Pour éviter de céder le contrôle d’ADP (gestionnaire d’Orly et de Roissy) au peu populaire groupe Vinci, qui s’est déjà gavé avec les péages d’autoroute, l’Etat pensait tenir un plan B. Il songeait à vendre un morceau de son bien - 29,9 % - à un consortium constitué, pour une petite partie (1 milliard d’euros), par des départements franciliens et, pour une grosse (5 milliards d’euros), par le fonds d’investissement privé Ardian (ex-Axa Private Equity). Las ! ce beau projet a déjà du plomb dans l’aile.
Pour une bête question de personne, d’abord : Emmanuel Miquel, conseiller entreprise attractivité et export de la présidence de la République depuis juin 2017, avait passé auparavant trois années comme senior advisor chez Ardian. Trésorier de l’association de financement d’En marche !, il a, au cours de la campagne, levé des fonds auprès de riches donateurs. Aujourd’hui, le jeune loup de la finance a décidé de retourner dans le privé, comme l’Elysée le confirme au « Canard ». Où ça ? Chez Ardian, pardi ! La commission de déontologie est saisie… Economiquement, la candidature d’Ardian soulève aussi quelques questions.
La branche Infrastructure, accompagnant les projets industriels, vient de réunir la respectable somme de 10 milliards d’euros pour acheter des portions de routes, de pipelines et d’aéroports au sein de l’Union européenne (« Les Echos », 22/1). Moyennant quoi Ardian promet à ses investisseurs un rendement très supérieur à 10 % ! Appétissant…
En général, Ardian attend d’avoir fait fructifier ses achats avant de les revendre. Le 28 mars, le groupe a annoncé la cession de sa participation de 49,2 % dans les parkings Indigo, acquis en 2014. A l’époque, la société était valorisée 2 milliards d’euros ; elle en vaut aujourd’hui entre 3 et 4 milliards. Les nouveaux proprios seront français et allemand, mais Ardian a été à deux doigts de vendre à un groupe chinois.
Avec des baguettes
Ce qui n’a l’air d’effrayer ni Patrick Devedjian, président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, ni Pierre Bédier, son homologue des Yvelines. « Ils sont prêts à pactiser avec des requins de la finance et à se retrouver un jour face à des Chinois, s’étonne un industriel peu sinophile. Il serait peut-être plus prudent de renoncer à la privatisation. » Mais l’Etat devrait alors dire adieu à 6, voire à 10 milliards d’euros. Comélien…
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Dans le Canard enchaîné du 3 avril 2019.