Benoît Muracciole, de l’association Action sécurité éthique républicaines, poursuit l'État en justice au sujet des armes françaises exportées aux pays du Golfe et qui sont utilisées, entre autres, au Yémen. Pour démontrer ses dires, il fournit une note de la DRM (service français de renseignement militaire). Il est convoqué à la DGSI (service de renseignement intérieur), comme les journalistes de Disclose et de Radio France qui ont rendu publique cette note. La note est retirée du dossier judiciaire par le président du tribunal, ce qui permettra, à mon avis, de classer la plainte pour absence de preuve… En tout cas, notre gouvernement a menti une fois de plus : il ne pouvait pas ignorer que nos armes sont utilisées au Yémen, et encore moins après la publication de la note, sauf à démontrer qu'il s'agit d'un faux, ce qu'il n'a pas fait.
Le 2 octobre, la DGSI a convoqué, pour « atteintes au secret de la défense nationale », Benoît Muracciole, ancien d’Amnesty International spécialisé dans le contrôle des ventes d’armes et président de l’association Action sécurité éthique républicaines (Aser).
Son crime : avoir persisté à citer, dans une procédure en appel contre les exportations d’armes françaises à destination des pays du Golfe, une note secret-défense de septembre 2018 émanant de la Direction du renseignement militaire. Laquelle établit noir sur blanc, malgré les dénégations indignées de Macron, Le Drian et Parly, que des armements français sont utilisés dans la guerre sanglante menée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis au Yémen.
C’est précisément la divulgation de cette note, détaillant l’usage de canons Caesar, de chars Leclerc ou de Mirage 2000-9 au Yémen, qui avait valu à trois journalistes de Disclose et de Radio France d’être convoqués par la DGSI les 14 et 15 mai. Dans la foulée, le président du tribunal administratif de Paris a retiré d’autorité, le 27 mai, sur demande expresse de la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, cette note de la procédure. Circulez, y a rien à juger !
La France portée ONU
Depuis, un comité d’experts de l’ONU a souligné, le 3 septembre, la « responsabilité » de la France et des autres Etats pourvoyeurs d’armes dans la « multitude de crimes de guerre » commis au Yémen. Paris ayant ratifié en 2014 le traité sur le commerce des armes, qui interdit leur vente si elles risquent d’être utilisées pour commettre des crimes de guerre, « la légalité des transferts d’armes par la France (…) reste discutable et fait l’objet de procédures internes », écrivent les experts onusiens. Et de prier instamment le gouvernement français et les autres vendeurs complices de « s’abstenir de fournir des armes susceptibles d’être utilisées dans le conflit ».
Or les chantiers navals de Cherbourg viennent de livrer un nouvel intercepteur à la marine de guerre saoudienne, alors qu’un reportage d’Arte, diffusé le 17 septembre, a montré qu’une frégate saoudienne et une corvette émiratie de conception française avaient été mobilisées dans le blocus maritime du pays.
Mais ça ne mange pas de pain, et les Yéménites non plus.
Dans le Canard enchaîné du 25 septembre 2019.