Suite de : Le Pass culture aux frais des autres sauf qu'à présent, on parle d'un financement par le privé en échange des données personnelles des gamins de 18 ans. On part d'un droit (accès à la culture), on passe par un financement privé (donc d'un renoncement du public à assurer un droit), pour finalement parvenir à la vente des données personnelles de la jeunesse. Fabuleux. Changez rien.
C'est Macron soi-même qui, le 10 juin, au musée Courbet d’Ornans (Doubs), a dû relancer sa grande promesse faite à la jeunesse en 2017 : un Pass culture accordé, l’année de ses 18 ans, à chaque résident en France. Bien obligé : sur les 39 millions théoriquement affectés en 2019 a ce projet, seulement… 257 000 euros avaient, au 27 mai, été dépensés, confie un ponte de la Rue de Valois au « Canard ».
Résultat ? Alors que 846 OOO jeunes auraient pu y prétendre, 6 000 veinards à peine disposent à ce jour du précieux sésame : une enveloppe de 500 euros à dépenser — via une application numérique pour téléphone portable — parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, services numériques, etc.
Ministres courtisans
Bien que deux ministres de la Culture successifs aient encensé le projet (Françoise Nyssen l’avait qualifié de « révolution »), le gouvernement n’a pas forcé sur l’excès de zèle. Il a attendu le 1er février pour lancer une expérimentation à travers cinq départements, et le 1er juin pour l’étendre à neuf autres : soit 14 départements où, en théorie, 150 000 jeunes peuvent postuler pour obtenir le fameux ticket.
La prudence ministérielle est d’abord budgétaire. Accorder le Pass aux 845 937 Français âgés de 18 ans coûterait 423 millions d’euros à l’Etat, soit onze fois la somme budgétée cette année.
En cultivant la lenteur, le gouvernement espère convaincre le privé d‘avancer l’argent. Et l’inciter à fournir des offres gratuites contre l’obtention de pub ou de données personnelles des abonnés. Quelques entreprises, notamment numériques, ont accepté, à l’issue d’une négociation avec l’Etat.
Pour une boîte, au moins, le Pass est tout bénéfice. Garandeau Consulting fait profiter le ministère de la Culture de ses conseils, tarifés 25 000 euros par mois. Au point qu’Eric Garandeau, son pédégé, inspecteur des finances et ex-patron du Centre national du cinéma, a postulé pour diriger la future structure chargée de gérer le Pass.
Las ! le secrétariat général du gouvernement l’a écarté au nom d’un possible conflit d’intérêts.
Macron n’a plus qu’à trouver un autre candidat pour vendre sa « révolution » culturelle aux jeunes, presque aussi lente que celle de Jupiter autour du Soleil (11 ans et 314 jours).
Dans le Canard enchaîné du 12 juin 2019.