« Nous détenons des armes « du Jugement dernier », s’était flatté Vladimir Poutine, le 1er mars, dans un message au Parlement russe. Américains et Européens avaient alors jugé peu sérieux ces propos du candidat à l’élection présidentielle. Erreur : le 8 mai, à Moscou, lors de la grande parade militaire célébrant, comme chaque année, la victoire de 1945, les attachés militaires français et alliés ont découvert plusieurs récentes productions de l’industrie locale. Des « robots de combat » blindés, pilotés a distance et armés de canons crachant des obus (400 coups à la minute), par exemple, et le très moderne avion « furtif » russe, le Sukhoï SU-57.
Mais les vedettes du spectacle furent deux MiG-3l, porteurs de cette « arme du Jugement dernier », dont s’était vanté Poutine. Selon les experts occidentaux, ce missile air-sol, qui peut emporter une bombe nucléaire, est capable de parcourir 2 000 kilomètres à une vitesse de cinq à dix fois supérieure à celle du son (les experts hésitent à se montrer plus précis), et donc difficile à intercepter. Aucune armée moderne ne possède une telle arme.
La Grande Amérique, dont le prochain budget de la Défense pourrait dépasser les 716 milliards de dollars — loin devant celui de la Sainte Russie —, dispose, elle aussi, d’industriels compétents. Selon la décision très inquiétante prise par Donald Trump, une production de minibombes nucléaires sera effective dès 2019, et non pas en 2020, comme initialement prévu. A en croire un document du Pentagone cité par « Le Canard », le 7 février, ces armes « miniaturisées » peuvent permettre au président américain, et à ses successeurs, de mener un conflit limité — sous forme de « leçon » donnée à un ennemi présumé — sans provoquer de guerre mondiale… Ne reste plus à Moscou et à Pékin que de se doter du même arsenal à faire peur.
Dans cette course aux productions mortifères et aux exportations juteuses, Israël est en gros progrès. En 2017, ses industriels de l’armement (150 000 emplois directs et indirects) ont enregistré une progression de leurs exportations de 41,5 %, par rapport à l’année précédente. On trouve de tout dans leurs catalogues : avions, hélicoptères, radars, drones, systèmes de défense antiaérienne et antimissiles, satellites, etc. L’Inde (meilleur client), le Vietnam, la Birmanie, les Philippines et l’Azerbaïdjan ont ainsi accès à la haute technologie de l’Etat hébreu, qui cherche à équiper plusieurs armées africaines, car, comme les Etats-Unis, la Russie ou la France, Israël vend à n’importe qui. Sans se soucier du comportement de ses clients avec leurs voisins ou ennemis héréditaires…
La France s’attache, elle aussi, à produire des armes « incomparables », comme ce « bijou » que décrit un expert militaire. Il s’agit d’un missile sol—sol de moyenne portée, le MMP, un produit intégralement français. Portée à dos d’homme, cette petite merveille peut atteindre des objectifs à 4 ou 5 kilomètres de distance et percer des murs de béton de 2 mètres d’épaisseur ou des blindages de chars. Qui dit mieux ? Personne. Nos VRP — président Macron et ministres — vont bientôt présenter cette arme « incomparable » aux Etats du Golfe, nos clients habituels, et à qui d’autre en voudra.
Seul défaut de pareil engin : ce petit « bijou », léger, très maniable et facile à dérober, excitera l’intérêt des groupes terroristes, toujours intéressés par une technologie aisément transportable.
Jusque-là, tout va bien ?
Dans le Canard enchaîné du 16 mai 2018.