à la Recherche et à l'Énergie (ITRE), qui ont résisté aux appels en faveur d'une large dérégulation du secteur. La version adoptée hier en commission laisse suffisamment de marge de manœuvre aux Autorités de régulation nationales (ARNs) pour faire face aux situations oligopolitistiques tout en tenant compte des réseaux communautaires et autres fournisseurs d'accès coopératifs ou sans but lucratif, par exemple en permettant à ces dernier d'accéder aux réseaux de fibre optique ou en promouvant un accès partagé et sans licence au spectre radio, essentiel au développement rapide de réseaux abordables et résilients.
Les membres du Parlement européen responsables du texte -- comme la rapporteure, Madame Pilar del Castillo, connue pour être proche des intérêts de l'opérateur espagnol Telefonica -- vont désormais être en charge de négocier avec le Conseil de l'Union européenne, qui représente les gouvernements européens. Mais ces soi-disant « négociations en trilogue » manquent clairement de transparence, ce qui les rend difficiles à suivre. Ceci est d'autant plus inquiétant lorsque l'on sait que le Conseil de l'UE a proposé des amendements très inquiétants, visant à revenir sur les politiques pro-diversité et à encourager l'oligopolisation des infrastructures télécom.
Le Conseil demande un moratoire de 7 ans sur la régulation après de nouveaux déploiements de réseaux (comme les nouveaux réseaux en fibre optique). Les autorités nationales de régulation n'auraient alors aucun moyen d'imposer aux premiers arrivés des obligations encourageant la concurrence, ce qui donnerait aux grandes entreprises de télécommunication toute lattitude pour étendre leurs positions d'oligopole au détriment des réseaux communautaires et autres opérateurs alternatifs. […]
Concernant le spectre radio, le Conseil entend en préserver le contrôle par les gouvernements, ce qui leur permettrait de poursuivre leur politique qui bénéficie aux acteurs les plus puissants au lieu de faire un usage de ce bien commun qui aille dans le sens de l'intérêt général. En particulier, cela nuirait aux efforts de la Commission visant à développer et étendre l'accès et le partage du spectre sans licence, qui permet le développement d'opérateurs alternatifs et stimule la diversité dans le secteur des télécommunications.
Sur les aspects institutionnels, le Conseil veut laisser les États membres décider de l'autorité qui assurera la surveillance du marché et défendra les droits des utilisateurs. Ce faisant, il permet le contournement des ARN et prend le risque de saper toute forme d'intervention indépendante au niveau national, ainsi que toute forme de coordination au niveau européen.