Soixante pour cent. C’est — excusez du peu ! — le pourcentage de ministres de l’équipe d’Edouard Philippe redressés par l’administration fiscale en 2018. Un enseignement inattendu du rapport d’activité pour l’année 2018 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Rappelant qu’elle a « pour mission de superviser ia vérification fiscale des membres du gouvernement » menée par la Direction générale des finances publiques, la HATVP dresse le bilan des contrôles fiscaux effectués l’an dernier. La conclusion s’impose : les ministres gagneraient à feuilleter « Les impôts pour ies nuls » avant d’envoyer leur déclaration !
« Sur les 35 dossiers (de ministres) clôturés, 21 ont donné lieu à des rectifications, est-il en effet écrit. A l’exception d’un cas, tous les contribuables concernés étaient de bonne foi. » Tant que le mouton noir n’était pas le ministre des Comptes publics…
Sur les 21 dossiers en question, les ministres se sont ainsi vu réclamer, en moyenne, la coquette somme de 11 930 euros, comprenant rappels d’impôt et pénalités (de retard, notamment). Précision : les contrôles ne portaient pas uniquement sur la dernière déclaration fiscale des intéressés, mais — a minima — sur les trois dernières.
Pour ne rien arranger, un ministre — non cité — n’a pas respecté ses obligations fiscales en 2018. La Haute Autorité, comme c’est sa prérogative, en a informé le président de la République et le Premier ministre. « il s’agissait du premier cas d’information pour non-respect, par un ministre, de ses obligations fiscales », est-il précisé. Il faut un début à tout…
Trois ministres ont tout de même sauvé l’honneur : ils ont été trop généreux avec l’administration fiscale ; celle-ci leur a restitué 7 740 euros, en moyenne.
Toutes nos félicitations à ces valeureux patriotes !
Chaud… Statistiquement, avoir des mauvais payeurs dans le gouvernement est normal, car il y a de telles personnes dans toutes les franges de la population. Mais, on pourrait s'attendre à une certaine exemplarité des personnes qui occupent de tels postes publics et avec un tel niveau de responsabilités…
On peut en déduire que ces personnes ont une diversité de revenus (jetons de présence, placements financiers, immobilier, etc.), sinon il leur aurait suffi de reporter le chiffre indiqué sur leur dernière fiche de paye de l'année… Bref, ce n'est pas le train de vie de M. ToutLeMonde. Il sera donc ardu, pour le pékin lambda, de venir m'expliquer que si déjà les ministres n'arrivent pas à affronter la complexité de la fiscalité française, c'est impossible pour le citoyen de base. D'autant que je ne crois pas à l'erreur : ces personnes ont des conseillers à gogo, y compris pour s'occuper de leurs petites affaires privées.
Les montants réclamés qui semblent exorbitants ne le sont pas. D'abord car il s'agit d'une moyenne, pas de la médiane, ensuite car le niveau des rémunérations sur ce type de poste est plus élevé que sur les métiers du commun des mortels. Inutile, donc, d'hurler à la mort concernant des super fraudeurs fiscaux, ce sont juste des fraudeurs qui ont des revenus plus élevés. S'il y a quelque chose à discuter, c'est la cause, c'est-à-dire le montant des rémunérations associées à ces postes.
Dans le Canard enchaîné du 29 mai 2019.