Les taux d’intérêt étant toujours très bas ont eu pour résultat, écrivent « Les Echos » (14/3), que « la dette des entreprises atteint un niveau record ». Elle culminait, en 2018, à 4 000 milliards d’euros, soit 175 % de la valeur du produit intérieur brut (PIB), contre 121 % en 2000. En Europe, sur ce terrain, on est les meilleurs : les dettes des entreprises s’élèvent à moins de 125 % du PIB en Espagne, 105 % en Italie, et sont stables depuis vingt ans en Allemagne, autour de 85 %.
Attention toutefois : l'article des Echos du 14 mars 2018 s'appuie sur des chiffres fournis par une agence de notation sur la période mi-mai 2018. Or, à la fin 2018, le même journal rapportait les propos de la banque de France qui estimait alors que la dette privée représentait 132 % du PIB à la fin 2018.
À comparer à la dette publique française : environ 2 300 milliards / 99 % du PIB au 3e trimestre 2018. Comme quoi, le méchant public mauvais gestionnaire blablabla, c'est du pipeau. Comme quoi, utiliser la dette publique pour justifier des coupes dans les services publics, c'est du flan.
Ce super endettement des boîtes françaises n’est pas grave. Sauf si les taux d’intérêt se mettent à remonter.
Ça illustre quand même que l'économie est fragile mais que « jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici… »
D'une part, avec un tel taux d'endettement, les sociétés commerciales ne sont déjà plus en capacité d'investir, car la majeure partie de leur chiffre d'affaires est utilisé pour rembourser leur dette, ce qui entraîne une perte de compétitivité par obsolescence sur le moyen terme.
D'autre part, cela signifie que le moindre pépin dans la production (obsolescence, conditions météo, fluctuations boursières, contraintes législatives/réglementaires, etc.) peut entraîner la fermeture de ces sociétés. Elles doivent donc vendre toujours plus donc produire toujours plus… ce qui est un non-sens puisque les ressources terrestres sont finies. Donc, la dette privée est utilisée comme levier pour que rien change, pas de contraintes législatives bénéfiques pour le climat sinon chômage de masse à prévoir, par exemple.
Si un nombre suffisant de sociétés commerciales n'arrivent plus à rembourser leur dette, les organismes de crédit commencent à vaciller, car leur titre de créances ne valent plus rien. Évidemment, ces titres ont été incorporés dans des produits financiers en tous genres et vendus à travers le globe en toute opacité donc tous les organismes financiers flippent et revendent leurs produits à la hâte… Et comme tout le monde vend et que personne veut acheter, la valeur de ces produits financiers diminue, ce qui accélère la chute des organismes financiers…
Si l'État choisi de racheter partiellement la dette privée, alors elle est mutualisée et c'est les personnes imposables qui la payeront (et ça justifiera en passant des coupes dans les services publics), ce qui fera augmenter la dette publique en passant.
Si l'État choisi de ne pas racheter la dette, alors les organismes financiers utilisent les dépôts des épargnants et, comme les fonds de garantie publics (les fameux 100 000 € par compte) ne sont pas suffisamment provisionnés, il y aura des perdants et c'est encore les citoyens qui payeront les pots cassés.
Je parle ici des sociétés commerciales, mais le raisonnement est identique avec les ménages. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé à partir de 2007.
Quand les gens sensés nous disent que le crédit institutionnalisé est une véritable saloperie…
Dans le Canard enchaîné du 20 mars 2019.