Lundi 28 janvier, nous avons publié un article pour faire le point sur le projet de règlement européen contre la propagande terroriste en ligne. Depuis le début ce texte nous inquiète, mais les dernières nouvelles ne sont pas rassurantes du tout.
Si vous avez raté les épisodes précédents, rappelons que le texte veut obliger les hébergeurs à supprimer en une heure (1 h) les contenus signalés comme étant illicites, pour propagande terroriste en particulier. Cette obligation pose deux problèmes : la décision de suppression est purement administrative et n'est validée par aucun juge, et les moyens techniques et humains pour la mettre en oeuvre sont tellement coûteux que cela revient à donner les clés du web aux grandes plateformes, qui seront seules capables de gérer de telles masses de contenus grâce à leurs algorithmes et à leurs armadas de cliqueurs sous-payés (à lire ici : https://www.laquadrature.net/2018/11/14/censure-antiterroriste-macron-se-soumet-aux-geants-du-web-pour-instaurer-une-surveillance-generalisee/).
Pour éviter de confier la police du web à Google et à Facebook, il faut bloquer cette mesure.
Mais la commission LIBE du Parlement européen, chargée d'étudier le texte, semble bien décidée à laisser passer cette mesure désastreuse. Daniel Dalton, le député européen nommé rapporteur du texte, est un citoyen britannique : poussé dehors par le Brexit, il veut à tout prix porter un texte fort avant de quitter le Parlement européen.
Notre article du 28 janvier s'adressait à lui : pourquoi défendre ce texte ? Travaillez-vous pour Google, ou bien n'avez-vous pas lu les nombreuses alertes lancées par les associations de défense des droits dans toute l'Europe ?
À lire sur notre site : https://www.laquadrature.net/2019/01/28/d-dalton-rapporteur-sur-le-reglement-antiterroriste-est-sur-le-point-dautoriser-la-censure-de-masse/.Mais ce n'est pas tout. Le mardi 29 et le mercredi 30 janvier, Arthur et Martin, les deux juristes de La Quadrature, sont allés à Bruxelles rencontrer les parlementaires de la commission LIBE, dont Monsieur Dalton. Piqué par l'article, il leur a pourtant parlé sans hostilité. Sur certains points, le désaccord est entier : il est persuadé que le terrorisme s'attrape par Internet. Mais sur d'autres, l'accord est surprenant : il ne veut pas non plus de la censure automatisée !
Alors, pourquoi la défendre ? Parce que d'un point de vue politique, il a besoin d'un texte fort, et que la formule « retrait en une heure » frappera les esprits. Bref, on marche à cloche-pied sur la tête.
Les prochaines étapes pour le texte sont pour l'heure difficile à connaître : il y aura un vote pour avis dans deux autres commissions du parlement (IMCO et CULT, de leur petit nom), dont l'une a pour rapporteure Julia Reda, qui a des positions proches des nôtres. Ensuite, après un vote aux alentours du 21 mars probablement, la commission LIBE et Daniel Dalton soumettront leur texte au Parlement. Tout cela doit aller très vite, avant les élections de mai, voire avant le Brexit. Si nous ne faisons rien, difficile d'imaginer que le texte ne puisse pas être adopté dans sa pire version, installant une censure administrative et privée de l'ensemble du Web. La situation est aussi grave...
Notre lettre à Daniel Dalton, rapporteur du règlement contre la propagande terroriste en ligne : https://www.laquadrature.net/2019/01/28/d-dalton-rapporteur-sur-le-reglement-antiterroriste-est-sur-le-point-dautoriser-la-censure-de-masse/