L'Ordre des architectes souhaitait imposer un taux d'honoraires minimal de 10 % sur les marchés publics, ce qui est illégal. Les contrevenants membres de l'Ordre étaient convoqués, blâmés, suspendus, etc. L'Ordre a effectué du chantage auprès du responsable d'un marché public : "tu choisis un architecte plus cher ou on va au contentieux"…
Une sacrée tuile. L’Ordre des architectes s’est vu infliger par l’Autorité de la concurrence une amende de 1,5 million d’euros pour avoir imposé à ses ouailles, à partir de 2013, un barème de prix obligatoires sur des marchés publics.
Convocations, blâmes, radiation, suspension… les méthodes de l’Ordre mises au jour par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répres- sion des fraudes étaient béton. Théoriquement, la rémunération de la maîtrise d’œuvre est librement discutée entre les parties. Inquiet de ce qu’il considère comme du « dumping », le président de l’Ordre des architectes de la région Nord-Pas-de-Calais avait montré ses muscles dès 2013 : « Si nous travaillons d’arrache-pied pour faire reconnaître la juste rémunération de nos prestations par les maîtres d’ouvrage, nous ne sommes pas aidés par les architectes, qui se “prostituent” devant un client “proxénète”. » Traduction ? La « prostitution », c’est, ici, la pratique de tarifs bon marché.
Beaux tarifs sous plafond
Ainsi, le 12 février 2014, le cabinet Hart Berteloot a-t-il dénoncé le « prix anormalement bas » pratiqué par la société d’architecture Sine Qua Non pour la construction de la salle de judo de la commune de Hazebrouck. Convoqués par l’Ordre, les fauteurs de trouble — « qui ne veulent pas entendre le mal qu’ils font à la profession » — ont écopé d’une suspension de l’inscription au tableau régional des architectes !
Nouvelle étape en 2016 : l’Ordre a « menacé » le responsable du service technique de Linselles, près de Tourcoing, d’aller au contentieux s’il ne revenait pas sur sa décision d’attribuer le marché de construction d’une école au cabinet Lemay-Toulouse & Associés.
Cette société d’architecture avait reçu la note maximale sur le critère du prix, grâce à un taux d’honoraires de 3,5 % : « Avec ce genre de pratique, la profession va disparaître », s’était lamenté un concurrent malheureux dans un courriel. L’Ordre veut imposer un tarif minimal de 10 %.
Las ! le gendarme de la concurrence est venu lui rappeler qui faisait la loi. Et a remis de l’ordre dans l’Ordre des architectes…
Dans le Canard enchaîné du 9 octobre 2019.