Compte-tenu que la force conjointe du G5 Sahel ne progresse pas, qu'elle ne fait pas recette dans l'UE et que Trump essaye de plomber les ventes de l'industrie militaire européenne, Macron essaye encore et toujours d'initier une défense commune européenne. Sous sa nouvelle forme, il s'agit d'une force spéciale d'intervention de 26 000 personnes. Actions armées rapides (pour soutenir un dictateur africain, comme à la belle époque ? :) ), évacuation de civils, etc.
La préparation du prochain Conseil des ministres franco-allemands, le 21e du genre, ne se déroule pas dans la joie au Quai d’Orsay et au ministère des Armées. Ce sera de nouveau l’occasion, le 16 octobre, de confronter les conceptions des deux gouvernements sur leurs projets communs en matière de défense, à savoir la fabrication du plus bel avion de combat et du plus lourd char du futur. Difficultés et retards s’accumulent pour remplacer ainsi les Typhoon et les Leopard allemands ainsi que les Rafale et les Leclerc français « à l’horizon » 2040, comme on dit.
Mais les controverses entre Paris et Berlin ne se limiteront pas à la mise au point de ces engins de mort, qui, soit dit en passant, coûteront quelques dizaines de jolis milliards. En effet, une idée récemment lancée par Macron n’a guère enthousiasmé Angela Merkel et les ministres allemands. Le Président appelle de ses vœux la création d’un « groupe de forces spéciales européennes » qui pourrait appuyer l’action des troupes françaises au Sahel… et intervenir ailleurs. Car, aujourd’hui, Macron ne songe plus seulement à sauver l’Afrique, il s’intéresse aussi au sort de l’univers.
Son « Initiative européenne d’intervention » — c’est le titre choisi par l’Elysée — a été proposée à 13 Etats du Vieux Continent. L’objectif, tel que le définissent le Quai d’Orsay et le ministère des Armées, serait de créer une force d’intervention de 26 300 hommes — admirez la précision à la centaine près… — destinée à intervenir loin de l’Europe : actions armées rapides, évacuations de civils menacés dans un pays en guerre, assistance lors d’une catastrophe, etc.
Serait-ce une façon de faire comprendre à nos chers alliés européens qu’il ne faut plus vraiment compter sur la Grande Amérique en cas de crise ? Oui, mais, comme le remarque un expert militaire, « même modeste, car l’Europe compte tout de même quelques centaines de millions d’habitants, cette idée de Macron fait peur »…
Pour le Sahel, l’ambition du président français est moins spectaculaire. Il souhaiterait seulement que des forces spéciales européennes de plusieurs centaines d’hommes puissent seconder la France dans son combat contre les groupes islamistes : de 200 à 250 commandos, pour commencer. Florence Parly, la ministre des Armées, s’est adressée, dans cette intention, à une dizaine de pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne. Et elle n’a pas fait un triomphe.
« L’Europe est vraiment impotente », comme s’en désole un conseiller de l’état-major des armées.
Dans le Canard enchaîné du 9 octobre 2019.