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——————————— Monday 24, June 2019 ———————————

Soudan, l’Occident s’est tu…

À la fin, ces printemps arabes nous fatiguent. Le dernier de la liste a fleuri le 11 avril, au Soudan, lorsque la rue a chassé le dictateur islamo-militariste Omar El Béchir (trente ans de règne), après des mois de manifestations. Jusque-là, tout allait bien. L’opinion internationale s’est souvenue que Béchir avait mené trois guerres. La première, contre les chrétiens du Sud (1983-2005 — 2 millions de morts). La deuxième, contre diverses ethnies du Darfour, dans l’Ouest, a débuté en 2003 et a causé plus de 300 000 morts, selon l’ONU. La troisième, en cours elle aussi, a éclaté en 2011 dans les régions méridionales du Kordofan et du Nil bleu, pour le contrôle des ressources pétrolières. Elle a fait des milliers de victimes et de déplacés.

L’éviction du sanguinaire Béchir, longtemps sous la coupe des intégristes musulmans, protecteurs de Ben Laden, était plutôt réjouissante. Les manifestants réclamaient la démocratie et avaient fait d’une femme le symbole de leur soulèvement. Mais, depuis, le conflit dure et l’attention faiblit.

Début juin, les troupes paramilitaires du général Hemetti (tristement célèbre au Darfour) ont commencé à nettoyer les rues. Ses Janjawids ont torturé et liquidé les opposants dans des centres de détention secrets, jeté les cadavres dans le Nil (120 morts « officiels » à ce jour) et arboré, raconte « Le Monde » (7/6), les culottes des femmes violées. En Occident, les cris de protestation n’ont pas été perçants. Lassitude, donc, et gêne aussi : les Européens se sont souvenus qu’ils avaient conclu avec le Soudan un accord pour limiter l’immigration (« L’Humanité », 7/6). Et qui dirigeait les milices chargées de surveiller les frontières ? Hemetti.

Autre rappel : les « protecteurs » du conseil militaire de transition de Khartoum sont des partenaires de l’Europe, notamment de la France. Pas des amis, non, ni des démocrates ! Mais de bons clients pour nos industries d’armement : Egypte, Emrats arabes unis, Arabie saoudite.

Alors les regards se détournent, et on attend le clap de fin. Il faut savoir terminer une révolution. Pas trop salement, SVP.

Dans le Canard enchaîné du 12 juin 2019.

Démarches à la con

Un résumé partiel (il manque la future loi sur la prétendue haine en ligne, par exemple) des tensions actuelles autour de la liberté d'expression (dont la liberté de la presse est seulement l'une des composantes).

Ce n’est pas parce que Franck Riester ressemble à un Monty Python, qu’il faut conclure qu’il a transformé le ministère de la culture en celui des « démarches à la con ». Même si, après l’audiovisuel public, voilà qu’il s’attaque à la distribution de la presse pour l’ouvrir à la concurrence. La CGT est vent debout. Ce qui explique le retard du Rani chez les marchands de journaux. Et qu’avec cette « reforme de la loi Bichet », notre titre pourrait carrément disparaître des kiosques.

Autre dossier sur lequel l’ancien concessionnaire automobile voudrait aller vite : la création d’un « conseil de presse », un organe de médiation chargé à l’heure de la défiance, d’arrondir les angles entre les médias et leurs publics. Un outil de dialogue où même les « sans grade » pourraient peut-être avoir voix au chapitre. A l’heure où nos collègues du média d’investigation Disclose se « voient convoqués pour la publication d’une note classée « confidentiel dèfense », pas facile d’y croire avec un gouvernement qui a consacré dans la loi le « secret des affaires »

Police partout

Si la macronie se méfie des médias, que dire de la galaxie frontiste ? La défiance est telle qu’elle a ses propres organes. Et, à l’instar de certains casques, c’est pointu. Comme « Défense Police Magazine », émanation d’une association marseillaise dont le nom résume la ligne et le dernier numéro, consacré au « malaise policier », fait la part belle à la question médiatique.

L’édito — intitulé « implication des médias » — fait état des démarches de l’association pour alerter les autorités sur la dangerosité de la presse pour les forces de l’ordre, les reportages étant devenus « une source de renseignements wire une véritable aubaine pour les mafiats de tout poil, du petit délinquant au terroriste ».

Et de plaider pour une réécriture de la « loi fondamentale » avec, à l’article 1 : « Tout citoyen est tenu à un respect scrupuleux des policiers, des gendarmes, des pompiers »… En cas d’insultes, d’outrages ou pire ? « Cour de justice spéciale » et « prison ferme ». Et pour les médias « Tous les journalistes qui répandent la haine anti—flic seront poursuivis pour « incitation à la haine sécuritaire » et « attentat a la dignité et a l’honneur des défenseurs de l’ordre républicain »… » Du délire ? Peut-être.

En attendant, tandis que Gaspard Gianz, le fondateur de Taramis News, vient d’être arrêté et interdit de manif des gilets jaunes, Olivier Cyran, un ancien de Charlie et CQFD, lui, est convoqué pour un tweet où il évoquait, pour de rire, une « formation » au « savoir-brûler Pôle Emploi » ! Et un instit' d'être poursuivi par un syndicat policier pour avoir appris à ses élèves une chanson d’Aldebert où les mômes envisagent, « pour louper l’école », — de faire « pipi sur un policier ».

Pas de doute, les démarches à la con méritent bien un ministère !

Dans le numéro de mai du Ravi, journal satirique en PACA.

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