De mémoire de policier, c’est du jamais-vu : le 5 août, le ministère de l’Intérieur a passé un appel d’offres pour 1,2 million de grenades fumigènes, assourdissantes et lacrymogènes ! Une panoplie pétaradante à 22 millions d’euros, destinée à équiper CRS, gendarmes mobiles et compagnies d’intervention de la sécurité publique.
Cette information, publiée dans le « Bulletin officiel des marchés publics », annonce-rait-elle une rentrée sociale festive ? « Ça n’a rien à voir, s’énerve—t-on Place Beauvau. Il s’agit simplement d’un renouvellement d’appel d’offres arrivé à son terme. » Et d’insister sur le fait que la commande porte sur quatre ans, alors qu’auparavant les emplettes se faisaient chaque année. Certes, mais cela n’explique pas tout…
La triste réalité, découverte par « Le Canard » — qui a mis son bec dans les soutes à munitions de la Place Beauvau —, c’est que les stocks étaient à sec ! Durant le quinquennat de Hollande, les poulets ont dégoupillé dur. « Il y a eu Notre-Dame-des-Landes, Sivens, Calais, les manifs contre la loi Travail (déjà)… On n’a pas arrêté de grenader », décrypte l’un d’entre eux. L’année dernière, à Calais, les CRS ont tiré à eux seuls près de 2 000 grenades par mois, à 50 euros l’unité. Aux 22 000 grenades balancées sur les migrants s’ajoutent, bien sûr, celles des gendarmes mobiles. Boum !
Une frénésie explosive au service du made in France, puisque le principal fournisseur du ministère de l’Intérieur est le sarthois Alsetex, « leader des produits pour la gestion démocratique des foules » (sic). Un gagnant qui respecte l’environnement : comme le mentionne l’appel d’offres, les emballages abritant cette quincaillerie doivent être recyclables.
« Démocratie », écologie. Que redoute le peuple ?
Alsetex fait aussi dans la vente à de charmantes dictatures comme le Bahreïn.
Dans le Canard enchaîné du 30 août 2017.