Enercoop est un ensemble de coopératives situées un peu partout en France dont les objectifs sont d'être un fournisseur coopératif d'électricité (au même titre qu'EDF) provenant à 100 % de sources renouvelables et de fédérer producteur⋅rice⋅s locaux et consommateur⋅rice⋅s. Il y a également un objectif fort de traçabilité (qui produit mon énergie ?) qui est rempli en ayant un contrat direct avec chaque producteur⋅rice d'énergie. Il y a enfin une volonté d'encapaciter le plus grand monde concernant la maîtrise de son empreinte énergétique.
J'ai rejoint Enercoop Midi-Pyrénées en mars 2017 en tant que consommateur. Tu comprends donc que je découvre le milieu de la fourniture d'énergie et qu'il faudra prendre le reste de ce shaarli avec des pincettes. Lors de l'Assemblée Générale 2017 d'Enercoop Midi-Pyrénées, j'ai constaté qu'il y avait des motivations très diverses pour prendre part à Enercoop : consommer autre chose que du nucléaire, traçabilité de sa consommation électrique, etc. Pour ma part, j'ai adhéré pour comprendre comment se déroulent la production et la fourniture d'énergie en France. : quels sont les tours de passe-passe de l'acteur historique (EDF) et de l'État ? comment cela fonctionne-t-il techniquement (qui met de l'électricité dans ma maison et comment ?) et administrativement (acteurs, facturation, etc.) ? Quels sont les problèmes éthiques et politique (vie de la cité) qui se posent dans ce secteur et comment peut-on les résorber ?
Notes sur les Statuts
De prime abord, dans les Statuts de la coopérative Midi-Pyrénées, il y a des éléments qui sont à la limite de ce que je considère acceptable :
- L'élection des membres du CA en AG se fait à bulletin secret #transparence ;
- Il est possible que des informations confidentielles ne soient pas communiquées aux membres de la coopérative #transparence ;
- Les mandats du CA sont de 4 ans #cristallisation_de_la_structure #création_de_superhéros_indéboulonnables ;
- Il est possible d'avoir des jetons de présence, donc de la rémunération de la participation #dérives ;
- Le⋅a directeur⋅rice général⋅e est nommé (on ne sait comment) par le président lui-même élu par le CA lui-même élu par les membres. #complexitude.
Notons qu'il y a aussi des choses positives. J'aime bien le vote dichotomique : pour une résolution ou contre. L'abstention se compte comme un vote contre.
Informations pratiques pour souscrire un abonnement de fourniture d'électricité chez Enercoop
- En t'abonnant à Enercoop, tu ne risques pas de subir des coupures électriques ou cheppa quels autres délires : tu es raccordé⋅e au même réseau électrique habituel, celui possédé par le public et opéré par Enedis (ex-ErDF). Enercoop n'intervient que dans un jeu de facturation. On n'opère pas sur le réseau électrique en devenant fournisseur d'électricité d'une manière aussi libre que ce que l'on opère en devenant Fournisseur d'Accès à Internet alternatif, qui, pour le coup, peut plonger ses abonné⋅e⋅s dans le noir.
- La souscription à une offre de fourniture d'électricité par Enercoop se fait totalement sur leur site web. Si tu souscris à une puissance électrique différente de l'actuelle, alors un⋅e technicien⋅ne Enedis (ex-ErDF) devra se déplacer jusqu'à ton compteur, donc j'imagine qu'il y a un coût supplémentaire ;
- T'es invité⋅e à devenir sociétaire (entrer dans le capital, avec droit de vote en AG tout ça), mais ce n'est pas obligatoire (et l'ouverture d'une ligne te coûtera alors 36 € TTC de frais de dossier Enercoop) ;
- Si Enercoop n'est pas sûre d'avoir assez de producteur⋅rice⋅s pour fournir ton compteur, alors tu seras en attente. L'ouverture d'une ligne peut donc être instantanée ou prendre plusieurs mois ;
- Payer mensuellement (mensualisation) est uniquement possible après 1 an d'ancienneté. Si tu ne disposes pas d'un chauffage électrique, tu peux demander ta mensualisation au bout de 4 mois d'ancienneté ;
- Enedis (ex-ErDF) applique un profil type de consommation en fonction de la puissance souscrite. Genre j'ai souscris un compteur 3 kVA, c'est évident que je vais consommer 67 kWh sur un mois… sauf que non : je consomme environ la moitié. Il est possible d'auto-déclarer sa consommation sur l'agence en ligne Enercoop qui communique directement ce chiffre à ErDF. On va bien voir si ErDF m'applique un profil moins gourmand dans les mois à venir.
Mes notes sur le monde merveilleux et opaque de la production et de la fourniture d'électricité
- La fourniture d'énergie est d'une complexité folle. J'entends des personnes se plaindre que l'informatique c'est compliqué, que les Fournisseurs d'Accès à Internet associatifs c'est hyper giga méga difficile à appréhender, hé bah, la fourniture d'énergie, c'est bien pire. Il y a une multitude d'acteurs (les régies communales/intercommunales à qui appartiennent le réseau de distribution qui est donc public, les entreprises locales de distribution (genre Électricité de Strasbourg), les opérateurs de transports (ErDF pour le réseau capillaire et RTE pour les lignes haute-tension), les producteur⋅rice⋅s, etc.), il y a de la réglementation bien lourde à digérer (genre telle taxe t'es remboursée si tu fais ci ou ça…), il y a des modèles économiques pas simples à appréhender, etc. Je retiens principalement que, macroscopiquement, le marché de l'énergie ressemble au marché de la fourniture d'accès à Internet : à un moment donné de l'histoire, on a voulu ouvrir le marché à la concurrence mais attention, faut pas que ça fasse bobo à notre champion national en situation de monopole (EDF sur l'énergie, Orange sur l'accès à Internet). Donc, on a ouvert le marché tout en posant des règles suffisamment tordues et compliquées pour que le géant soit le moins embêté possible tout en veillant à ce que ça soit suffisamment ouvert pour ne pas se faire taper sur les doigts par l'Union Européenne… Ainsi, on a fait de l'ouverture de marché qui profite au gros historique en situation de monopole : cet acteur a pu profiter des bienfaits de l'ouverture sans en subir les éventuels méfaits… Du protectionnisme d'État, dirigé vers un seul acteur, en gros. Et, quoi que tu fasses, tu finiras par croiser la route de l'acteur dominant, sauf à monter ton propre réseau… ce qui est infaisable à l'échelle d'une association ou d'une coopérative.
- Je note qu'Enercoop est encore très centralisé, très Jacobin : tout est piloté par Enercop national. Tous les contrats sont signés avec Enercoop national : le⋅a producteur⋅rice et le⋅a consommateur⋅rice signent avec Enercoop national. Quand Enercoop national décide de faire un emprunt obligataire, pouf les coopératives Enercoop régionales doivent y souscrire dans la foulée, sans avoir pu consulter leur AG (vive le pouvoir de décision !). Les Enercoop régionales ne servent qu'à faire de la communication auprès du public, à démarcher des producteur⋅rice⋅s locaux et à avoir un tissu humain entre membres de la coopérative. Enercoop national reverse une commission pour tout nouveau⋅elle producteur⋅rice démarché⋅e par une Enercoop régionale. Même chose pour un⋅e consommateur⋅rice. Cette commission est payée une seule fois, au moment où le contrat est apporté. C'est donc le meilleur moyen de s'assurer que les Enercoop régionales n'ait pas beaucoup de moyens financiers. À ce sujet, les choses bougent tout doucement et Enercoop national devrait devenir peu à peu Enercoop Paris et avoir le même poids que les autres coopératives.
- De l'énergie provenant à 100 % de sources renouvelables, vraiment ? Techniquement, Enercoop ne peut pas garantir qu'un électron issu d'une centrale nucléaire n'ira pas dans l'habitation d'un⋅e abonné⋅e Enercoop. En effet, il y a un seul et même réseau électrique : d'un côté, les producteur⋅rice⋅s et, de l'autre, les consommateur⋅rice⋅s, avec, au milieu, un équilibreur, c'est-à-dire une société qui s'assure que, dans le réseau, il y a, à chaque instant, autant d'énergie produite que d'énergie consommée (si y'en a moins -> coupure de courant, si y'en a trop -> problème car on ne sait pas la stocker). Le réseau ne sait pas router pour identifier une ligne et dire "ici j'envoie que du renouvelable", toute l'énergie injectée sur le réseau est mélangée, peu importe son origine. Tout ce qu'Enercoop peut garantir, c'est qu'elle a acheté autant d'électricité renouvelable à des producteur⋅rice⋅s locaux que le profil de consommation cumulé de l'ensemble de ses membres. C'est donc une couverture légale, pas du tout une réalité technique. Mais, ça respecte parfaitement la définition légale de "100 % renouvelable".
- 100 % en contrat direct, vraiment ? Un des objectifs d'Enercoop, c'est de connaître tous les producteur⋅rice⋅s qui lui vendent de l'énergie. Néanmoins, les années passées, il y a eu des pics de consommation couplés à des baisses de l'approvisionnement genre des producteur⋅rice⋅s n'ont pas eu le rendement espéré/contracté à cause des intempéries, Enercoop n'a pas su trouver autant de producteur⋅rice⋅s que nécessaire pour accompagner son augmentation croissante et rapide du nombre de consommateur⋅rice⋅s, etc. Du coup, de l'énergie a été achetée à d'autres collectifs (et non plus en direct à des producteur⋅rice⋅s), notamment belges. C'est toujours de l'énergie renouvelable (avec le tampon qui le prouve), mais plus en contrat direct. À toi, le⋅a fidèle défenseur⋅euse du nucléaire, je voudrais t'informer que non, le nucléaire n'est pas plus indépendant du climat : à chaque vague de chaud, des réacteurs nucléaires sont éteints ou ralentis en France, faute de pouvoir les refroidir suffisamment (17 réacteurs lors de la canicule de 2003 soit 4 gigawatts de moins produits (3,5 % de la production nationale), et 8 gigawatts à l'été 2009, source). Nucléaire ou renouvelable, il n'y a point de production constante assurée.
- Enercoop (dans son ensemble) essaye de pallier aux problèmes des points précédents mais c'est un problème très difficile à résoudre. Le seul moyen de garantir une consommation 100 % renouvelable d'origine 100 % contrôlée, c'est de construire un réseau électrique parallèle. Pour l'origine directe, on peut : soit acheter sur la bourse/le marché de l'énergie (chose qu'Enercoop a toujours refusé de faire, par éthique), soit souscrire des contrats de production surdimensionné mais l'énergie produite en surcapacité coûtera plus cher à produire que ce qu'on pourra espérer la revendre sur le marché, soit on produit l'énergie nous-même mais alors le ticket d'entrée dans la coopérative ne sera pas du tout le même (or, les Statuts actuels veulent une coopérative accessible au plus grand nombre de personnes), tout comme le délai avant d'avoir une ligne électrique facturée par Enercoop.
- Pour ma part, j'ai noté qu'il y a encore trop peu de supports de formation permettant de comprendre le fonctionnement d'Enercoop (genre les commissions d'Enercoop national) et le fonctionnement de la production et l'acheminement d'électricité, ce qui n'aide pas à s'encapaciter sur la question de la production et la fourniture d'énergie électrique. J'ai vraiment senti un manque chez plusieurs participant⋅e⋅s à l'AG d'Enercoop Midi-Pyrénées. Mais, il suffit de demander et, généralement, tu trouves un⋅e interlocuteur⋅rice qui peut te filer plus d'infos que tu ne peux en digérer. Idem sur la transparence, il y a des progrès à faire : Enercoop national décide encore trop tout seul (cas du prêt obligataire), il a fallut du temps à plusieurs militants avant de faire publiquement reconnaître que l'objectif « 100 % contrat direct » n'a pu être tenu les dernières années, les 3 dernières résolutions votées en 2 minutes et sans explication à la fin de l'Assemblée Générale 2017 d'Enercoop Midi-Pyrénées, etc. Mais, là aussi, y'a une volonté de s'améliorer donc c'est OK pour moi, affaire à suivre.
- Je comprends désormais l'intérêt du Linky, le compteur électrique "connecté" fortement poussé par ErDF (Enedis, qu'il faut dire pour être jeune et branché⋅e) à coup de lobbying intensif : c'est un investissement qui permettra, à terme, de réduire le risque d'impayés et d'augmenter les marges. Ben oui, plus besoin de facturer des profils-type pour ensuite facturer le trop-consommé ou de rembourser le trop-perçu : avec le Linky, le gestionnaire du réseau, ErDF, a immédiatement la consommation réelle au lieu d'attendre 1 an qu'un⋅e technicien⋅ne se déplace et valide définitivement la consommation. Cela signifie que ça permet également un équilibrage (brassage entre producteur⋅rice⋅s et consommateur⋅rice) plus fin, donc d'acheter à flux tendu pile poil l'énergie nécessaire, ce qui signifie pas besoin de revendre sur le marché, possiblement à perte, l'énergie achetée en surcapacité. Et, évidemment, ça permet de ne plus payer de prestataires pour faire le relevé annuel du compteur, bien que sur ce point, je n'y suis pas totalement défavorable en cela que ça m'apparaît être un bullshit job… qui permet néanmoins d'employer des gens en l'absence de salaire de base ou équivalent. J'ai cru comprendre que le Linky bénéficierait aussi aux fournisseurs alternatifs (comme Enercoop), en cela que ça réduit la provision budgétaire que ce fournisseur doit conserver pendant un an. Après réflexion, je pense que ce n'est pas le point clé qui rend compliquée la vie des fournisseurs alternatifs et que, de toutes façons, même avec le Linky, l'asymétrie entre le géant EDF et les nains est préservée voire amplifiée donc, partant de là…
Comment contribuer à Enercoop ?
Alors, de ce que j'ai retenu (liste forcément non exhaustive) :
- Devenir sociétaire : plus de capital -> plus de projets ;
- Faire de la pub et de la sensibilisation auprès des consommateur⋅rice⋅s et démarcher de nouveaux⋅elles producteur⋅rice⋅s dans la localité de ta coopérative d'adhésion. À ce sujet, au moins chez Enercoop Midi-Pyrénées, il y a la volonté de créer des groupes locaux, c'est-à-dire des entités informelles qui travaillent à une granularité inférieure à celle d'une Enercoop régionale et qui ont pour but de fédérer les gens, de créer du lien social, de faire de la communication, de démarcher des producteur⋅rice⋅s, etc. partout où plusieurs volontaires Enercoop sont disponibles, au plus près du terrain.