Je me demandais dans quel état est le Venezuela et quelles en sont les causes. Le numéro 157 de CQFD m'apporte des élements de réponse en interrogeant Fabrice Andreani, doctorant à Lyon-II qui étudie la révolution bolivarienne.
- Lock-out pétrolier et commercial en 2002 défait par une offensive militaire et populaire. Chávez tente d'empêcher la privatisation rampante de l'entreprise pétrolière PDVSA et de lancer une réforme agraire, ce qui déplaît fortement aux dirigeants de PDVSA et au patronat. Pour éviter la fuite des capitaux tant annoncée, Chávez réinstaure un contrôle étatique du taux de change ;
- Mais la complicité de hauts-fonctionnaires chavistes permet l'émergence d'un juteux business, qui profite aux grands patrons proches du pouvoir, basé sur la falsification d'importations et la revente au marché noir des pétrodollars assignés par l'État pour payer ces importations fictives ;
- Les entreprises nationalisées tournant au ralenti (manque d'entretien, gréves, corruption, etc.), l'État s'endette toujours plus pour financer de l'investissement en infrastructures ;
- Ces dettes (auprès de créanciers chinois) ne sont viables que si le prix du pétrole reste élevé… Or, il s'écroule en 2014 ;
- Tout cela accentue la pauvreté, génère des émeutes et des pillages. Le lynchage des voleurs redevient à la mode. Le taux de meurtres explose ;
- Maduro refuse l'aide humanitaire extérieure car elle est perçue comme un cheval de Troie impérialiste ;
- Le Tribunal suprême de Justice a invalidé l’élection de députés indigènes sur des soupçons de fraudes jusque-là non avérés ;
- Des militants du parti de Maduro, regroupés en réseau de comités, revendent les vivres acheminés par l'armée. Une entreprise militaire liée à l'entourage de Maduro et des multinationales chinoises, russes et nord-américaines extraient des minerais, au mépris des populations autochtones. Le pouvoir repose sur les trafics de devises et de drogues ;
- Vient le moment de révoquer Maduro par référendum. Le Conseil national électoral l'annule, tout comme les élections régionales et syndicales ;
- Ce qui était un harcèlement judiciaire, policier et miliciens des dissidents du parti politique au pouvoir (PSUV) se transforme, dès 2015, en chasse aux actes illégaux ordinaires (petite et moyenne contrebande), d'où des milliers d'expulsions de logements publics et des dizaines d’exécutions sommaires. Enlèvement des têtes pensantes contestataires (comme la procureure générale Ortega). Arrestations et condamnations de militants en marge des déplacements de Maduro. Informateurs sociaux du PSUV dans les quartiers populaires qui ont la culture de la protestation de rue afin de casser le mouvement populaire d'opposition ;
- En mars 2017, le Tribunal suprême de Justice se substitue au Parlement ;
- Aucun groupe chaviste anti-maduriste ne peut se prévaloir d'une base populaire significative. Le Madurisme récolte encore 10 à 15 % des faveurs du corps électoral ;
- Maduro préfère payer la dette nationale plutôt que de demander sa restructuration afin d'éviter tout audit qui dévoilerait l'identité des opérateurs du trafic énorme de devises initié sous Chávez.