A-t-il ou pas accéléré l’inflation ? Vingt ans après l’instauration de l’euro, 82 % des Français — selon un sondage Ipsos pour « Le Monde » (11/ 12) — restent persuadés que « leur pouvoir d’achat s’est dégradé » depuis la mise en place de la monnaie européenne. Rien n’y fait. Pas même la dernière étude détaillée de l’Insee, parue en 2017, qui montre que, depuis 2002 (année d’arrivée de l’euro comme moyen de paiement en France), les prix ont augmenté en moyenne de 1,4 % par an, soit un tiers moins vite que durant les quinze années précédentes (2,1 %). « Les ordinateurs et les écrans plats ont peut-être baissé, mais on n’en achète pas tous les jours. Regardez plutôt le prix de la baguette ou du café au comptoir », rétorquent les sceptiques. Vrai, reconnaît l’Insee : « L’effet d’arrondi lors du passage à l’euro a été nettement haussier pour les produits [tels] le pain (0,3 point) ou la consommation dans les cafés (1,5 point). »
Mais ces exemples sont, pour l’institut de statistique, bien seuls face au rythme de hausse des prix des produits alimentaires, qui « n’a quasiment pas varié », ou des services, « qui ont crû moins fortement qu’au cours de la décennie précédant le passage à l’euro ». Sans parler du prix des produits manufacturés, qui ont carrément baissé — en moyenne de 0,1 % par an —, alors qu’ils augmentaient avant de 0,8 %.
Pourquoi, alors, cette « divergence entre la mesure de l’inflation et la perception qu’en ont les ménages » ? D’abord, explique l’Insee, parce que lesdits ménages « accordent plus d’importance aux prix en hausse (…), qui peuvent constituer une menace pour l’équilibre de leur budget, qu’aux prix stables ou en baisse ». Mais aussi parce que les consommateurs « ont gardé ancré dans leur mémoire le dernier prix connu en francs ». Par exemple, la baguette d’avant l’euro reste pour l’éternité à son prix de 2001 : 4,30 francs, soit 0,66 euro. Aujourd’hui, elle est à 0,90 euro en moyenne, soit près de 50 % d’augmentation… Mais ça a pris dix-sept ans !
Si les gilets jaunes avaient lu l’étude de l’Insee, ils auraient sûrement modéré leurs revendications en matière de pouvoir d’achat !
Il faudrait lire l'étude de l'Insee en détail, car, à première vue, le Canard semble confondre la hausse des prix directement imputable à l'euro avec d'autres causes de la fluctuation des prix comme la stabilité des sources énergétiques (ce n'était pas gagné en 70-80, par exemple), la hausse constante de la productivité (robotisation, pressage des humains, etc.), la concurrence internationale ou la valeur que chacun d'entre nous accorde à des produits ou services démodés.
Ce résumé reste tout de même intéressant pour illustrer que l'inflation a été contenue ces deux dernières décennies.
Dans le Canard enchaîné du 2 janvier 2019.