Les sciences n’échappent pas à deux travers des religions et de la politique : le culte de la personnalité et le plagiat. C’est le cas en biologie, dans les théories sur l’histoire de la vie. Celles-ci n’ont pas eu un essor facile : leurs découvertes, comme celles de l’astronomie, réfutent les dogmes stupides de vieilles religions jadis toutes-puissantes. Face aux évidences observées, les scientifiques maquillaient leurs découvertes si elles contredisaient les inepties des livres sacrés. Sous peine de finir cuisinés. Ainsi, quand Buffon écrivait que l’âne et le cheval auraient pu avoir un ancêtre commun, que l’on pourrait imaginer que tous les êtres vivants soient issus de transformations, c’était pour, dans le paragraphe suivant, démentir ces « hypothèses absurdes » niant la divine création.
Lamarck a profité de la courte fenêtre de tir matérialiste de la révolution pour enseigner, en 1800, que l'histoire de la terre a duré des millions d’années et que tous les vivants sont apparus au long de généalogies parties des êtres les plus simples, eux-mêmes issus de la matière inerte. La théorie de l’évolution était écrite dès 1801 et développée dans la Philosophie zoologique, en 1809, année de naissance de Darwin. Mais l’Empire ramena les bigots au pouvoir et la Restauration aggrava les choses. Un Lamarck bashing qui persiste de nos iours !
Un demi-siècle plus tard, après avoir admis le mérite de Lamarck, Darwin prétendit ne rien lui devoir. Son originalité en évolution se limitait pourtant à la sélection naturelle, imaginée par Malthus et volée à Wallace. Darwin a plein d’autres mérites, pas ceux—là ! Ce qui n’empêche pas un culte religieux du soi-disant « père de l’évolution » dans les pays anglo- saxons, importé en France par des intégristes darwiniens incultes.
On en oublie même les autres apports de Lamarck, en particulier les propositions de méthode et philosophie des sciences de son dernier ouvrage, qui vient d’être republié. On y trouve aussi des observations étonnantes sur la façon dont les humains détruisaien la nature et ses espèces… en 1820 ! Et sur la façon dont le conflit entre instinct et raison les conduit à des comportements absurdes, destructeurs et compromettant l’avenir… Lamarck a inventé le mot biologie, mais pensait déjà écologie et biologie du comportement !
Dans Siné mensuel de mai 2018.