On y apprend des choses très intéressantes. J'en recommande vivement la lecture.
1 - Les sondages sont presque tous réalisés avec des panels de volontaires
2 - Les sondés sont rémunérés…
3- ... et ils peuvent mentir pour obtenir des cadeaux
Les instituts de sondage estiment que ces petites gratifications ne peuvent en aucun cas influencer la qualité des réponses. Pourtant, le même Guillaume admet qu’il lui arrive de ne pas toujours dire la vérité. "Il m'est arrivé de mentir quand les questions sont tranchées dès l'entrée du sondage, par exemple : 'Etes-vous fumeur ?' Si vous répondez 'non', le sondage s'arrête et vous ne gagnez pas de points. Donc je dis que je suis fumeur, ce qui n’est pas le cas. Pour les sondages politiques, quand aucune réponse ne convient tout à fait à mon opinion, je choisis la moins mauvaise."
4 - Les méthodes de redressement des instituts restent opaques
Les chiffres publiés ne sont jamais ceux qui sortent "brut" des questionnaires. Ils sont traités de façon à compenser les mensonges et les biais de l’échantillon notamment. Cette méthode porte un nom : le redressement. Procédé classique en statistique, il consiste à se référer à des scrutins anciens pour voir si les sondés sont sincères en évoquant leur vote passé. Si, sur un échantillon représentatif de Français, on observe qu’il y a deux fois moins de votes déclarés pour un candidat que son score effectivement réalisé, on sait alors qu’il faut multiplier par deux les chiffres bruts en faveur de ce même candidat pour le scrutin à venir. Dans les faits, le redressement peut faire appel à d’autres critères, plus une part de "cuisine maison" propre à chaque institut.
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En avril 2016, après des années de bataille parlementaire et malgré l’opposition de l’Elysée (sous Nicolas Sarkozy, puis François Hollande), ils arrivent à faire voter une loi imposant aux sondeurs de publier leurs marges d’erreur, leurs chiffres bruts et leurs critères de redressement. Du moins le croient-ils.
Les sondeurs trouvent une parade : pour éviter que les marges d’erreur ne soient affichées de manière trop visible dans les journaux qui ont commandé leurs études, ils publient d’abord leurs sondages sur leur propre site internet. Astucieux, la loi précisant que les marges d’erreurs doivent accompagner le sondage "lors de la première publication". La loi n’a pas réussi non plus à imposer la transparence sur les chiffres bruts, les sondeurs ayant là aussi trouvé une faille dans le texte. Les sondeurs s’accrochent à leurs secrets de fabrication, comme Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop : "Publier nos chiffres bruts c'est montrer toute une série de techniques que nous ne voulons pas montrer à nos concurrents."
5 - La commission des sondages ne fait peur à personne
Autorité administrative créée en 1977 avec la première loi sur les sondages, elle a pour mission de contrôler la sincérité et la rigueur avec laquelle sont effectuées les études d’opinion. Mais son fonctionnement et sa composition sont régulièrement décriés, notamment par Hugues Portelli, sénateur du Val-d'Oise : "Parmi cette commission, il y a beaucoup de magistrats à la retraite. Ils ont un point commun : ils sont incompétents. Pas dans leur discipline juridique, mais ils ne connaissent pas grand-chose des problèmes de l'opinion publique. Ils ont d'autres activités à côté et pour eux, l'étude des sondages est une activité marginale. Quand on est dans la période des sondages, la commission fait un examen en surface."
Lorsqu’elle détecte (rarement) une irrégularité dans un sondage, la commission publie des "mises au point". Ces petits textes de remontrance finissent dans les oubliettes du web ou relégués en bas de page des journaux. Ces cartons jaunes sans conséquences ne font peur à personne. Et pour cause : 40 ans après sa promulgation, aucune condamnation n’a été prononcée au titre de la loi de 1977, qui prévoit pourtant une peine d’amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros. Etonnant, parce que les cas suspects ne manquent pas dans l’histoire des sondages, jusqu’à très récemment.
6 - Certains sondages sont tout simplement bidon
En 2014, le magazine Valeurs Actuelles évoque un sondage donnant Nicolas Sarkozy seul à même de battre Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Cette "information" est également reprise par L’Opinion. Problème : ce sondage n’a jamais existé. La commission a enquêté, et a fini par publier six mois plus tard une mise au point où elle appelle "l'attention de l'opinion publique sur l'absence de fiabilité de ces résultats". Mais aucune poursuite n’a été engagée.
Lors des dernières régionales, dans la région Occitanie, le candidat dissident de gauche, Philippe Saurel, publie un sondage qu’il a fait réaliser le créditant de 9,9% des voix. Pour le maire de Montpellier, c’est un score inespéré, au bord des 10% qui permettent de se maintenir au deuxième tour et de peser sur le scrutin. Mais un détail intrigue Laurent Dubois, un journaliste de France 3 à Toulouse : l’institut qui a réalisé cette étude est totalement inconnu. Alertée, la commission conclut après enquête que le sondage est "dépourvu de caractère significatif". En clair : bidon. Pourtant, là encore, aucune poursuite judiciaire n’est engagée, ce qui étonne beaucoup Laurent Dubois : "Un membre de la commission des sondages m'a dit : 'Comme c'est un primo délinquant, on ne va pas lui casser les jambes, on va juste le rappeler à l'ordre'. Ce qui a joué n'était pas la gravité des faits, mais le profil de la personne." Philippe Saurel obtiendra finalement 5% des voix au premier tour.
7 - Les échantillons ne sont pas toujours représentatifs
8 - Les "vrais" sondages d'intention de vote coûtent très chers
9 - Les sondages politiques servent en fait à vendre des études marketing
Les instituts de sondage sont une douzaine aujourd’hui à se partager le marché de l’étude d’opinion en France. Mais la politique n’est qu’une toute petite partie de leur activité. Leur chiffre d’affaires est essentiellement alimenté par les études qu’ils vendent aux entreprises : enquêtes de satisfaction clients, études des tendances en matière de consommation, etc. Alain Garrigou, créateur de l’observatoire des sondages, explique la réelle motivation des sondeurs selon lui : "Le sondage politique est un produit d'appel fantastique. Un des péchés mignons des sondeurs, c'est de montrer leur bobine à la télévision. 'Vu à la télé', ça permet de signer des gros contrats sur plein de domaines."
De fait, les sondages politiques ne rapportent que peu d’argent aux instituts (un sondage d’intention de vote se négocie aux alentours de 7 000 euros, quand les marchés avec les entreprises se chiffrent en dizaines, voire en centaines de milliers d’euros), ce que confirme Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d’Opinion Way : "On peut accepter de travailler à prix coûtant voire légèrement à perte, parce que c'est intéressant économiquement. Le sondage politique représente 5% de l'activité des instituts, ce n'est pas décisif."
Sous couvert d’anonymat, un bon connaisseur du milieu affirme même que "certains instituts, les plus petits, offrent parfois gratuitement des sondages politiques à des médias. La contrepartie, c’est l’interview du directeur du département 'opinion' qui accompagne la publication de l’étude. C’est donc de la visibilité pour l’institut." Ces sondages "cadeau" sont-ils réalisés avec le même soin que les études payées à prix d’or par les entreprises ? On peut en douter.
10 - Des nouvelles méthodes… peu utilisées (agréger plusieurs sources de données : sondages "classiques", remontées des réseaux sociaux, études des "requêtes" sur web)