Bon bah voilà, l'état d'urgence est prolongé pour 6 mois. Mais, au-delà de ça, des dispositions de lutte anti-terroriste qui perdureront après l'état d'urgence ont été introduites autant par l'Assemblée (à gauche) que le Sénat (à droite) ! Pour avoir un aperçu de la médiocrité des causeries du Parlement autour de cette loi, voir mes notes sur la séance de l'Assemblée (j'ai eu le courage de suivre uniquement la discussion générale au Sénat, faut pas pousser) : http://shaarli.guiguishow.info/?e7fvFQ .
L’Assemblée et le Sénat ont approuvé jeudi, à une écrasante majorité, la prolongation de l’état d’urgence pour six mois. Le projet de loi a été élargi à une série de mesures, portées initialement par la droite, pour durcir la lutte antiterroriste.
Le projet de loi initial comptait deux articles. Le texte définitif, adopté par le Parlement jeudi, en comporte 20. Dans le cadre d’une procédure accélérée, motivée par l’attentat de Nice, le gouvernement avait soumis un texte proposant une prolongation de trois mois. Il rétablissait la possibilité de procéder à des perquisitions administratives, levée depuis mai, et il permettait la saisie de données informatiques et téléphoniques lors de ces perquisitions, retoquée dans une version précédente par le Conseil constitutionnel.
Mais les débats parlementaires, parfois dans une ambiance électrique, et sous pression de la droite [ NDLR : ouais, fallait que ça aille vite, c'était une session de travail extraordinaire car située juste avant les vacances parlementaires et dernière semaine avant le 26, date de fin de l'exo habituel ! Du coup, la gentille gauche a été obligé de céder face à la méchante droite, voilà le barratin qu'on essaye de nous vendre ! Pffff ], ont conduit à durcir et à élargir le texte, qui a entre-temps changé de nom. D’abord sur la durée : l’état d’urgence est prolongé pour six mois, jusqu’à janvier 2017. [...]
Les dispositions permettant de fouiller les véhicules ou les bagages, [ NDLR : + le contrôle d'identité élargi, le tout sous l'autorisation du préfet. La loi de réforme pénale avait donné aux procureurs la possibilité de faire fouiller les sacs et bagages ]
et de fermer un lieu de culte qui serait jugé dangereux, ont été réaffirmées. [ NDLR : la loi de 1955 permet déjà aux préfets et ministre de l'Intérieur de s'attaquer aux lieux de réunion « de nature à provoquer ou à entretenir le désordre », c'est une extension de plus… ]
Lors des perquisitions administratives (en dehors d’une procédure judiciaire) [ NDLR : elles sont de retour, comme si les terrorites n'ont pas eu le temps de tout planquer depuis. La commission parlementaire de suivi de l'état d'urgence la montrer : elles n'ont pas été utiles au-delà des premiers jours et encore, pour des motifs autre que le terrorisme genre armes et drogue. ], les mineurs pourront être retenus jusqu’à quatre heures.
Ces perquisitions administratives sont accompagnées de la saisie des données informatiques :
Toutes les manifestations ou tous les rassemblements pourront être interdits si la sécurité ne peut pas être assurée, faute de moyens.
Surtout, une série de mesures, relevant davantage de la lutte antiterroriste que de la loi de 1955 sur l’état d’urgence, ont été ajoutées. Elles ont été portées par la droite sénatoriale, et validées par le PS, qui les avait pourtant, à plusieurs reprises, rejetées lors de précédents débats. [ NDLR : toutes les mesures qui suivent après cette phrase perdureront au-delà de l'état d'urgence (si l'on en sort un jour) ! ]
Le projet de loi valide, par exemple, la vidéosurveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans les cellules de prison des personnes poursuivies pour terrorisme.
Il rend automatique l’expulsion, soit définitive, soit pour dix ans, d’un étranger condamné pour terrorisme – c’est le principe de la double peine. [ NDLR : pourtant Sarko avait porté une réforme l'interdisant partiellement (elle crée des catégories d'étrangers protégés car bien intégrés socialement…) pour toute peine de prison. ]
Les personnes condamnées pour ce motif ne pourront plus bénéficier de certaines réductions de peine – elles seront notamment exclues du régime de la semi-liberté.
Les parlementaires ont aussi allongé la durée de détention provisoire pour les mineurs mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (de deux à trois ans). [ NDLR : parce que l'auteur de la tuerie de Nice était un mineur, c'est bien connu).
De même, cette loi augmente les peines maximales : 20 -> 30 pour diriger ou organiser un acte collectif de terrorisme et quand l'acte peut entraîner la mort, la peine maximale est la perpétuité. Waaaaaaahooou, ça va trop les décourager les terroristes morts en commettant leur forfait ! Bref, tout ça c'est de l'esbroufe. :S
Le régime encadrant les écoutes administratives est assoupli. Les services de renseignement pourront surveiller en temps réel, sur les réseaux des opérateurs, les personnes en lien avec des individus présentant une menace, et non plus seulement ces derniers. [ NDLR : même le cadre de l'écoute des personnes présentant une menace est élargi ! ]
À ce sujet, lisons ce que dit la Quadrature ( https://www.laquadrature.net/fr/etat-d-urgence-surenchere-dans-la-surveillance-de-masse ) :
La disposition en question (article L. 851-2 CSI), très décriée lors des débats à l'époque, vise à scanner en temps réel des données de connexion d'un individu suspecté d'activités terroristes.
Dès les attentats de novembre, alors que l'encre de la loi renseignement était à peine sèche, un responsable du ministère de l'Intérieur expliquait déjà au Monde qu'avec des procédures de contrôle encore plus allégées, « en croisant les infos et en utilisant un algorithme très puissant déjà connu, nous serions en mesure de surveiller, en temps réel, ces 11 700 personnes » « fichées S ». Puis, en janvier à l'issu d'un Conseil national du renseignement à l'Élysée, et toujours d'après Le Monde, la décision fut prise de « mettre sous surveillance l'ensemble des données de communication de ces 11 700 personnes « fichées S » pour lien avec l'islamisme radical »..
Jusqu'ici, cette forme de surveillance ne portait que sur les personnes « identifiée[s] comme une menace » terroriste. En vertu de cet amendement scélérat, le code de la sécurité intérieure dispose désormais qu'il suffit d'être identifié comme « susceptible d'être en lien avec une menace », ou de faire partie de l'« entourage » des personnes « susceptibles de... », pour voir ses données de connexion analysées en temps réel et durant quatre mois par les services de renseignement.
Derrière le flou des termes employés, on comprend que c'est donc potentiellement plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers de personnes qui sont directement concernées, et non les 11 700 personnes déjà « fichées S ».
Les parlementaires demandent également dans ce texte au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’élaborer « un code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d’actes terroristes ». [ NDLR : pour éviter les images de cadavres diffusées par les chaînes d'information en continue… ]
Le plafond d'interdiction de sortie du territoire saute (les autorités peuvent vous empêcher de quitter le territoire si elles ont des raisons de penser que c'est pour aller causer des actes terroristes ou rejoindre des thétres d'opérations. Cette interdiction était limitée à 2 ans, plus maintenant).
Le texte de loi prévoit aussi que les services de renseignement (et je rappelle qu'il y en a une pelletée et que le gouvernement peut en nommer par décret, sans devoir demander à qui que ce soit, donc !) peuvent partager des informations au lieu de juste échanger comme c'était le cas avant. Cela ouvre la porte au partage d'information, à la collaboration entre services, à une possible plateforme d'échange du renseignement, etc. Dans un contexte post-Loi Renseignement où les services de Renseignement ont été largement renforcés (cadre, missions, moyens à leur disposition, etc.), je trouve ça hyper dangereux : les cafouillages et les guéguerres entre services (comme aux USA) sont tout ce qui reste pour "protéger" (très très faiblement, je vous l'accorde) l'honnête citoyen des dérives !
Source complémentaire :