Entrevue avec deux exégètes amateurs. Les questions sont de plus en plus mal formulées et mal enchaînées par Thinkerview, mais les pistes de réflexion apportées par Benjamin Bayart et Alexis Fitzjean O Cobhthaigh sont très très intéressantes. J'en recommande vivement le visionnage. Ci-dessus, je tente de résumer les pistes de réflexion que j'estime être pertinentes.
Droit à une expression politique et à une contestation politique en cours d'érosion ?
On utilise l'état d'urgence pour emmerder les écolos pendant la COP21. En revanche, quand ils viennent jouer à la ba-balle, pendant la coupe d'Europe je crois, là, non, autorisation de manifester, de se rassembler, de faire la fête au stade, etc. Donc, en fait, pour la contestation politique, on utilise l'état d'urgence et l'antiterrorisme, et pour les rassemblements sportifs, ça c'est plus important donc on l'autorise pendant l'état d'urgence. C'est important. Ça dit des choses sur l'état de la société. C'est-à-dire que le droit à une expression politique et à la contestation politique n'est plus reconnu. […] Quand tu supprimes cette chaîne de contestation politique, quand il n'y a plus de négociation possible, c'est-à-dire qu'on peut manifester, ça ne change rien, les manifestations peuvent être pacifiques ou violentes, ça ne change rien, ça veut dire que la décision du pouvoir politique n'est plus négociable, donc qu'il n'y a plus de politique.
Rétention des données de connexion.
C’est aussi le cas avec l’arrêt, plus récent, Tele2 Sverige du 21 décembre 2016[33] qui a précisé, dans un sens restrictif, la jurisprudence résultant de l’arrêt Digital Rights Ireland de 2014 invalidant la directive de 2006 sur la conservation des données au motif que la possibilité donnée aux États membres d’imposer aux opérateurs de communications de conserver l’ensemble des données de connexion des utilisateurs pour une durée maximale comprise entre six mois et deux ans méconnaissait le droit au respect de la vie privée des personnes et le droit à la protection des données personnelles[34]. Cette décision pouvait faire l’objet de deux interprétations : une interprétation souple selon laquelle la collecte et la conservation indifférenciées de données sont possibles à condition d’être justifiées par des objectifs sérieux et d’être assorties de garanties suffisantes ; une interprétation stricte conduisant à écarter toute forme de collecte et de conservation indifférenciée des données, y compris pour des motifs d’intérêt général. Dans son étude annuelle 2014[35], puis en formation juridictionnelle[36], le Conseil d’État avait pris position en faveur de la première interprétation. Par son arrêt Tele2 Sverige,la Cour de justice n’a pas retenu cette analyse et elle a considérablement réduit la marge d’appréciation des États en ce qui concerne la possibilité d’ordonner la conservation des données de connexion, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée.
Fonctionnement de nos institutions.
Privacy Shield et positionnement de la France.
Neutralité du net.
Facebook / Cambridge Analytica.
Comment savoir si un service te trahira un jour ?
Esprit critique et manipulations.
Depuis son entrée en vigueur provisoire en septembre 2017, la capitulation de la France (oui, je sais, Paris bricole un "veto climatique" qui n'est pas prévu dans le texte, donc dont l'application dépendra de la volonté des acteurs en présence d'où je nomme ça « capitulation ») et la saisie de la CJUE par la Belgique au sujet des tribunaux arbitraux, je me demandais où en est le CETA, cet accord de libre échange entre l'UE et le Canada.
Jean-Claude Mailly, qui avait annoncé son retrait de la vie syndicale dès qu’il aurait abandonné son fauteuil de secrétaire général de FO, ne tiendra pas longtemps parole. Car il vient de s’autodésigner représentant de Force ouvrière au Comité économique et social européen (Cese), à Bruxelles.
Même la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui s'est engagée à le coacher dans sa nouvelle carrière, a été estomaquée par la rapidité de la manœuvre. Mailly, qui cédera sa place lors du congrès de FO, du 23 au 27 avril, aurait en effet dû attendre que le poste se libère, au début de l’été. Puis que son successeur, Pascal Pavageau, le nomme.
La prochaine étape devrait être sa candidature au perchoir du Cese, qui réunit des représentants des syndicats et des patrons de l’ensemble de l’Union européenne. Pour y parvenir, il pourra compter sur le soutien de Macron et de sa ministre du Travail.
Le syndicalisme indépendant mène à tout.
Dans le Canard enchaîné du 4 avril 2018.
C'est vrai que les grands esprits se rencontrent. Le 26 mars, Vincent Bolloré traînait France 2 devant le tribunal de commerce de Paris, pour un reportage trop regardant sur son commerce africain. Deux jours plus tard, Macron faisait porter par une escouade de députés LRM sa belle proposition de loi sur le secret des affaires à l’Assemblée, adoptée en procédure accélérée par 46 voix contre 20.
Le lien entre les deux ? Le même fond de sauce : le business est une chose trop précieuse pour que quiconque de l’extérieur vienne y fourrer son nez. Et la même logique : les journalistes, ce sont comme des concurrents. Il convient donc de ne plus se contenter de poursuivre ces curieux devant le juge pénal (ou civil) de la diffamation, mais de les amener petit à petit à se soumettre à la seule justice qui vaille, la justice commerciale ! A l’heure de l’entrepreneuriat triomphant, la question n’est plus de savoir si ce que ces scribouillards écrivent est exact, mais si leur prose porte atteinte aux affaires et à leur confidentialité !
Lorsque Bolloré réclame, sans rire, 50 millions d’euros à France 2 devant le tribunal de commerce, ce grand libéral se dit que ces juges non professionnels, et plus sensibles au business, vont mieux prendre la mesure de son préjudice. L’enquête de la Deux relève de la loi sur la presse de 1881, mais le milliardaire la contourne et vient pleurnicher, pour « dénigrement » de son boulot d’entrepreneur, le Code de commerce à la main. Grâce à une manoeuvre similaire, Conforama a obtenu, il y a deux mois, la condamnation de « Challenges », coupable d’avoir osé dévoiler ses déboires financiers. Et la proposition de loi Secret des affaires vient tout simplement finir le travail.
Tribunal d’un commerce agréable
Ce texte réjouissant est en route pour le Sénat. Très faux derche, il ouvre la porte à toutes les fenêtres. Il dit à la fois que « l’obtention du secret des affaires est illicite lorsqu’elle intervient sans le consentement de son détenteur légitime » (la bonne blague) et s’il viole les mesures prises pour « en conserver le caractère secret », mais aussi que cette protection tombe s’il s’agit « d’exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse ». Bon courage aux magistrats pour trancher ce cruel dilemme. Faites vos jeux, la course à la jurisprudence est déjà ouverte !
A l’audience Bolloré contre France 2, il y a dix jours, le débat a précisément porté sur la compétence des Codes et des tribunaux. Les avocats de la chaîne publique ont exigé que le tribunal de commerce soit dessaisi au profit du tribunal de grande instance, tandis que ceux de Bolloré réclamaient de régler son compte à France 2, là, sur-le-champ.
Ironie de l’histoire, comme l’a révélé « Télérama » (28/3) : en 2014, la société de production Upside, une filiale d’Havas, du groupe Bolloré, avait été attaquée par une boîte d’e-commerce, Groupon, pour un reportage diffusé sur… France 2. Où ? Devant le tribunal de commerce. Et qu’avaient fait les avocats d’Havas ? Ils avaient plaidé l’incompétence de ce tribunal, répété que l’affaire relevait du droit de la presse…, et ils avaient gagné !
Dire que Bolloré avait bien gardé ce secret.
Dans le Canard enchaîné du 4 avril 2018.
Le 3 avril, à l’heure où bouclait « Le Canard », les négociations sur la réforme constitutionnelle et institutionnelle se poursuivaient encore entre l’Elysée et le président du Sénat, Gérard Larcher. Malgré la persistance de points de friction. un accord semblait probable. Au moins sous la forme d’ une cote mal taillée qu‘il sera toujours temps d’ajuster entre l’annonce des projets gouvernementaux — prévue ce mercredi — et le débat parlementaire du mois de juin.
La majorité sénatoriale envisageait une concession de taille sur l’instauration de la proportionnelle à l’Assemblée. Opposée d’abord à tout dépassement du seuil de 10 %, elle paraissait prête à accepter la barre de 20 % voulue désormais par Macron — au lieu des 25 % exigés au départ par François Bayrou. Environ 80 députés seraient élus de cette manière, le Château étant d’accord pour ne réduire que d‘un quart le nombre de parlementaires, au lieu du tiers prévu.
Autre sac de lest lâché par l’Elysée : les maires des communes de moins de 5 000 habitants échapperaient à la limitation du cumul des mandats dans le temps (pas plus de trois). De plus, les compteurs seraient remis à zéro après les prochaines élections. En clair : même élu depuis plus de vingt ans, un maire, un député ou un sénateur pourrait encore se représenter trois fois…
Conclusion provisoire : la perspective d’un référendum constitutionnel. à l’issue toujours incertaine, s’éloigne. Au grand soulagement du Château…
Que c'est beau, l'intérêt du peuple défendu par de braves chevaliers… :( Concours de taille de zboub entre politiciens, ouais… :( Le débat démocratique se résume à du racket "je suis Larcher, je peux te nuire, donc négocions". Lamentable… Qu'est-ce que tu veux faire avec ça… … …
Dans le Canard enchaîné du 4 avril 2018.