Ah, cette 4G que les opérateurs nous vantent depuis des années, pour laquelle ils nous vendent des forfaits toujours plus importants à installer sur des smartphones toujours plus chers. Eh bien, cette 4G, elle a un petit défaut : la France est 24e sur 28 pays dans le classement européen de sa couverture. Ce n’est plus une couverture, c’est un gruyère plein de trous. Et dire qu’on payait des abonnements plein pot pour avoir une 4G qui n’en est pas une sur le territoire national ! Les consommateurs auraient raison de se révolter contre Orange, SFR, Free et Bouygues pour tromperie sur la marchandise.
À côté de ça, les gros opérateurs font du chantage "déploiement de la 5G contre une remise en cause de la neutralité des réseaux". Déployez déjà la 2G puis la 4G et on en reparle après ?
En attendant, l’État, qui n’a pas le sou et prétend réduire la fracture numérique dans l’Hexagone, a offert un gros cadeau à ces opérateurs qui vendent ce qu’ils n’ont pas en magasins. Ils allaient devoir remettre beaucoup d’argent au pot pour renouveler leurs licences d’exploitation, ils vont les avoir gratis. Pendant les dix prochaines années, ils n’auront pas un kopeck à acquitter, pas même les redevances annuelles de 200 millions d’euros. En échange, ils s’engagent à faire disparaitre les zones blanches, les zones grises et autres zones où ni la 4G ni parfois la 3 et la 2 ne passent. Il paraît qu’ils en seront pour plus de 3 milliards… Sus au désert numérique, vive l’Internet pour tous !
Les opérateurs ont promis de densifier le territoire, et on est prié de les croire. Chacun a signé pour 5 000 installations supplémentaires. Les axes routiers et ferroviaires sont prioritaires. Chaque Français peut espérer avoir bientôt du réseau « s’il est à l’extérieur de chez lui ». Pour téléphoner de sa maison, comme au bon vieux temps du téléphone fixe, et avoir le luxe de surfer, il attendra encore un peu.
« Nous allons faire en trois ans ce que nous avons fait jusqu’ici en quinze ans pour déployer la téléphonie mobile », assure Julien Denormandie, le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires, au « JDD » (14/1). C’est dire si les opérateurs se sont moqués du monde, ces dernières années. S’en moqueront—ils moins demain, puisque le contribuable leur fait cadeau de licences très précieuses ? Il paraît que des sanctions sont prévues s’ils ne jouent pas le jeu. Lesquelles ? on ne sait. Mais l’Arcep, l’autorité de régulation qui a si bien contraint les opérateurs depuis quinze ans, veille et surveille.
A l’Eurovision de la 4G, la France n’est pas près de raccrocher le peloton de tête.
Dans le Canard enchaîné du 17 janvier 2018.