Selon une étude de l’université de Duke, il y a 40 % des actions qu’on effectue tous les jours qui ne sont pas des décisions, en fait. Ce sont des habitudes. Je pense que quand vous sortez de chez vous le matin, vous fermez votre porte à clef, vous partez et vous vous posez la question « est-ce que j’ai fermé la porte ? » Parce que tellement on le fait machinalement qu’on oublie qu’on l’a fait. Les habitudes deviennent des automatismes et les automatismes ça sert à quoi, en fait ? Que notre cerveau arrête de réfléchir : on fait ça automatiquement, et ça permet d’économiser de l’énergie. Comme ça notre cerveau ne va pas énormément utiliser d’énergie, il va faire appel à un automatisme et, de ce fait-là, donc quand vous fermez la porte le matin vous dites : « Est-ce que j’ai vraiment fermé la porte, ou non ? ». Vous l’avez fermée, mais vous ne savez pas, quelquefois.
Et après, c’est vrai que changer ces automatismes-là c’est le plus compliqué. Si vous êtes habitué à Windows, vous avez des automatismes sur Windows. Si vous êtes habitué à avoir votre téléphone, vous l’utilisez uniquement pour les réseaux sociaux, c’est dur à supprimer ces automatismes-là.
En fait, le schéma des automatismes, le schéma des habitudes c’est un peu celui-là, que vous pouvez trouver sur un livre, si vous êtes intéressé, de Charles Duhigg, The Power of Habit, La force des habitudes, qui est un livre intéressant sur, justement, les habitudes et comment changer nos habitudes.
Donc une habitude, il y a un déclencheur. Il y a un déclencheur qui va lui-même engendrer une routine pour avoir une récompense. Et donc ça, c’est un peu le schéma des habitudes.
Je vais prendre, par exemple, quand quelqu’un à côté de vous a la même sonnerie. Déjà dès que votre téléphone sonne, il y a un SMS qui arrive, c’est le déclencheur, et la routine c’est d’aller voir qui vous a envoyé un SMS. La récompense c’est la lecture de ce SMS-là. Donc c’est dur, quand votre téléphone est de l’autre côté de la salle, de ne pas aller. Vous entendez la petite sonnerie du SMS, donc votre cerveau vous dit : « Il faut aller lire le SMS. » C’est dur de résister, déjà. Vous vous dites « je dois aller voir qui m’a écrit ». Donc c’est exactement ça. La sonnerie du SMS c’est le déclencheur. La routine c’est d’aller chercher son téléphone, ouvrir l’application des SMS, et la récompense c’est la lecture, que ce soit une bonne ou une mauvaise nouvelle. En tout cas, c’est la récompense et c’est le but. Et je pense que ça nous est arrivé, à tout le monde : quand il y a un voisin qui a exactement la même sonnerie que vous, vous savez que le téléphone sonne chez le voisin et pourtant, vous ne pouvez pas vous empêcher de sortir votre téléphone et de regarder votre téléphone. Eh bien pourquoi ? Parce que simplement, le déclencheur ça a été la sonnerie et que votre cerveau s’en fout : ça a été un déclencheur, il lui faut sa récompense ! C’est pour ça qu’en général, quand il y a quelqu’un à côté de vous qui a la même sonnerie du SMS, vous le voyez qui sort son téléphone, c’est vraiment lui, mais vous ne pouvez pas vous empêcher de sortir votre téléphone et de regarder. Voilà, c’est Pavlov, c’est un réflexe pavlovien.
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On reprend un tout petit, en fait, ce que disait l’auteur du livre. On a le schéma : pour changer nos habitudes, eh bien il faut garder le déclencheur, si on a la possibilité de garder le déclencheur, et garder la récompense aussi. Et interagir, agir sur la routine. Par exemple, je prends juste pour les fumeurs, l’exemple des fumeurs, quand vous voyez un café, eh bien le fumeur veut allumer sa cigarette. La routine c’est d’allumer une cigarette, la récompense c’est la nicotine. En changeant la routine, c’est d’avoir le déclencheur, eh bien c’est le café il est là, et au lieu de fumer sa cigarette mettre un patch nicotine et la récompense elle est la même, en fait. C’est qu’on garde le déclencheur, on garde la récompense, mais on change la routine. C’est peut-être pareil, aussi, pour passer, par exemple, à un OS libre. Le déclencheur c’est de pouvoir aller sur Internet. La récompense c’est d’avoir des nouvelles des proches si on va sur les réseaux sociaux ou utiliser Office, eh bien la routine ça serait de lui proposer quelque chose : au lieu d’aller sur Windows, c’est d’aller sur Ubuntu.
En fait, qu’est-ce qu’on fait ? C’est presque moi, quand j’ai lu ça, je disais « tiens, c’est presque qu’on va hacker l’habitude : on va intervenir sur l’habitude et essayer de changer la routine. »
Voilà, au niveau des habitudes je pense que c’est quelque chose qui est très compliqué à changer et que ça induit de se faire violence et de se dire « voilà, moi ce que j’ai envie de changer, c’est ça », et de s’en donner les moyens et d’en être convaincu.
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Et comme effort économique aussi, c’est dire aussi adieu aux cartes de fidélité. Parce que oui, vous faites des économies en utilisant vos cartes de fidélité : à chaque fois que vous allez acheter, on va vous dire « moins 50 %, moins 10 % », vous allez accumuler des sous dans une carte et vous pouvez les utiliser après, vos sous. Mais seulement, en contrepartie, vous donnez plein, plein, plein de données. On sait tout ce que vous êtes en train d’acheter. Justement, vous devez connaître l’anecdote du père de famille, aux États-Unis, qui retrouve dans sa boîte aux lettres des coupons de réduction pour des couches pour bébé, des affaires pour bébé. Il est sidéré parce que sa fille n’était qu'au lycée, en fait, et donc avait 16 ans. Il est allé se plaindre chez Target qui est l’équivalent, à peu près, de Carrefour ici et le directeur de Target lui a dit : « Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi vous avez reçu de telles publicités ou de tels bons de réduction. » Il disait : « Oui, vous incitez ma fille à faire des choses en lui envoyant de telles publicités. »
Le papa est rentré chez lui furieux. Une semaine après il y a le directeur qui l’appelle parce que, aux États-Unis ils ont un suivi client, ils suivent le client, vraiment c’est bien fait. Le directeur a rappelé la personne en s’excusant encore une fois, lui dire : « Voilà, je m’excuse, franchement je ne sais pas pourquoi vous avez reçu de telles publicités ! » Le père lui dit : « Non, c’est moi qui m’excuse, parce que, apparemment, il est arrivé des choses sous mon toit que je ne connaissais pas. » Et donc sa fille était vraiment enceinte.
Pourquoi on a su ? Pourquoi Target savait que sa fille était enceinte ? Parce qu’ils avaient engagé un excellent statisticien, un excellent scientifique qui avait étudié les millions de données qu’ils avaient accumulées depuis déjà une quinzaine, voire une vingtaine d’années. C’est Andrew Pole, ce scientifique s’appelle Andrew Pole et donc, à un moment donné, le but c’était de connaître si une femme était enceinte au début de son deuxième trimestre. Parce que c’est au début du deuxième trimestre que, apparemment, les femmes enceintes commencent à acheter des affaires pour leur bébé. Donc en analysant toutes les données, Andrew Pole a identifié 25 produits qu’utilisaient les femmes enceintes en général. Et si une femme achetait au moins 4 produits de ce lot de 25, eh bien à 80 % elle était enceinte, au troisième [deuxième, NdT] trimestre. Ça veut dire qu’il a développé un modèle prédictif en se basant uniquement sur l’achat de 25 produits. Et comment ils ont eu toutes ces informations-là ? Eh bien uniquement avec les cartes de fidélité.
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[…] Je ne dis pas qu’il faut se couper du monde, mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est reprendre en main le contrôle de nos données : il faut être acteur de notre vie numérique et ne pas subir le numérique.
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