Il n’a certainement pas échappé à certains ou certaines d’entre vous que le stérilet hormonal Mirena est sous le feu des projecteurs et pas de la meilleure manière. Depuis une dizaine de jours, ce petit objet de silicone rempli d’hormones, semble être la cause de nombreux effets secondaires et pas des moindres. Crises d’angoisse, syndromes dépressifs, humeur sombre, vertiges, chute de la libido, troubles neurologiques, chutes spectaculaires de cheveux, prise de poids, inflammation des articulations, douleurs gynécologiques et j’en passe et des meilleures. […]
Il n’est pas besoin de remonter le temps bien loin pour observer que l’utérus de la femme a été souvent exploré d’une manière un peu péjorative par le monde des hommes. À la fin du dix neuvième siècle, on parlait des humeurs néfastes et polluantes utérines pouvant rendre folles les femmes. Le terme hystérie vient d’ailleurs du mot utérus. Ces messieurs de l’académie des sciences médicales décrivent des manifestations quasiment diaboliques de maladies mentales de femmes, qui semblaient possédées par cet utérus maléfique.
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Quelques décennies plus tard, le lien est fait entre cerveau et hormones. L’hypophyse dans le cerveau se charge de la production hormonale et répond en fait à des commandes bien précises. Ces découvertes vont alors permettre l’émergence des thérapies hormonales contraceptives ou thérapeutiques.
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Dans chaque culture, existent des rituels pour fêter cette entrée dans la vie adulte mais d’une culture à l’autre le regard des hommes sur ces menstruations est très différent et oscille entre dégoût et fascination voire respect. Toujours est-il qu’il n’est pas rare qu’elles soient considérées comme un processus de purification dont les femmes auraient besoin chaque mois.
Dans notre société occidentale soi-disant évoluée, le regard porté sur ces manifestations sanguines est de plus en plus paradoxal. Entre les femmes qui veulent les assumer pleinement au point de laisser couler leurs menstruations sans aucune protection, le fameux « flux instinctif libre », une société médicale qui prône de plus en plus l’arrêt des règles comme un progrès révolutionnaire libérant les femmes, on ne sait plus à quel sein se vouer. Le stérilet hormonal est d’ailleurs vanté pour l’arrêt des règles qu’il provoque, mais à quel prix pour certaines femmes?
En ce moment, je rencontre des femmes qui préfèrent souffrir mille maux que voir leurs anglaises revenir. J’ai même vu des femmes qui sont très malades et très affectées par les effets secondaires du stérilet mais qui décident de le supporter car leur compagnon ou mari est content de pouvoir profiter du corps de leur dulcinée quand ils le veulent… dommage, le Mirena enlève la libido à beaucoup de femmes. Je n’ose imaginer ce qui se passe dans les lits conjugaux.
Je crois que c’est le must de la soumission. Cette soumission qui nous habite depuis notre adolescence. Les règles ça peut faire mal, mais faut pas le dire. Aller chez un gynécologue, c’est humiliant et parfois douloureux mais faut pas le dire. Les retours de couche sont douloureux psychologiquement et physiquement mais faut pas le dire. Poser un stérilet peut faire très mal, mais faut pas le dire. Et le pire dans tout cela c’est que nous sommes des soumises volontaires, au point de se mentir entre nous, femmes, quitte à faire passer sa congénère pour une chochotte.
Pourquoi cette omerta mesdames ? Pourquoi supporter tout sans rien dire ? Pourquoi cacher que notre corps, parfois, est difficile à gérer dans ses douleurs et dans ses flux ? Pourquoi penser que si nous faisons disparaître nos règles alors nous serons des femmes libérées ?
La position gynécologique est un des actes les plus humiliants dans nos vies de patientes. Elle est pourtant imposée même dans des événements qui ne le justifient pas. En France, accoucher en position gynécologique est toujours de mise, alors qu’elle n’est pas une position naturelle pour accoucher, au contraire elle ne facilite pas la descente du bébé et est plus douloureuse. Il faut se battre dans les salles de travail pour pouvoir accoucher dans la position où on se sent le mieux.
Sans en arriver à l’accouchement, la visite chez le gynéco fait partie de nos vies depuis notre adolescence. La position est par elle même une position où nos moyens sont coupés. On ne voit pas ce qu’on nous fait. On ne voit pas le médecin. Les actes, s’ils ne sont pas annoncés par le médecin, sont surprenants et parfois douloureux. Et la consultation se passe comme si on avait laissé notre personnalité et nos capacités de refus dans le vestiaire avec notre petite culotte.
Est ce le fruit de cette position particulièrement inconfortable et humiliante ? Ou tout simplement de vieilles habitudes transmises de génération en génération de nous sentir honteuses de notre utérus et de ses manifestations ? Ou oserais-je le dire tout simplement le fruit de cette bonne vieille tradition judéo-chrétienne dont nous sommes tous imprégnés ?
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Au delà de la volonté que les femmes qui souffrent soient reconnues et informées des risques de ce dispositif, mon propos est de réinterroger la position de la femme et le regard porté par le milieu médical mais aussi par la société toute entière sur nos caractéristiques principales, qui font que nous sommes des nanas.
Cette soumission utérine et hormonale est peut être la pire que nous vivons et celle à laquelle nous participons de notre plein gré. Si le combat des féministes devait se situer quelque part, il devrait peut être commencer là, dans les cabinets des gynécologues, dans notre éducation avec nos filles, mais aussi dans le partage quotidien de notre situation de femmes avec nos compagnons, maris, amants.
Pour ma part, j’ai pris conscience de ma soumission et j’arrête là ce cycle infernal. Je suis une femme qui ne veux plus souffrir quand on lui pose un stérilet, qui désire qu’on entende sa difficulté quand elle a ses règles, qui ne veut plus avoir honte d’avoir des problèmes de femme.