Si cela peut aider certain-e-s à prendre leurs résolutions (perso, je reste en 96 dpi (hé non, la résolution, ce n'est pas 1920x1080 qui est la définition ;) )), je dépose ici ce que je radote souvent ces dernières années à propos de faire / entreprendre / prendre des initiatives.
Le modèle "attendre les autres" ne fonctionne jamais. Il faut d'abord faire ce qui te semble être une amélioration et ensuite tu pourras convaincre (ou pas). Mais tu ne convaincras jamais avec des "il faudrait trop qu'on fasse ça". Convaincre sans avoir un échantillon de ce que tu racontes, un proof-of-concept / une démo, quoi, c'est ce que font les politocard-e-s, justement. Et nous sommes les premier-e-s à affirmer qu'il-elle-s sont incapables de nous convaincre… Genre, c'est un peu comme une société commerciale qui blablate mais qui n'a aucun produit correspondant, tu vois.
Et c'est valable dans tous les domaines : avant de demander une autorisation ou un coup de main ou une mise en lumière par un-e élu-e ou même un financement, produit un début de quelque chose, n'attends pas. Si tu attends, tu montres à autrui que tu es à la merci de son consentement et de sa volonté à agir dans ton sens. Si tu fais d'abord et que tu blablates (réseautage, communication, influence, etc.) ensuite, tu montres que le projet est crédible et qu'il ne dépend pas de la volonté d'autrui et que même sans son aide, tu le porteras. Autrui voudra se rendre utile (selon diverses motivations), psychologie inversée, en gros.
Si l'on avait attendu d'être à l'équilibre dans le "business plan" vaguement envisagé avant de financer la nouvelle infrastructure d'ARN, il n'y aurait toujours pas d'infrastructure ARN potable. Si Oles avait attendu que d'autres se bougent pour le rejoindre avant de fonder et de développer OVH alors OVH n'existerait toujours pas. Etc, etc, tu peux décliner à l'infini. Parce qu'il y a un problème de poule et d'œuf : il n'existe pas beaucoup de personnes qui veulent contribuer (financièrement ou non, ce n'est pas la question) à un truc qui n'est qu'une vague idée et qui ne rapportera peut-être rien car il faut se retrousser les manches et qu'il y a un risque d'échec. L'humain-e se complaît dans sa zone de confort, c'est un défaut commun.
Hé oui, en faisant, tu prends le risque de faire quelque chose qui ne rencontrera pas le succès, qui sera totalement ignoré. Genre OWNI était un super site de presse qui a échoué à trouver son financement. Genre Olympe, un hébergeur associatif, a mis la clé sous la porte récemment, faute de thunes. Donc ça ne sert à rien de tenter des trucs car tu vas te vautrer ? Pourtant, tu prends parfois des risques. Genre tu n'as jamais râté un examen ? Tu ne t'es jamais pris un rateau ? Si Mediapart ou Reflets avaient attendu des lecteur-rice-s potentiel-le-s à une "époque" où tout le gratin journalistique était convaincu que les gens ne veulent pas lire des articles approfondis mais simplement des faits divers, alors on n'aurait toujours pas Mediapart ni Reflets. Le succès (c'est déjà un terme à préciser, qu'est-ce que le succès, mais soit…), la réussite d'une initiative, tout comme l'engouement, se mesurent uniquement après-coup.
Prédire les initiatives (quelles qu'elles soient) qui rencontreront le succès, c'est comme prédire les avancées en mathématiques : c'est impossible. Il ne suffit pas d'accorder du temps et de la thune à un max de personnes pour que, pouf, un théorème mathématique de la mortkitue soit découvert dans le temps imparti. De même, la réussite d'une initiative (associative, politique, etc.) tient aussi beaucoup à la temporalité et au contexte dans lesquels elle est lancée et évolue. Je veux dire par là que l'imprimerie avec des caractères mobiles en plomb a connu le succès dans un contexte de volonté généralisée de diffuser le savoir et les idées modernes. Je veux dire par là que n'importe quelle société commerciale innovante qui réussie le fait car elle arrive au bon moment, avec la prestation adaptée, dans un contexte où les gens sont en attente de cette prestation. Oui, il y a clairement un facteur "au bon endroit, au bon moment".
ÉDIT DU 02/01/2017 À 13H30 : "Attendre les autres" souffre aussi d'un problème de logique : bah, oui, toi, tu attends autrui… et autrui attend autrui… qui est potentiellement toi. Tu conceptualises la dépendance circulaire ? Ça ne va jamais compiler cette histoire. On retrouve ça sur les listes de discussion ou dans la partie questions-réponses des conférences : on attend toujours que quelqu'un-e d'autre parle en premier, pose la première question. D'abord parce qu'on a peur de raconter de la merde qui, pensons-nous, nous exclura du groupe mais aussi parce que si ça se trouve, ce-tte quelqu'un-e d'autre présentera ce qu'on voudrait dire donc c'est inutile de le faire nous-même, on retrouve ici l'argument de la flemme. Or, la probabilité que quelqu'un-e présente la même chose que nous avec la même nuance est très faible. Hé ben c'est pareil pour faire / entreprendre / prendre des initiatives : la probabilité que quelqu-un-e construise exactement ce que t'as en tête, avec les mêmes nuances, les mêmes subtilités (et les mêmes imperfections) est très faible. Moralité : tu attends autrui pour rien. FIN DE L'ÉDIT.
Quand je parle de faire ou d'entreprendre ou de prendre des initiatives, j'y donne un sens large : entreprends tes projets personnels (même si c'est une bidouille de geek), participe à la vie politique locale/nationale, make ton association ou contribue à une existante, prends des initiatives pour changer les points de ta vie que ne te plaisent pas (travail, problème personnel, défaut, etc.), bidouille du logiciel, bidouille du matériel, bidouille de la politique, etc.
Par ailleurs, faire, prendre des initiatives, t'impliquer, ce n'est pas le combat de toute une vie tel qu'on le voit dans les films autobiographiques, hein. Ça peut être des choses toutes simples comme monter et maintenir un bout de site web, pondre un petit bout de code qui automatise un process, participer à la revue de presse ou à l'écriture des actus de ton association, donner ton avis sur les différentes discussions en cours dans ton asso ou dans ta municipalité, contacter tes élu-e-s pour leur donner ton avis, documenter le monde, etc. À mon avis, on ne se représente pas assez souvent tout ce qui peut faire avancer un projet, une idée, une cause. Même si tu n'as pas de projets ou d'envie particulière, regarde autour de toi, il y a toujours à faire, il y a toujours des choses sur lesquelles tu as envie de réagir et d'agir.
Pour me motiver dans mes moments de déprime, je me réfère souvent à l'histoire du colibri, que j'ai trouvée chez Zythom ( https://zythom.blogspot.fr/2016/06/la-gratuite-des-expertises-judiciaires.html ) :
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Ça marche, notamment quand je communique avec nos représentant-e-s élu-e-s au Parlement et que je me sens bien seul à le faire et totalement désemparé. Oui, il-elle-s n'en ont rien à faire de ce que je raconte, je le sais bien, mais je fais ma part du boulot et j'essaye de convaincre (sur ce shaarli, par exemple) que c'est la bonne façon d'agir et je fournis un peu de vulgarisation et des modèles de mails. Aux autres citoyen-ne-s de faire leur part du taff. Les élu-e-s veulent se maintenir à leurs postes et/ou privilèges (comme chacun-e d'entre nous, ceci dit) donc il-elle-s n'oseront pas aller contre un nombre significatif de citoyen-ne-s, de peur de ne pas être réélu-e-s. Je veux dire que quand t'auras un nombre de citoyen-ne-s impliqué-e-s qui sera assez significatif pour être susceptible de faire basculer une élection, les élu-e-s fileront droit. Je n'ai aucun doute sur ça. Simplement parce que, dans une démocratie représentative, le-a lobbyiste peut filer de la thune, inviter les élu-e-s au resto et à pléthore d'autres activités trop cool mais ce-tte lobbyiste ne peut pas accorder de privilèges via une élection. C'est le peuple qui octroie des privilèges. Or, si l'on est passé d'une gouvernance royale héréditaire à une démocratie représentative, ce n'est pas uniquement parce que le bon Peuple voulait la liberté contre le roi tyrannique mais aussi parce que les bourgeois avaient la richesse mais ne pouvaient pas accéder au pouvoir (puisqu'il était réservé à une lignée qui se revendiquait d'origine divine). Sur ce dernier point, voir http://shaarli.guiguishow.info/?dAqyzw .
La démocratie, même représentative, ça n'a jamais été un système de gouvernance plug and play ou plug and forget, ça a toujours été conçu comme un système où le-a citoyen-ne exerce une surveillance constante des actions conduites par les élu-e-s et un retrocontrôle de ces mêmes actions. Oublier cela et se contenter de râler sur la composante représentative de la démocratie, c'est un non-sens, c'est se trouver une bonne excuse pour ne pas se bouger le cul.
Or, pour l'instant (et depuis fort longtemps), on est quelques centaines de milliers de personnes à se remuer sur les textes les plus liberticides comme la loi Renseignement ou les plus destructeurs de l'environnement (par exemple) et l'on est quelques millions de personnes à se bouger sur une loi relative au Code du travail (et c'est à chaque fois les sujets de plus forte mobilisation). Les autres thématiques passent inaperçues. C'est mignon mais :
En autre modèle de gouvernance, on peut aussi laisser nos élu-e-s faire ce qu'il-elle-s veulent, comme il-elle-s veulent en se disant qu'on n'a pas le temps (ce qui est idiot : plus on sera nombreu-x-ses, plus le travail sera réparti donc occupera moins le temps de chaque militant-e) ni les compétences pour faire quelque chose et que, de toutes façons, le monde ne tourne pas trop-trop mal comme ça. C'est une attitude bien pratique car elle ne nécessite pas de faire des efforts, de s'impliquer. Dans ce modèle, les lobbyistes sont puissant-e-s. Si l'on laisse ce système se généraliser alors :
En autre modèle de gouvernance, on peut aussi vouloir migrer directement à la démocratie participative ou à la démocratie liquide plutôt que de vouloir patcher la merde de la démocratie représentative. Très bien, mais ces modèles reposent justement sur le make, la participation active. Ces modèles de gouvernance politique exigent que nous, citoyen-ne-s, nous prenions encore plus en main. C'est l'étape d'après. Si déjà on ne veut pas s'impliquer par flemme ou par incompréhension du système représentatif, alors on ne participera pas à la vie de la cité dans un modèle participatif car même dans ce modèle, il y aura des choses chiantes à faire (du genre causer budget de l'État, budget de la solidarité, etc.), l'administration quotidienne de l'État, des lois débiles à examiner (bah oui, tout le monde pourra en proposer, ça ne changera pas d'aujourd'hui en terme de qualité inégale d'une proposition à l'autre), argumenter longuement pour obtenir de petites avancées, troller, etc., etc. Bref, si l'on va vers ce modèle sans se préparer, on aboutira à une autre forme d'élite qui n'aura rien à envier à ce que nous nommons aujourd'hui élite. Seule la manière de la nommer changera.
Du coup, tu choisis quoi pour cette nouvelle année ? :)