Qui remplacera François Molins à la tête du parquet de Paris ? Et, surtout, qui choisira son successeur ? D’ordinaire, la décision revient àla garde des Sceaux, avec un « avis conforme » du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Mais les choses traînent depuis juin, quand Nicole Belloubet a reçu les trois candidats au poste de superproc.
Elles traînent tellement, même, que les regards se tournent désormais vers l’Elysée, où tout se décide. « Le président de la République va choisir, et c’est lui qui bloque… » s’inquiètent, en chœur, nombre de magistrats siégeant dans les instances professionnelles. « Une telle attente, on ne l’avait jamais vue, râlent les mêmes. Macron prend son temps parce qu’il veut des gens à sa main. Ça en dit long sur sa conception de l’indépendance de la justice… »
La main de Macron
Les choses auraient dû être rondement menées. Dès le 5 juillet, le CSM donnait son feu vert à la nomination de Molins comme « procureur général près la Cour de cassation », proposée par le pouvoir politique. Puis, plus rien. Alors même qu’il avait été demandé au CSM de se grouiller : il s’agissait d’éviter toute vacance à la tête du parquet de Paris, où se jouent les affaires politiques ou terroristes : impossible de laisser un lieu aussi stratégique sans chef, impossible de ne pas y nommer un magistrat de confiance. Macron n’aurait-il pas trouvé son bonheur parmi les trois candidats ?
Du beau linge, pourtant. Maryvonne Caillibotte, avocate générale à Paris, brillante ex-main droite d’Yves Bot, un ancien proc de Paris proche de Sarkozy. Marie-Suzanne Le Quéau, ensuite, procureure générale à Douai, ex-directrice des affaires criminelles sous Taubira (c’est elle qui, en juillet 2013, avait révélé avoir transmis 54 comptes rendus sur l’affaire Cahuzac à sa ministre en trois mois). Dernier prétendant, Marc Cimamonti, le procureur de Lyon, vers qui pencheraient Belloubet et le CSM. C’est bien joli, mais — personne n’en doute plus — ce ne sont pas eux qui tranchent.
Plus le bon vouloir de Macron se fait attendre, plus sa volonté de tout décider et diriger s’imprime. Et plus il manifeste de manière aussi éclatante que désinvolte son emprise sur les procureurs.
Dans le Canard enchaîné du 19 septembre 2018.