Que faire des gilets jaunes interpellés ? Un courriel, que « Le Canard » a consulté, adressé par leur hiérarchie aux magistrats du parquet de Paris donne des consignes. Une vision édifiante de la défense des libertés…
Ainsi, au chapitre « suites judiciaires », la possibilité d’être relâché après une arrestation n’existe pas ! Même si les policiers pincent quelqu’un par erreur, il faut, précise froidement le courriel, « de préférence maintenir » l’inscription au fichier TAJ (pour « traitement des antécédents judiciaires »), même « lorsque les faits ne sont pas constitués ». Prenons le cas d’une femme qui, dans son sac, aurait des lunettes de piscine, très prisées des manifestants pour se protéger des gaz lacrymo. Contrôlée, embarquée « en raison de cet attirail » — comme on l’entend sans cesse, ces temps-ci, dans les prétoires —, l’interpellée, même vraiment en route pour la piscine, sera fichée. Et, plus tard, à la moindre arrestation pour une peccadille : « Madame, vous apparaissez au fichier TAJ. » Ah, c’est pas bon, ça, madame… Se faire rayer du TAJ réclame des trésors de persévérance, sans garantie de succès.
Le courriel de consignes recommande aussi le fichage, même si « les faits sont ténus ». Autrement dit, même s’il n’y a rien ou presque, ou si « une irrégularité de la procédure » a été constatée. Mieux encore, les magistrats sont priés — toujours cette prudence ! — de ne « lever les gardes à vue » que « le samedi soir ou le dimanche matin, afin d’éviter que les intéressés grossissent à nouveau les rangs des fauteurs de trouble »…
Réaction d’un porte-parole du procureur, interrogé sur ces saisissantes instructions écrites : « Ne laissez pas penser que le parquet de Paris prolonge les gardes à vue de gens qui n’ont rien fait… »
Qui donc irait imaginer pareilles horreurs ?
Dans le Canard enchaîné du 30 janvier 2019.