Aider les migrants demande parfois un peu d’aide.
C'est de tracas qui s’abat sur ceux qui aident les migrants. Les amendes, on ne les compte plus, tant elles sont généreusement distribuées, partout en France, aux imprudents garés trop près des lieux où se regroupent les exilés. « Stationnement dangereux », voire « très dangereux », mentionnent les PV à 135 euros, assortis de 3 points en moins sur le permis, même en l’absence d’un quelconque panneau d’interdiction. Les distributions alimentaires sont facilement qualifiées de « jets de détritus sur la voie publique » et d’« abandons de déchets » (tarif : 68 euros).
L’hiver dernier, il pelait, un bénévole de Calais a apporté du bois aux réfugiés pour qu’ils se réchauffent : « allumage de feu interdit » (tarif : 135 euros). « Nos équipes voient grimper le nombre de PV, parfois jusqu’à trois par jour », constate l’Auberge des migrants, à Calais.
Bénévoles à l'afflux
A Briançon, une jeune fille a été convoquée au commissariat pour « complicité de tentative d’escroquerie ». Elle avait, par mégarde, noté « Briançon » dans la case « lieu de naissance » en remplissant les documents d’un mineur isolé. N ’aurait-elle pas tenté de faire passer son protégé pour un Français ? Depuis juin, à Grande-Synthe, dans le Pas-de-Calais, tout près de l’ancienne « jungle », seuls les Français sont autorisés à apporter leur aide aux réfugiés.
Comme le prouve un enregistrement réalisé, en juillet, par Refugee Women sur place. Les CRS demandent les cartes d’identité. Les Anglais sont refoulés. « Y a que les Français qui rentrent ! Ah, ça vient d’en haut ! Appelez le président de la République ! Nous, on nous dit de faire ça, on fait ça ! » répond un flic, ajoutant :« Si demain on nous dit : “Plus de Français, que des Belges !”, il y aura que des Belges ! »
« L’objectif est de décourager les gens d’aider les autres », souligne Violaine Carrère, du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). « C’est vrai, souffle un gradé du ministère de l’Intérieur, on a une sorte de politique non officielle de harcèlement continu… » Au point que les associations ont conçu une plateforme recensant ces « harcèlements » et des formations pour y résister.
« D’un côté, c’est un peu décourageant de subir quinze minutes de contrôle juste pour apporter des chaussures. De l’autre, ça galvanise les aidants, tellement c’est bête », sourit Caroline Cottet, de Refugee Women.
Pour une fois que la bêtise est utile…
Dans le Canard enchaîné du 8 août 2018.