La violence dans les écoles, le philosophe Alain — pseudonyme d’Emile Chartier — n’ignorait pas le problème. Dans son « Propos » du 18 février 1909, il esquissait quelques solutions :
« Tout le monde connaît le mal ; personne n’ose en parler. Les professeurs eux-mêmes rougissent du chahut qu’on leur fait comme d’une maladie honteuse (…). L’administration connaît ces désordres, mais elle veut les ignorer. Elle laisse entendre, dès qu’on la pousse là-dessus, que le professeur est seul coupable. En quoi elle ment… C’est à peu près comme si un gendarme accusait de maladresse ceux qui se laissent assassiner. Non ; le rôle d’un jeune savant est d’instruire, et non pas de faire le garde-chiourme. Aux surveillants, aux censeurs, aux proviseurs il appartient de faire régner l’ordre. Et, dès qu’ils voudront bien agir énergiquement, le professeur fera sa classe en paix. Mais, tout au contraire, ils ont peur de tout, peur des parents, peur des amis des parents, peur du maire, peur du député. »
Difficile de prétendre que cet Emile parlait comme un Chartier !
Je nuance quand même ce texte : ce que cet auteur désigne sous les termes « chahut » et « désordre » devait être d'une ampleur bien moindre que ce que nous constatons de nos jours. Mais, il reste intéressant de constater que la violence dans les écoles et la peur des parents ne datent pas d'hier. Peut-être parce que rien n'a vraiment changé : comme l'exposent Aaron Swartz et Catherine Baker l'école est un lieu qui castre la curiosité naturelle des enfants, qui les formate à être de gentils moutons, qui les traumatise par l'effet de l'autorité et des interminables rabâchages, et les met en concurrence, ce qui génère forcément une forme de violence et de jemenfoutisme que l'on retrouve plus tard dans la société.
Dans le Canard enchaîné du 7 novembre 2018.