Un gorille surgit dans l’église de Verdun, le 6 novembre, et brandit sa plaque de flic pour ordonner d’accélérer la messe d’enterrement. Motif : l’arrivée imminente du Président, en « itinérance mémorielle », obligeant la maréchaussée à neutraliser la rue. Pour ne pas gêner le cortège présidentiel, même les morts doivent se mettre « en marche » !
En six jours, la caravane élyséenne, forte d’une quarantaine de véhicules, a sillonné neuf départements de l’est et du nord de la France. « Le Président avait exclu l’emploi de l’hélicoptère, trop dispendieux. On a donc slalomé pour éviter les ”gilets jaunes” », raconte un participant du Macron Tour.
On reparle d'écologie (est-ce que cette consommation d'énergie fossile et cette pollution au CO2 sont justifiées ou même justifiables) ? :))))
A chaque étape, rameutées des quatre coins du pays, pas moins de six unités de CRS (65 hommes chacune, et une vingtaine de véhicules) étaient chargées de tenir à distance les grincheux et autres contestataires. Des troupes locales — jusqu’à 200 poulets et pandores — s’occupaient de la circulation et faisaient le vide autour de Jupiter. Sans compter les poilus du Président : une soixantaine d’hommes du GSPR, chargés de lui filer le train, ainsi que des membres de la CRS 01 et les tireurs d’élite du Raid et du GIGN, perchés sur les toits. Ça en fait, du monde, dans la tranchée !
On reparle du « pognon de dingue » ? :))))))
Fausse nonne, vrai kebab
Si le dispositif n’a pas empêché Macron de se faire chahuter, ses poulets se sont montrés impitoyables. A Pont-à-Mousson le 5 novembre, ils ont plaqué au sol une fausse nonne qui entendait exorciser Emmanuel. Il s’agissait en fait d’un étudiant de 20 ans qui, après être passé à confesse, a été relâché.
Le lendemain, à Reims, une écolo a écopé d’une garde à vue. Son crime ? Avoir tagué sur les marches de la mairie : « On veut des coquelicots, halte au pesticide glyphosate. » Le procureur, ayant jugé l’affaire de la plus haute importance, a convoqué la protestataire en janvier.
Le 8 novembre, enfin, sans doute impatient de voir ressortir Macron de l’hôtel de ville d’Arras, un citoyen a vociféré : « Va te faire égorger, fils de pute ! » Aussitôt dit, aussitôt interpellé ! Montant dans le fourgon, l’impudent a juste eu le temps de lancer à sa moitié : « Prends mon kebab, je pars en garde à vue. »
Finalement, c’est lui qui a dégusté !
Cet article illustre une toute partie du problème qu'il y a à désigner, par suffrage, un homme (ou une femme) providentiel censé nous guider, nous protéger, décider en dernier ressort en plus haut-lieu : cette désignation, par sa conception même, le met à l'écart des autres, au-dessus des autres, il est quelqu'un d'exceptionnel qui mérite une protection renforcée, une attention particulière, un service aux petits soins alors qu’il est juste une petite merde de plus parmi 7 milliards d’autres. La déconnexion des élites commence comme ça. Il serait temps de réviser notre conception du pouvoir et surtout la manière de l'incarner (ou non).
Dans le Canard enchaîné du 14 novembre 2018.