Un 7e service de renseignement fiscal est en création à la DGFIP. Il pourra collecter des infos, les croiser, les vérifier au-delà des techniques utilisées habituellement par les administrations (y compris les services de renseignement ?). Ce service, décidé sur un coin de table lors d'un conseil de défense (WTF ?!), ne sera pas contrôlé (par une entité externe), comme la majorité des autres services de renseignement de Bercy.
Darmanin veut renforcer le renseignement fiscal. Au risque de filer des boutons aux poulets.
Bercy disposait déjà d’au moins six services pour chasser les fraudeurs fiscaux. Il était donc urgent d’en créer un septième ! Après la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (pour la traque aux frontières}, après les trois directions spécialisées des services fiscaux, après Tracfin (chargé de la pêche aux infos sur « le blanchiment et le financement du terrorisme ») et après le nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances (sur les délits fiscaux, sous le contrôle dun magistrat), voici — alleluia ! — la Mission de renseignement fiscal !
Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé la bonne nouvelle dans une interview aux « Echos » (23/8). Il a précisé que la Mission — qu’il supervisera lui-même et qui sera chargée de la détection à grande échelle des tricheurs — pourra mener des investigations « au-delà des techniques administratives habituelles ».
Pour rassurer les inquiets, Bercy a précisé, depuis, qu’il ne s’agirait pas de méthodes coercitives (filatures, écoutes, gardes à vue…). Ses pouvoirs se limiteront, selon un haut fonctionnaire, « à collecter des informations, à les croiser, à les vérifier et à les transmettre aux autorités judiciaires qui décideront d’engager d’éventuelles poursuites pénales ». On est prié de le croire.
Self-contrôle
Détail étrange : le montage de ce Meccano, selon les confidences de Darmanin à ses proches, a été discuté et approuvé lors d’un conseil de défense qui s’est tenu à l’Elysée en juin. Entre un point sur la guerre au Sahel et la lutte antiterroriste ?
Avant même sa mise en place, cette Mission et déjà obtenu un résultat : la relance de la guerre entre Bercy et la Place Beauvau, où des policiers sont eux aussi chargés de récupérer le blé des tricheurs et de faire du renseignement sur la fraude fiscale. « On nous a emmerdés avec les Renseignements généraux, accusés — parfois à juste titre — d’avoir été une police politique, râle un flic jaloux. Leur machin fiscal, c’est quoi ? Et sans contrôle, en plus ! » Parole d’expert…
Le contrôle de ses propres services d’enquête, en effet, n’est pas le fort de Bercy. Tout ou presque se fait en interne. Une situation difficilement acceptable pour des organismes qui peuvent aller fouiller sans limite dans la vie privée des contribuables.
Seuls Tracfin et le Renseignement douanier ont, en principe, l’obligation de rendre des comptes à la délégation parlementaire au renseignement. Un contrôle très théorique : cette dernière (quatre députés et quatre sénateurs) dispose de moyens humains limités et concentre son travail sur les géants du renseignement que sont la DGSE et la DGSI.
Du coup, les contrôleurs ne se montrent guère curieux à propos de Bercy, s’il faut en croire les rapports annuels de la délégation. L’exemple le plus caricatural est offert par Tracfin : les parlementaires se contentent de recevoir une fois par an son patron et de recopier les meilleurs passages du rapport annuel établi par ses adjoints.
Pourquoi se compliquer la vie à contrôler un organisme de contrôle ?
Dans le Canard enchaîné du 28 août 2019.