L'ultimatum lancé par la France — et par six autres pays européens — au président vénézuélien élu Nicolas Maduro a encore fait grimper la tension dans un pays déjà au bord de la guerre civile. Il a aussi semé la panique en Suisse, qui, contrairement à ses voisins, a fait montre d’une étonnante réserve. Normal : outre la faillite du pays et les manières autocratiques du régime, les griefs des anti-Maduro portent sur de colossales malversations couvertes par des banques helvétiques…
La Suisse est aussi le royaume du trading pétrolier. Or, le 28 janvier, les Etats-Unis ont frappé durement en gelant les comptes de la compagnie pétrolière nationale, PDVSA, et en interdisant à tout Américain de traiter avec elle. Soutenu par la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Turquie et Cuba, Maduro hurle au coup d’Etat, qualifiant les sanctions américaines d’« illégales, immorales et criminelles ».
En matière de moralité, pourtant, le régime vénézuélien se pose la. Ex-géant du pétrole, PDVSA employait jadis 30 000 personnes et produisait 3 millions de barils par jour. Avec Hugo Châvez, la « révolution bolivarienne » s’est invitée : son cousin a été bombardé à la tête de l’entreprise.
Après une grève, en 2002, les rebelles sont remerciés — 19 000 licenciements ! Des pro-Chavez les remplacent, notamment au sommet. Dans le lot, une étonnante galerie de bandits, qui se sont servis dans la caisse.
Sac de diamants
En 2005, comme le rappelle la lettre d’information suisse spécialisée « Gotham City », Chavez confie à HSBC Suisse une partie des réserves de son pays (15 milliards de dollars), dont l’existence sera révélée en 2015 dans l’affaire des « SwissLeaks ». Unique signature sur ce compte : celle d’Alejandro Andrade, qui fut garde du corps de Châvez avant de s’occuper des finances du pays… et des siennes.
Selon le Département d’Etat américain, il aurait détourné 2,4 milliards de dollars, s’offrant au passage 8 propriétés, des haras, 17 chevaux et 3 jets privés. En novembre, la justice américaine l’a condamné à 10 ans de prison.
Infirmière de Chavez avant d’être nommée ministre du Budget, Claudia Diaz s’est, elle aussi, largement payée sur le rêve socialiste : immobilier, comptes secrets aux Sey- chelles, multiples propriétés dans la banlieue de Caracas, sacs de diamants cachés dans des Jet-Ski… Une curiosité.
A la galerie des marxistes tendance évasion fiscale s’ajoutent des affairistes, petites mains et mules de toutes sortes, comme Roberto Rincon ou Abraham Shiera, des hommes d’affaires ayant versé plus de 1 milliard de dollars de pots-de-vin àla compagnie pétrolière afin de décrocher des contrats.
La réserve dort
Sur les bords du lac Léman, quelques banquiers dorment mal. HSBC, le Crédit suisse (où les tradeurs ont désormais interdiction de toucher aux produits financiers vénézuéliens) et la Compagnie bancaire helvétique ont accepté de cacher le plus gros de cet argent public. Selon les « SwissLeaks », 85 % des fonds vénézuéliens déposés chez HSBC appartiennent à des institutions étatiques et socialistes. A la fin de 2005, elles avaient déjà planqué 12,6 milliards de dollars sur plusieurs comptes HSBC. Les Helvètes transpirent aussi à l’idée que les USA placent leurs banques sur une liste noire, en les accusant de complicité. Ils réagissent donc fermement. Ainsi, le président de la Cour suprême, le ministre de l’Intérieur de Maduro et l’ancien président de l’Assemblée nationale ont vu leurs comptes bloqués par la Suisse.
Afin de payer la dette nationale, Nicolas Maduro brade ses réserves d’or. Il fourgue les lingots en Russie, en Chine, aux Emirats ou en Turquie (« Les Echos », 1/2 »). Là encore, Washington a tapé du poing, sommant les « banquiers, courtiers, tradeurs et facilitateurs » de ne pas « négocier l’or, le pétrole ou d’autres matières premières vénézuéliennes ».
Ni même les chips de banane plantain ?
En complètement, j'avais mis de côté quelques notes sur l'histoire récente du Venezuala.
Dans le Canard enchaîné du 6 février 2019.