Siné mensuel de février 2018
J'ignorais qu'il y avait des disparités géographiques dans la ZAD de NDDL. À l'ouest de la D281, il y a les zadistes structuré⋅e⋅s (AG, réunions, fermes et autres bâtiments en dur, etc.), intégré⋅e⋅s au reste de la population, un peu pragmatiques. À l'est vivent les zadistes idéalistes qui rejettent le monde actuel, vivent dans des cabanes fabriquées de leurs mains, sans eau courante, sans électricité, sans moteurs, pensent que les AG/réunions ne font pas avancer les choses. La décision "collective" mais quand même imposée par le gouvernement en janvier 2018 (quand le non à l'aéroport a été acté) d'évacuer la D281 a créé de la tension entre ces deux univers de la ZAD.
Siné mensuel de janvier 2018
- Témoignages intéressants de femmes et d'hommes de ménage : le plus difficile dans ce boulot, ce n'est pas le travail, les horaires, la cadence infernale, c'est l'humiliation constante c'est-à-dire nettoyer la merde des autres atteint l'estime de soi et les laisse à penser qu'elle⋅il⋅s sont des merdes. Ces personnes sont invisibles : elles et ils bossent en horaires décalées pour ne pas déranger et ne pas créer un sentiment de honte, et, quand on les croise, c'est à peine un bonjour, à peine un regard. Elles⋅il⋅s sont sous-payé⋅e⋅s, sous pression constante et parfois abusées sexuellement.
- Les cafés philos et les cafés citoyens (littérature, histoire, sciences, code du travail, etc.) : rendez-vous au bistrot pour des échanges autour d'une thématique choisie par vote et annoncée à l'avance. Re-habiliter le questionnement, le débat, la discussion, tisser du lien social avec autrui, etc. Il y a également les cafés emploi, les caféministes, les repair'café et les cafés polyglottes.
- L'aménagement des lieux de vie en commun peut permettre ou interdire la naissance de mouvements sociaux. Exemple à la fac de Nanterre : une maison des associations permet de loger chaque association dans un local. Ça semble cool, mais, donc, l'étudiant⋅e moyen⋅ne ne rencontre plus de militant⋅e par hasard, il faut qu'il⋅elle se rende dans ce bâtiment. De même, les cuisines des cités U, haut lieu d'échanges et de politisation des étudiant⋅e⋅s dans le passé ont été remplacé par des chambres individuelles avec kitchenettes. La flambée des prix dans le quartier autour du campus oblige les étudiant⋅e⋅s à élire domicile toujours plus loin, ce qui fait qu'après les cours, il⋅elle⋅s ont moins de temps pour militer avant de prendre le RER… Tout cela s'ajoute aux pressions que le monde exerce sur les étudiant⋅e⋅s : faire des choix de filière pragmatiques, privilégier des filières professionnalisantes, privilégier des filières sélectives pour se la péter sur le marché du taff, mentions, lettres de recommandation, etc. Tout cela fait que la fac de Nanterre, haut lieu de 68, roupille sévère. On pourrait aussi évoquer le mobilier urbain anti-SDF, etc.
Siné mensuel de décembre 2017
« Israël casse la solidarité et la cohésion des Palestiniens », entrevue avec Samah Jabr, psychiatre palestinienne
- Le peuple palestinien est spirituel (pas au sens religieux mais au sens d'avoir la conviction de donner un sens à leur vie). De même, ce peuple « a une structure familiale très solide » : « malgré la pauvreté, la démolition des maisons, on ne voit pas ici des gens qui cherchent à manger dans les poubelles ou qui dorment dans les rues. La famille défend les plus faibles, dans le village, la société… ».
- « ‒ La tortue est-elle pratiquée à grande échelle ? ‒ Chaque prisonnier est systématiquement exposé à la privation de sommeil avec de graves conséquences sur le cerveau. Dans les années 70 et au début des années 80, des rapports internationaux ont critiqué Israël pour des pratiques de torture. Alors Israël a formé une commission pour réviser ses « méthodes » et a rendu publique une check-list qui utilisait le terme de moderate physical pressure pour remplacer le mot torture. Parmi ces techniques, il y a, par exemple, les suspensions. Au lieu de frapper un prisonnier, on l'attache dans une position douloureuse. Pour les Israéliens, il ne s'agit pas uniquement de garder les mains « propres », mais de créer une différence psychologique chez les prisonniers qui subissent une douleur infligée par leur propre corps : au lieu de projeter leur révolte à l'extérieur, ils l'intériorisent. Toutefois la commission autorise, quand il s'agit d'une « bombe à retardement », de faire ce qu'on veut dans le cadre « d'interrogatoires militaires ». Nous avons eu connaissance d'horribles histoires de tortures physiques, psychologiques et sexuelles. »
- « ‒ Dans le film « Derrière les fronts », on vous voit beaucoup dans votre voiture aux check-points. Vous y passez combien de temps ? ‒ Cela dépend beaucoup du climat. S'il y a un attentat, on peut rester bloqués quatre heures, plus même… S'il n'y en a pas, cela peut être 45 minutes… C'est l'arbitraire ! Et c'est aussi un moyen systématique pour que les gens ne puisent pas donner sens à leur vie. On ne peut rien prévoir en Palestine. C'est un moyen d'oppression. »
- « La représentation dans la Knesset israëlienne va de plus en plus vers la droite. On voit qu'une femme comme Ayelet Shaked qui a prononcé les pires propos racistes pendant la guerre à Gaza, appelant les soldats à démolir les maisons et à tuer les femmes, est devenue ministre de la Justice ! Elle n'est pas la seule à penser ainsi parmi les officiels israéliens. […] ».
Protection de l'enfance
- « La protection de l'enfance suit des doctrines […]. Dans les années 80, on plaçait [NDLR : dans des familles d'accueil ] à tout-va, au moindre "signalement", quitte à provoquer des drames. Après la loi de 2007, sous l'influence des associations de familles cathos, ça a été radicalement l'inverse. On a privilégié le maintien à domicile encadré et, en cas de placement, l'autorité parentale a été renforcée. ». Sorties de classe, examens médicaux, inscriptions dans un club de sport doivent être validés par les parents, par l'intermédiaire d'un référent de l'aide sociale à l'enfance, pas toujours disponible ou d'un juge qui l'est encore moins. […] Les enfants sont également obligés de continuer à voir des personnes qui les ont maltraités. […] Tout cela change depuis la loi de mars 2016, mais très très très lentement, notamment les mentalités de l'aide sociale à l'enfance…
- Les familles d'accueils ne doivent pas s'attacher aux enfants et inversement : si les éducateurs de l'aide sociale à l'enfance détecte le moindre signe (genre appeler la mère d'accueil "maman" devant les éducateurs), hop, les enfants sont placés en foyer ou dans une autre famille au motif que l'attachement nuit à la reconstruction des liens avec la famille biologique.
- D'un autre côté, il faut protéger les enfants placés de situations réelles comme les attouchements sexuels, le détournement des indemnités de vêture pour acheter des habits à l'enfant biologique, enfermement dans les chambres, etc.. Or, les conseils généraux, chargés de recruter, de former et de suivre les assistant⋅e⋅s familiaux manquent de moyen : 50 dossiers par éducateur, 150 pour les psychologues, etc..
- Le statut d'assistant⋅e familiale est précaire : quand aucun enfant n'est placé, cette personne perçoit un montant proche du RSA et est virée au bout de 4 mois. Aucun soutien, aucune protection le temps que la police fasse son travail en cas de dénonciation calomnieuse. Les assistant⋅e⋅s familiaux sont utilisé⋅e⋅s en remplacement des centres médicaux-éducatifs alors qu'elle⋅il⋅s ne sont pas formé⋅e⋅s pour accueillir des enfants handicapés ou souffrant de pathologie psychiatriques… Et si il⋅elle se plaigne, hop, perte de boulot.
Siné mensuel de novembre 2017
- Il existe près de 500 lobbys cathos à Bruxelles comme la Comece qui emploie 80 personnes. « Ils ont modernisé leur discours, relooké leurs arguments. Ils ne se disent plus contre l'avortement mais pour la vie, plus contre l'homosexualité mais pour la famille. Ils ne font plus appel aux racines chrétiennes mais à la dignité humaine. Qui pourrait être contre ? Sauf que, pour eux, la dignité humaine commence à la première cellule fécondée et ne finit qu'avec la mort. Donc protéger l'embryon, comme empêcher l'euthanasie. Pas mal, l'embrouille. »
- « Le dernier rapport du comité de suivi du CICE chiffre le coût d'un emploi créé ou « sauvegardé » par ce dispositif à 600 000 €, soit 60 fois plus que le coût d'un contrat aidé ». Mouais. Moi je lis : 47,1 milliards d'euros de CICE (coût réel total) pour 2013-2015 en rapport avec une estimation vraisemblable de 100 000 emplois créés/sauvegardés, soit 470 000 € par emploi. Je note surtout que ce rapport est super flou, prend de grandes fourchettes (entre 10 000 et 200 000 emplois créés/sauvegardés, 100 000 est jugé vraisemblable !) et de grandes pincettes concernant les effets sur la R&D, sur la productivité, et sur les revenus du capital… Bref, on a claqué 47 milliards d'euros en 3 ans et, 2 ans plus tard, on ne sait toujours pas si ça servi à quelque chose… … …
- Entrevue avec Daniel Schneidermann, d'Arrêt sur images. « Quand je produisais Arrêt sur images sur France 5, je l'ai toujours fait en toute indépendance. En revanche, je m'étais laissé prendre par le format télé. Par exemple, la nécessité d'avoir toujours un débat noir contre blanc. À l'époque, ça me semblait évident : c'est la démocratie, on a quelqu'un qui défend l'euro, en face quelqu'un doit défendre la sortie de l'euro… À la réflexion, j'avais tort. Cette obsession-là produit du débat de postures, où on ne s'écoute pas, où rien ne bouge, du match de catch, et ce n'est pas intéressant. Depuis qu'on fait l'émission sur Internet, on s'est rendu compte qu'avoir sur un plateau deux personnes qui sont d'accord à 80 % et qui ont une zone de divergence de 20 % est beaucoup plus riche. On écoute deux personnes qui se respectent, qui ont aussi des divergences de fond mais qui en parlent avec nuances. Et comme ça, les débats avancent ! ».
- Les emplois de « Point école », c'est-à-dire les gens en gilet jaune qui aident les enfants de primaire à traverser les passages piétons, sont occupés par des personnes précaires (retraités avec une retraite misérable, demandeur d'asile, etc.). Ces personnes sont vacataires (donc pas de congés payés), payées (à Paris) entre 480 euros nets et 133 euros nets les mois creux complétés par le RSA… Évidemment, ces personnes sont surveillé⋅e⋅s par des chef⋅fe⋅s en voiture / scooter. Tout ça pour écarter les bras au milieu d'une rue pendant 40 minutes, 3 à 4 fois par jour, parfois pour le compte de plusieurs écoles un même jour, afin que des chauffard⋅e⋅s n'écrasent pas des gamin⋅e⋅s… Bullshit job quand tu nous tiens…