Qu'on se le dise, les sénateurs prennent très au sérieux la question du harcèlement au travail… mais pour se protéger eux-mêmes ! En cas de litige avec un collaborateur parlementaire, le sénateur qui l’emploie n’aura pas un son à débourser pour sa défense. Ses frais d’avocat seront désormais pris en charge, à hauteur de 50 000 euros, au maximum, par une assurance maison. Tandis que le pauvre assistant parlementaire, lui, devra se débrouiller tout seul.
La bonne nouvelle a été annoncée le 10 mai aux élus par l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs (Agas). Cette structure interne, qui établit les contrats et les fiches de paie des assistants parlementaires, a passé un marché avec une société d’assurance, la Smacl, offrant « une protection juridique au bénéfice des sénateurs en leur qualité d’employeurs ». Entré en vigueur le 1er janvier, le contrat donne des garanties en or aux sénateurs qui malmèneraient leurs salariés. En cas de litige, les parlementaires resteront libres de choisir leur avocat, mais la facture sera directement réglée par l’assureur. Avec une limite, tout de même : l’élu qui sera éventuellement condamné aux prud’hommes paiera lui-même l’amende.
Même pas mal
Plus formidable encore, annonce l’Agas dans son courrier, les sénateurs pourront bénéficier « des services d’un professionnel des relations publiques en vue de prévenir ou de réparer toute atteinte à la réputation suite à un litige et qui résulterait, par exemple, (…) d’articles de presse ». En clair, les élus auront droit à une campagne de com’ — de 5 000 euros, au maximum — pour redorer leur blason, même si les faits sont avérés ! Dernière douceur : l’assurance couvre les élus jusqu’à cinq ans après la fin de leur mandat. Qui dit mieux ?
Le syndicat CGT des collaborateurs parlementaires s’est étouffé en découvrant ce joli marché. « C’est totalement inégalitaire, dénonce l’un de ses membres au “Canard”. Nous, les assistants, n’aurons jamais de tels moyens financiers pour nous défendre ! Et, en plus, cette protection des sénateurs est payée sur des fonds publics. »
Le progrès social au Sénat, ce n’est pas un vain mot.
Que c'est beau, que c'est propre… D'un certain côté, c'est la suite logique de la massification de la protection juridiques dans les contrats d'assurance de M. ToutLeMonde : viens pas me chercher des noises, surtout si t'es pas très argenté, car j'ai de gros biscottos, je me suis prémuni contre tout et tous ! Sortir les muscles en permanence afin de dissuader. Folie de notre époque…
Dans le Canard enchaîné du 22 mai 2019.