Dans la forêt de Hambach, en Rhénanie, des militants ont construit des cabanes dans les arbres pour empêcher leur destruction.
D’un côté, 150 « activistes » perchés depuis des mois à la cime des arbres. De l’autre, le conglomérat, fournisseur d’électricité de Rhénanie-Westphalie (RWE), du gros calibre, et son soutien politique, le non moins puissant Land du même nom. Au centre, une forêt, celle de Hambach, de 12000 ans d’âge, déjà réduite à une centaine d’hectares, ceux-là mêmes qui gênent l’extension de la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Allemagne, près d’Aix-la-Chapelle.
Depuis quatre ans, des militants se sont installés dans cinquante et une cabanes dans la forêt de Hambach. Particularité de ces cabanes : elles sont construites dans les arbres, à quinze, voire vingt-cinq mètres de hauteur, de quoi avoir le vertige en préparant son p’tit déj. Du solide, habitables à demeure, des toiles pour se protéger de la pluie, des traverses et ponts de singe pour les relier les unes aux autres. Les rebelles se croyaient à l’abri dans leurs tranchées aériennes. Mais l’assaut a eu lieu en septembre.
Les forces d’intervention (3 500 hommes annoncés) n’ont pas lésiné. Arrivées avec leurs grues de chantier qui s‘élèvent à hauteur, elles se retrouvent face aux irréductibles. Pris de panique, l’un d’entre eux chute et meurt huit jours à peine après son dix-huitième anniversaire. L’émotion est forte.
Les cabanes détruites tombent à terre dans un fracas de branches et de planches cassées.
Non loin de là, un cratère de 350 mètres de profondeur où les bulldozers géants continuent à laminer la terre pour dégager le charbon de lignite, une cochonnerie, et s'approchent de plus en plus de la bordure du massif forestier.
D'après une enquête Emnid, les Robins des bois de Hambach ont l’opinion publique avec eux, laquelle s’oppose majoritairement à l’abattage. Comme pour Notre-Dame-des-Landes, l’affrontement se porte au juridique. Les Amis de la terre arguent du fait que la forêt, ou ce qu’il en reste, recèle des espèces protégées, si bien que RWE a pour l’instant interdiction de défricher.
L’appui populaire ne faiblit pas. Un rassemblement, dans un premier temps interdit par la police, réunit 15000 personnes en octobre, et la décision est cassée par le tribunal d’Aix-la-Chapelle. Dans les arbres, les opposants reconstruisent, mais la police rôde en permanence dans les parages.
L’ogre RWE joue sur l’habituelle ficelle : le non-abattage lui fait perdre 100 millions d’euros et renoncer peu à peu au fossile, ce qui entraîne des pertes d’emplois et l’augmentation du prix de l’électricité. Alors que, si l’on tient compte de tous les coûts induits, on sait qu’elle est déjà bien plus chère que celle issue des renouvelables.
Oui, le calcul est valable si et seulement si l'on tient compte des externalités négatives.
Le gouvernement allemand sent quand même le vent du boulet : il a nommé une commission chargée de déterminer une date de sortie du charbon. Calmons-nous. 2030, 2040 ? En attendant, le fossile charbon et ses centrales font aujourd’hui de l’Allemagne le pays le plus polluant d’Europe.
La forêt n'est pas la seule concernée : des populations ont été déplacées et leurs villages détruits. Exemple : Immerath, qui est en cours de démolition afin de permettre l'extension de la mine de charbon de lignite de Garzweiler.
Dans le Siné mensuel de décembre 2018.