La crise européenne qui s’amplifie, due aux divergences entre les pays du Nord et ceux du Sud, pourrait conduire l’Europe vers un nouveau scénario : la sortie de l’Allemagne de la zone euro.
Difficile aujourd’hui d’évoquer une sortie de l’euro sans être catalogue extrémiste démagogue ou crétin irresponsable. Même en italie, la coalition populiste violemment anti-euro pendant la campagne s’est empressée d’écarter cette perspective dantesque sitôt arrivée au pouvoir. Un retour à la lire, forcément dévaluée, aurait fait exploser une dette publique libellée en euros qui culmine déjà à plus de 130 % du PIB… Alors exit l’exit ! Pourtant, le scénario d’une implosion de la zone euro n’est plus si irréaliste aujourd’hui. Depuis la crise de la dette publique de 2010, deux pôles antagonistes se sont nettement reformés. En gros, un modèle allemand au nord et en Europe centrale axé sur les exportations - donc sur la maîtrise des coûts salariaux. Au sud, France comprise, des pays à plus faible croissance plutôt centrés sur la demande intérieure — donc sur le soutien du pouvoir d’achat.
Cette réalité n’est pas nouvelle. Mais, jusqu’à présent, régnait le mythe d’une convergence possible des pays dépensiers et laxistes (Sud) vers le modèle germanique, vertueux et économe. Alors, cahin-caha, pendant près de trente ans, les pays du Sud ont ramé à contre-courant de leurs penchants naturels. Or non seulement ce Graal n’a pas été atteint mais, pire encore, les deux pôles divergent depuis dix ans ! C’est le cocktail explosif de l’eurozone, clivée entre deux logiques de croissance rivales, avec excédents et maîtrise de la dette publique au nord, déficits et dérive de la dette au sud. Et… une monnaie commune ! Le mélange est aberrant et les intérêts contradictoires des deux pôles bloquent toute réforme de fond !
Il suffit que les pays du Sud assainissent leurs finances publiques. CQFD ! Sauf que depuis trente ans, ils n’y parviennent pas ! En partie à cause de leur côté dépensier. Mais surtout parce que les excédents budgétaires des donneurs de leçons — Pays-Bas et Luxembourg en tête - sont abondés par le siphonnage des recettes fiscales des pays déficitaires ! Et si jamais ces derniers s‘avisent de réduire leur taux d’imposition pour limiter l’hémorragie, les premiers répliquent en abaissant les leurs parce que la captation fiscale est l’un des piliers de leur « croissance vertueuse » !
Du coup, la combinaison institutionnelle résolument non-coopérative de l’eurozone et de l’Union européenne est une impasse ! Le Sud y est paralysé parce qu’une sortie de l’euro se heurte au mur de la dette publique. Mais pas le pôle allemand ! Or, s’il était jusqu’à présent inenvisageabie qu’il quitte l’euro, la déliquescence politique de l’Europe couplée à la guerre commerciale que livrent les États-Unis pourrait changer la donne. Plus encore, si l’option d’un Dexit monétaire n’a encore été formulée que par l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), elle n’est pourtant plus complètement utopique. D’autant que les conservateurs allemands sont vent debout contre la politique monétaire permissive menée par la BCE et s’alarment des conséquences de la crise de la dette qui se profile. Si ce contexte se confirme, il n’est pas exclu que l’Allemagne se décide à former une deutsche-zone monétaire recentrée sur un pôle régional homogène. Les pays du Sud conserveraient alors l’euro, une dette publique problématique mais libellée dans leur propre monnaie, et bénéficieraient dans leurs échanges commerciaux de sa dépréciation face à la nouvelle devise du Nord. Qu’elle soit souhaitable ou non, cette voie pourrait être la condition de survie d’une Union européenne aujourd’hui paralysée par des divergences à la fois irréductibles et insoutenables.
Je pense plutôt que la sortie de l'Allemagne de l'euro ferait perdre la majorité de la confiance accordée à cette monnaie, ce qui la dévaluera, plombera les importations des pays du sud de l'UE (et comme la France importe son énergie et les babioles de Chine…), et, in fine, plombera les économies de ces pays.
J'ai avant tout sélectionné cet article pour le diagnostic intéressant qu'il pose.
Dans le Siné Mensuel de mai 2019.