Retour sur la rétribution des renseignements en place depuis 2 ans.
Voilà un job qui peut rapporter gros… à l’Etat ! Selon un rapport parlementaire rendu public le 5 juin par la députée PS Christine Pirès Beaune, les « aviseurs fiscaux » ont enrichi les caisses publiques de 95,9 millions d’euros en deux ans. Un montant certes modeste, comparé aux dizaines de milliards que représente la fraude fiscale. Mais un début prometteur, tout de même… Depuis 2017, en effet, des informateurs peuvent vendre leurs tuyaux aux impôts.
Avant de considérer les informations qui leur sont soumises, les agents de la Direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) s’informent… sur les informateurs. Ils vérifient que ceux-ci ne travaillent pas pour des puissances étrangères et qu’ils ne sont pas en délicatesse avec leur percepteur. Il ne manquerait plus que le cafteur soit rétribué en devenant son propre délateur !
Ç’a eu payé
Ce dispositif rémunéré doit permettre de lutter plus efficacement contre les fraudes fiscales internationales : fausses domiciliations à l’étranger, transferts de bénéfices, non-déclarations de comptes bancaires ou de contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger… La DNEF ne s’intéresse qu’aux fraudeurs haut de gamme !
Peu efficace, le système précèdent avait été abandonné en 2004. A l’époque, les dirigeants politiques se bouchaient le nez à l’idée de rétribuer des mouchards. Trois ans plus tard, la Direction des impôts suppliait la Grande-Bretagne et l’Allemagne de lui transmettre un listing de contribuables français ayant ouvert des comptes au Liechtenstein. Humiliant… La fuite des Panama Papers, en 2016, a convaincu les parlementaires d’offrir un cadre légal aux aviseurs fiscaux. Il y a belle lurette que les services de police, de gendarmerie et de douane rétribuent les renseignements. Dans une certaine opacité, d’ailleurs…
Petite déconvenue pour les chasseurs de prime fiscale : le 10 mai 2017, juste avant de quitter le pouvoir, Michel Sapin, alors ministre de l’Economie et des finances, et son collègue du Budget, Christian Eckert, ont signé en catimini une circulaire « confidentielle » limitant leurs récompenses à 1 million d’euros. « Nous ne souhaitions pas tomber dans le travers des Américains, qui paient des sommes extravagantes, souligne Michel Sapin, contacté par “Le Canard”. Nous voulions récompenser l’intérêt de mettre au jour des montages fiscaux méconnus de nos services plus que l’intérêt financier des informateurs. »
Les députés de la commission des finances souhaitent pourtant, dans leur majorité, revenir sur ce plafond, jugé « désincitatif » (sic). L’informateur ayant permis le plus gros recouvrement — 91,2 millions d’euros ! — « n’a livré qu’une partie des dossiers d’évasion fiscale dont il avait connaissance », regrette Christine Pirès Beaune. Il compte fractionner ses renseignements ? Avisé, cet aviseur !
Hum… Pour l'instant, il n'y a pas eu la vague de mouchards redoutée à une époque : 95,9 millions d'euros de recettes, dont un recouvrement de 91,2 millions d'euros, ce qui laisse 4,7 millions d'euros pour d'autres avisés, qui, puisque ce dispositif prétend s'intéresser aux gros poissons, ne doivent pas être nombreux.
Dans le Canard enchaîné du 12 juin 2019.