Quand Macron explique que les militaires conserveront leur régime de retraite spécial mais pas les personnels hospitaliers et les enseignants. C'est sûr que les militaires, c'est toujours utile pour maîtriser une population révoltée et les prochains conflits qui naîtront du bazar climatique.
Ce projet de loi sera visiblement discuté après les élections municipales. Des stratégies permettront, comme d'habitude, de diviser les citoyens impactés par cette réforme afin d'éviter une révolte solidaire. Le gouvernement reconnaît une perte de revenus qu'il ne faut pas éviter, juste rendre « pas trop nette ».
Et encore, cet article ne dit pas un mot sur le siphonnage, par l'État, de 138 milliards d'euros dans les réserves du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco (salariés du privé, dont les cadres).
Emmanuel Macron n’a pas attendu que Jean-Paul Delevoye, son haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, présente son projet, ce jeudi 18 juillet, pour lui apporter son soutien lors du Conseil des ministres du 10 juillet.
« Cette réforme-là, il faut la faire, a-t-il scandé. C’est une promesse de campagne et une question de justice sociale. Elle sera difficile, mais elle doit aussi redonner confiance aux jeunes, qui sont persuadés qu’ils n’auront pas de retraite. » Il a toutefois concédé qu’il faudrait avancer très progressivement.
La première étape de la réforme a été celle de « toutes les discussions » conduites par Delevoye. « Il y en aura d’autres, a annoncé Macron. Il pourrait même y avoir une forme de grand débat. Et, ensuite, un projet de loi. » En clair, la discussion de ce projet de loi au Parlement, qui s’annonce périlleuse, n’aura lieu qu’après les municipales.
Le chef de l’Etat a insisté sur le fait que ni les actuels retraités ni les salariés nés avant 1963 ne seraient touchés. Ce qui limitera les risques de manifs. Et, après les ultimes discussions, l’application se fera par « un basculement progressif. Il y aura des transitions ». Mais le but est réaffirmé : « On ne peut pas se contenter d’une réforme à la marge, comme cela a été fait avant moi. »
Son ami Sarko appréciera le compliment.
Philippe, roi du pique-boxing
L’enthousiasme présidentiel est loin d’être partagé par son Premier ministre.
« Ça va être très difficile. On n’y voit pas très clair dans les différents scénarios proposés par Delevoye, a rétorqué Edouard Philippe après l’intervention de Macron. Le travail n’est pas assez abouti. »
La tâche s’annonce donc ardue. « Dans chaque régime spécial se cache une mine. C’est assez technique, et on aura donc du mal à l’expliquer », a enchaîné le locataire de Matignon.
Avant d’aligner le haut-commissaire, qui a la réputation d’être devenu le chouchou du Président :
« La présentation des propositions de Jean-Paul Delevoye ne sera pas la présentation du projet du gouvernement, qui nécessitera beaucoup de concertation, de dialogue et de pédagogie. Car c’est une réforme qui concerne tout le monde, et pas seulement une catégorie de personnes ou une catégorie professionnelle. »
Sans doute le sujet était-il trop compliqué pour M. le Haut-Commissaire.
Ministres en gilet jaune
Après cette « philippique », le Conseil des ministres s’est transformé en bureau des pleurs. Agnès Buzyn a défendu la spécificité des hospitaliers du secteur public par rapport au privé. Aligner les retraites des infirmières sur celles du privé serait, à ses yeux, explosif, « sauf à vouloir se retrouver avec un mouvement social important dans les hôpitaux ».
Jean-Michel Blanquer s’est, lui, déguisé en délégué syndical des enseignants : « Ils ne sont pas très bien payés pendant leur carrière et, ensuite, ils se rattrapent a la retraite. »
Et de mettre en garde : « Il faut faire attention à ce que [la réforme] ne débouche pas sur une perte trop nette de leurs revenus. »
Christophe Castaner et Florence Parly ont ensuite pris la parole pour plaider en faveur de la spécificité des policiers et des militaires.
Ces ministres rebelles gèrent des fonctionnaires qui travaillent massivement dans la « catégorie active », c’est-à-dire exposés à des horaires pénibles ou à des travaux risqués ou difficiles. Sous réserve d’avoir occupé un poste « actif» pendant dix-sept ans, ils peuvent partir cinq ans plus tôt sans décote. Près de la moitié des personnels hospitaliers et la totalité des gardiens de la paix, des douaniers, des matons ou des instits embauchés avant 2003 appartiennent à cette catégorie. Tous redoutent un alignement sur le privé qui les priverait de la possibilité d’un départ anticipé.
Après avoir écouté ces ministres, le chef de l’Etat a balayé tous leurs arguments. Sauf ceux en faveur des militaires, qui, eux, ont des droits particuliers, a-t-il affirmé, au titre d’« un contrat passé entre la nation et ses armées ».
De quoi rendre antimilitaristes tous les autres fonctionnaires !
Dans le Canard enchaîné du 17 juillet 2019.