Je cherchais des textes argumentés sur tout ça. Parmi ce que j'ai lu et écouté, je retiens et je conseille la lecture de (liste non ordonnée) :
Je retiens :
- Accroissement du nombre d'étudiant⋅e⋅s. Essentiellement fabriqué par les barrières imposées à l'entrée des grandes écoles et par la démocratisation scolaire de la moitié des années 85 qui n'a pas été accompagnée des moyens nécessaires ;
- Les universités manquent de moyens pour augmenter leur capacité d'accueil, notamment dans les secteurs d'avenir (droit, social, santé, sport)… Ce que l'on nomme filières en tension, lolilol ! Manque exacerbé par l'autonomie des universités (loi LRU) qui les a mises en concurrence ;
- Le tirage au sort injuste d'Admission Post-Bac (APB) dans les filières "non sélectives" est surjoué, semble-t-il, puisqu'il concernait 1 % des environs 800 000 lycéen⋅ne⋅s en 2017… ;
- La non-optimalité d'APB semble également surjouée puisque ce que le gouvernement nomme « échec d’orientation » est en réalité une réorientation après la première année qui concernerait 50 à 55 % des étudiant⋅e⋅s. Où est l'échec d'avoir tenté une filière, d'avoir compris que ça ne correspond pas à ses aspirations et/ou à ses compétences et recommencer ? D'autant que la méthodologie et les filières sont différentes entre le lycée et l'université… Prévoir ce qui va t’intéresser relève de la divination… ;
- Solutions (à part augmenter les moyens des universités, bien entendu) ? Soit on fait la carte scolaire (affectation en fonction du lieu de résidence) qui engendre des inégalités territoriales (école de pauvres, école de riches) donc de la tension sociale (des catégories de personnes qui ne se connaissent pas). Soit on fait une sélection au mérite comme dans les grandes écoles, ce qui entraîne un système malsain de compétition et d’absence de réflexion sur le fond des choses. Soit on fait de l'appairage de vœux hiérarchisés par l'étudiant⋅e (c'était APB, avec un classement en plus dans les filières sélectives, donc au mérite) et on génère du stress chez les futur⋅e⋅s étudiant⋅e⋅s en liste d'attente tout l'été en attendant que des étudiant⋅e⋅s plus haut dans la hiérarchie se désistent pour un de leur choix plus prioritaire. Soit on fait des critères à mi-chemin entre le mérite, le lieu d'habitation et autres (c'est Parcoursup). En plus de ça, on peut décider d'avoir des critères uniformes à l'échelle nationale ou des critères locaux ou les deux (Parcoursup est dans ce cas). Si les critères ne sont pas centralisés, on est dans un système dans lequel deux diplômes avec le même intitulé ne signifient pas la même chose et on retombe sur le problème des inégalités territoriales… ;
- Parcoursup est une généralisation à toute l'université du principe de classement déjà appliqué dans les grandes écoles et dans les filières "en tension" ;
- Quels sont les problèmes de Parcoursup ?
- Les universités manquent de moyens humains pour examiner les dossiers… C'pas grave, un programme informatique qui fera le tri. Du coup, les CV et les lettres de motivation seront ignorés. Bah du coup, on retombe sur un système au mérite. Ha, ben non, parce qu'avec les autres critères ubuesques, notamment le lieu de résidence, ce n'est pas forcément les mieux noté⋅e⋅s qui seront les mieux classé⋅e⋅s ;
- On continue la guéguerre entre les universités commencée avec la LRU… Avec la loi ORE, chaque université doit continuer être attractive, donc chacune propose des parcours et des diplômes différents. Avec la réforme du lycée, les options dès la seconde (déjà existantes) et le contrôle continu pour 40 % de la note finale du Bac créeront des parcours différenciés qui seront ou non excluants. C'est cohérent. C'est individualisé, comme un cocon. C'est une illusion… ;
- C'est un changement profond de mentalité : les lycéens n'entreront plus à l'université pour acquérir le savoir, mais pour « devenir les entrepreneurs de leur orientation post-bac cherchant à maximiser leur capital scolaire, pour maximiser leur capital économique futur ». Le⋅a lycéen⋅ne se propose à plusieurs universités, comme il se proposera plus tard à plusieurs sociétés employeuses, qui l’acceptent ou non… On passe d'un système d'affectation avec des critères contestables (comme la place du vœu dans la hiérarchie de l'étudiant⋅e ou la préférence aux étudiant⋅e⋅s de l'académie sur ceux⋅celles d'en dehors l'académie) qui faisait une proposition sur un de leur vœux à 98 % des bacheliers et proposait leur premier vœu à 60 % de ces mêmes bacheliers à une bourse d'échange dans laquelle le ministère s'efface derrière une logique d'offre et de demande. C'est de la compétition, pure et dure. C'est de la futilité. Adieu la possibilité de flâner et celle de se tromper puis de se réorienter, non, faut savoir ce que tu veux, maîtriser ton destin. ;
- Parcoursup a été appliqué avant que la loi soit votée… Démocratie, où es-tu ? ;
- Tout ceci sert aussi à créer et préserver une élite au sein de la classe moyenne (non, parce que les gosses de riches, vont dans les grandes écoles ou dans le privé, faut pas déconner), comme ce qu'on voit dans les grandes écoles. C'est aussi du contrôle social : les universités ont toujours été des lieux de contestation sociale. Le savoir donne du pouvoir, donc autant choisir à qui on le donne, de préférence à des gens qui ne remettront pas en cause l'élite actuelle, car ils en font partie. C'est de la reproduction sociale des élites. Les exclu⋅e⋅s seront la merde de ce monde prête à servir à tout.
Bref, encore une fois, on ne traite pas les vrais problèmes comme l'accroissement du nombre d'étudiant⋅e⋅s ou l'échec de la politique de mise en concurrence des universités… C'est un choix, c'est voulu, ce n'est pas une erreur.