Un numéro de C dans l'air d'août 2016 sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Intéressant à regarder alors que le Canard enchaîné de ce jour expose que Macron hésite à le faire entrer en vigueur au 1er janvier 2019.
Notes :
- Ce n'est pas une réforme de simplification. Il faudra toujours déclarer ses revenus annuellement, notamment ses revenus exceptionnels et éventuellement payer un supplément directement au fisc. Ce n'est pas une réforme fiscale, mais uniquement celle de la modalité de recouvrement (les sociétés commerciales et les organisme sociaux collecteront l'impôt pour le compte du fisc, comme cela se fait déjà pour la TVA). Le bazar fiscal demeure : plusieurs taux, plusieurs niches, plusieurs assiettes, quotient familial et autres cas particuliers. La France a un taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu de 98,5 %… Est-il vraiment prioritaire de changer la modalité de ce recouvrement ? ;
- La nouveauté en faveur du citoyen, c'est l'adaptation du taux d'imposition aux revenus du moment. Il est déjà possible de déclarer un changement de situation, d'obtenir des délais de paiement, et de ne pas payer ses tiers provisionnels si l'on suppose que le montant de l'impôt changera du tout au tout d'une année à l'autre, mais la réforme permet également de ne pas payer un fort impôt sur de forts revenus de l'année passée quand on a des revenus bien moindres cette année. Je m'interroge : cette réforme n'a-t-elle pas pour but de préparer l'impôt à une plus grande précarité (ce que l'on nomme flexibilité, c'est-à-dire l'enchaînement de petits boulots) des citoyens ? ;
- Doutes sur la vie privée (mon employeur va connaître mes autres revenus, celui de mon⋅a conjointe, mon nombre d'enfants, etc. et ainsi ne plus m'accorder de promotion). D'abord, 80 % des sociétés commerciales en France sont des TPE donc des communautés de vie dans lesquelles la personne responsable de la paie, le patron et les collègues connaissent très bien la situation personnelle de chaque employé. Ensuite, le fisc a prévu un taux individualisé (pour ne pas faire apparaître les revenus du conjoint) et un taux standard (pour ne pas faire apparaître les autres revenus d'une personne). Si le taux standard est intérieur au taux auquel t'es soumis, il faudra payer, directement au fisc, un complément mensuel. Donc, oui, encore une fois, cela ne simplifie rien ;
- Cette réforme fait plus de taff aux TPE/PME. Ce n'est pas le prélèvement à la source qui induit ça, mais le bazar de la fiscalité française (des tonnes de cas particuliers). C'est pour ça que le prélèvement à la source se passe mieux à l'étranger : l'impôt est individualisé (pas de notion de ménage) et il y a moins de cas particuliers (du coup, l'impôt n'y est-il pas plus injuste ? ;) ). Les sociétés de moins de 20 salariés pourront déléguer la paperasse au service Titre emploi service entreprise des Urssaf. Ce service leur permet depuis 2009 de déléguer la paye et le paiement des cotisations sociales. D'après le Canard enchaîné du jour, seulement 5 % des TPE adhèrent à ce service, par frilosité : elles n'ont pas envie que l'État voit leur comptabilité, d'où, peut-être, une fraude fiscale aux cotisations sociales qui représentait 20 à 25 milliards d'euros en 2013 ;
- Les français fantasment un peu sur la simplicité des autres fiscalités européennes. Exemple : la complexité de la fiscalité allemande fait qu'un grand nombre de citoyens ont recours à un conseiller fiscal ;
- La France est le pays ou le taux de prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales) est le plus élevé (45,7 % du PIB en 2016). En revanche, le prélèvement est plutôt réparti sur les classes moyenne et supérieure (la classe sociale inférieure est plutôt épargnée) et la répartition de cet impôt reste encore équitable (malgré le CICE/CIR et autres bêtises). Ce n'est pas le cas dans d'autres pays de l'Europe donc attention lors de comparaisons. De même, quand on expose que les employeurs aux USA payent moins de cotisations sociales, on oublie de dire que ces mêmes employeurs cotisent auprès de fonds de pension capitalisés privés et à des assurances santé privées ;
- La prétendue année blanche durant laquelle nous serions exemptés d'impôts (2018) est un demi-mensonge : il faudra remplir une déclaration de revenus et si des revenus exceptionnels (vente immobilière, rachat d'assurance-vie, etc.), le fisc pourra sévir ;
- Un des projets rendus possibles par ce prélèvement à la source pourrait être de fusionner la CSG avec l'IRPP. Cela aurait pour effet de rendre progressif cet impôt proportionnel, donc de l'éviter aux bas revenus en le transférant, par le jeu du système progressif, sur les classes moyenne et supérieure ;
- Le but du quotient familial est de ne pas décourager les gens d'avoir des enfants.