Face à Pharaon, Jupiter a parlé : « Le président Sissi a un défi, la stabilité de son pays, la lutte contre les mouvements terroristes, contre un fondamentalisme religieux violent. C’est le contexte dans lequel il doit gouverner, nous ne pouvons en faire abstraction. »
Recevant, la semaine dernière, le général-président égyptien Abdel Fattah al-Sissi en visite officielle, Emmanuel Macron a balayé d’une phrase les accusations des ONG evoquant la « pire crise des droits humains en Egypte depuis des décennies ».
Au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, Paris a ainsi décidé de fermer pudiquement les yeux sur 60 000 prisonniers politiques et la répression qui vise la gauche égyptienne, les libéraux et les gays, condamnés à la prison pour « déviance sexuelle ». Et de détourner aussi pudiquement le regard des disparitions d’opposants, des mauvais traitements infligés dans les commissariats et de la torture érigée en coutume lors des interrogatoires.
A la veille de la visite du général Sissi, à qui le président Macron a refusé de « donner des leçons » en matière de droits de l’homme, les spécialistes de la filière militaro-industrielle s’interrogeaient sur le poids économique d’un tel événement. Et, notamment, sur le nombre d’avions de combat qui pourraient être vendus à ce « partenaire stratégique »…
Ils n’auraient pas confondu Rafale et Mirage ?
Dans le Canard enchaîné du 1er novembre 2017.
Le 17 octobre, un salarié du siège de la CGT, à Montreuil, traînait son employeur devant les prud’hommes de Bobigny. Tel un vulgaire patron voyou, le syndicat a fait valoir qu’il n’avait pas eu le temps de préparer son dossier et a obtenu un renvoi de l’audience et voilà sept mois de gagnés ! Le salarié querelleur n’est autre que le chef du service de sécurité de cet imposant bâtiment qui se dresse au bord du périphérique (5 hectares de planchers et 800 salariés).
L’homme réclame le paiement de ses heures sup et celui des astreintes quotidiennes qui, depuis son embauche, il y a dix ans, anéantissent sa vie privée. Total : plus de 57 000 euros. Accessoirement, il attend toujours le statut de cadre qui lui a été promis. Mais son employeur fait le mort…
Syndicat pirate
Philippe Martinez, le patron de la CGT, prétend que la gestion des locaux est du ressort d’une association de droit privé, l’Aful-CGT. Rien à voir avec la CGT, bien sûr ! « On nous répète que la Confédéra- tion ne peut s’ingérer dans le fonctionnement d’une entreprise indépendante », peste un membre du syndicat CGT de l’entreprise… CGT. Le président de l’Aful-CGT n’est autre que le bras droit de Martinez au bureau confédéral. Et son directeur est un habitué des prud’hommes. Téméraire, il menaçait, il y a deux ans, de traîner la CGT en justice pour invalider la désignation d’un délégué. Il a ensuite organisé la création d’un syndicat CGT pirate contre la section en place — syndicat que les salariés ont battu aux élections. Puis il a cherché à faire annuler — jusqu’en cassation — un précédent jugement des prud’hommes qui obligeait la CGT a payer les astreintes gratuites imposées à de nombreux salariés du siège. « On a fait une collecte auprès du personnel pour payer les frais d’avocat », raconte un syndiqué.
Soucieux de ne pas sombrer dans le ridicule, Martinez a fait reculer la tête brûlée. CGT contre CGT, la centrale de Montreuil nage en pleine schizophrénie. Et ce n’est qu’un début.
Le combat continue !
Dans le Canard enchaîné du 1er novembre 2017.
Elle commence mal, la COP23, qui se tient cette semaine à Bonn. En juin, Trump a annoncé qu’il se retirait de l’accord de Paris, qui prévoit de tout faire pour limiter à 2 °C le réchauffement climatique : les 195 pays signataires continuent de négocier, de discuter, de s’organiser, mais comment se lancer dans une action collective sérieuse en l’absence du deuxième plus gros pays émetteur de C02 (après la Chine) ?
Autre tuile : la parution, la semaine dernière, d’un rapport du PNUE (l’ONU « environnement ») affreusement désespérant.
On le sait, lors de la COP21, les Etats se sont engagés sur des objectifs de réduction de leurs émissions. Or, a calculé l’organisme onusien, même s’ils respectaient ces engagements (lesquels sont volontaires et non contraignants…), cela ne couvrirait qu’un tiers des réductions indispensables pour ne pas dépasser les 2 °C !
Un tel écart est « catastrophique », dit le rapporteur en chef. Si les pays ne décident pas d’en faire plus, beaucoup plus, alors c’est cuit : le thermomètre grimpera de 3 à 3,2 °C d’ici à la fin du siècle. Et, là, ça cognera dur : rien que pour la France, des pics de chaleur de 50 °C.
Alors, adieu les 2 °C ? Non, mais il faudrait mettre le paquet. Sortir du charbon — en fermant, par exemple, les 6 683 centrales à charbon existantes — ; laisser sous terre la moitié du gaz et le tiers du pétrole qui s’y trouve ; rénover les bâtiments ; développer les énergies solaire et éolienne ; arrêter de déforester… Bref, y a qu’à.
Ah, une bonne nouvelle, quand même : 13 agences fédérales américaines, dont la Nasa, viennent de publier, au grand dam des climatosceptiques, un rapport établissant sans ambiguïté que c’est bien l’homme qui est responsable du réchauffement climatique. Et Donald Trump, qui aurait pu le bloquer, l’a bien laissé passer.
Il a dû prendre ça pour une « fake news »…
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
En pleine affaire des « Paradise Papers ». Pascal Saint-Amans, le directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, stigmatisait depuis une bonne demi-heure, le 6 novembre sur France inter, les combines légales des riches et des grands groupes pour échapper à l’impôt… quand un auditeur l’a traité de « spécialiste de l’optimisation fiscale » à titre personnel !
Car, comme fonctionnaire international, Saint-Amans est totalement exonéré d’impôts… Rire gêné, et l’intéressé de reconnaître aussitôt, navré : « Oui, hélas, ça ne me facilite pas la vie (...), c’est
absolument anormal (...), je suis le premier à militer pour [payer des impôts], mais les Etats ne sont pas encore d’accord. »Le pauvre homme ! Une contribution volontaire au budget de la France, peut- être ?”
Le⋅a fonctionnaire international⋅e travaille au nom de tous les États membres d'une organisation internationale, mais il réside sur un territoire donc boooon… Mais c'est vrai que c'est ballot qu'un seul État empoche une portion d'un salaire payé in fine par plusieurs États. :D
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Dernier épisode en date de la construction de l’Etat-Bercy voulu par Emmanuel Macron (« Le Canard », 1/11) : la nomination d’une nouvelle titulaire à un poste stratégique, le secrétariat général aux Affaires européennes.
L'actuel occupant, Philippe Léglise-Costa, attendait depuis des mois de pouvoir succéder à l’ambassadeur Pierre Sellal comme représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles. C’est fait aujourd’hui. Et qui Macron a-t-il choisi pour le remplacer ? Non pas un diplomate spécialiste des questions européennes, comme le veut l’usage, mais Sandrine Gaudin, ancienne des services économiques de l’ambassade de France à Londres et ex-chef du service des affaires bilatérales et du développement des entreprises à la Direction du Trésor. Elle travaillera avec Clément Beaune, qui, à l’Élysée, est chargé des dossiers européens. Un Clément Beaune qui était déjà conseiller de Macron à l’époque où, sous Hollande, il officieit à Bercy. Mais on s’en doutait.
Cette infiltration de l’appareil d’Etat par les inspecteurs des finances et autres énerques de Bercy atteint les postes les plus inattendus. Parti s’enrichir, l’été dernier, chez Carrefour, le secrétaire général du Conseil constitutionnel, Laurent Vallée, a été remplacé par un autre énerque conseiller d’Etat, Jean Meïa, qui, après un passage par le cabinet de Pierre Moscovici au ministère de l’Economie, occupait les fonctions de directeur des affaires juridiques de Bercy.
Le monde de l’énarchie est minuscule…
Les mêmes énarques et inspecteur⋅rice⋅s des finances qui ont arbitré le budget 2018 en tout petit comité, en court-circuitant la très grande majoité des ministères, y compris le Premier ministre… D'ailleurs, presqu'aucun cabinet ministériel ne dispose d'un conseiller budgétaire… Joie… Une minorité qui décide en secret pour le plus grand nombre, ça s'est toujours nommé une aristocratie. Quand le critère pour être "in" ou "out", est d'être énarque + inspecteur⋅rice des finances, ça se nomme une technocratie.
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Un puissant vent d’éthique souffle sur les laboratoires pharmaceutiques. L’idée a germé au sein de MedTech, une organisation européenne rassemblant des fabricants de matériels médicaux : dans un « code de bonne conduite », ces industriels ont entrepris de moraliser les conférences au soleil… Et ça décoiffe. A partir du 1er janvier, ils n’inviteront plus aucun toubib à des congrès. Du moins, pas directement ! Car — c’est l’astuce — les labos rémunéreront des organismes « tiers », lesquels inviteront les médecins à leur place. Beaucoup plus malin, quand il s’agira de contourner d’assommantes obligations de transparence…
Pour son prochain congrès, prévu en mars, la Société francophone du diabète (SFD) — une société savante rassemblant des pontes de la discipline - jouera ainsi les gentils intermédiaires. Les laboratoires Roche et Abbott, qui fabriquent, entre autres, des lecteurs de glycémie, n’inviteront plus directement les médecins. Signataires du fameux code de bonne conduite, ces deux labos paieront la SFD, qui, en retour, invitera les toubibs. « Le but est qu’il n’y ait plus de contact direct entre le laboratoire et le médecin invité, explique benoîtement au “Canard” le Pr Pierre Fontaine, chef de service au CHRU de Lille et président de la SFD. Cela crée une plus grande distance. » Et une plus grande opacité…
En France, le montant des cadeaux aux toubibs, tels que les invitations aux congrès, est rendu public sur une base de données en ligne. Indispensable pour pister les conflits d’intérêts. Avec un financement indirect, le nom du labo bienfaiteur disparaîtra comme par enchantement. « Si quelqu’un a la curiosité de faire la recherche par médecins, à terme, c’est effectivement le nom de la société savante qui apparaîtra », reconnaît le Pr Fontaine, qui pronostique la « généralisation de ce mode de financement ».
Un « code d’éthique » qui brouille la transparence ? La pilule va être un peu dure à avaler…
La loi de transparence qui crée la fameuse base de données (transparence.sante.gouv.fr) et oblige la publication des contrats entre medecins et labos n'est jamais vraiment entrée en application faute de décret (voir : http://shaarli.guiguishow.info/?wsOkDQ , http://shaarli.guiguishow.info/?3PkwNA et http://shaarli.guiguishow.info/?W3xolQ ) qu'elle est déjà contournée… Manifique…
Dans le Canard enchainé du 8 novembre 2017.
Vu d’un comptoir de bistro, le démantèlement d’une centrale nucléaire, c’est tout ce qu’il y a de plus simple. On démolit, on nettoie, on sème du gazon, et basta. Mais, concrètement, c’est autre chose. C’est un invraisemblable foutoir. Il faut d’abord mettre le réacteur à l’arrêt définitif. Ça ne se fait pas comme on arrête une automobile. Les barres d’uranium (le combustible) continuent de cracher furieusement leur radioactivité. Pendant cent mille ans, et plus.
Faut commencer par les laisser refroidir deux ans dans une piscine juste à côté du réacteur. Vidanger tous les circuits (pleins d’eau radioactive). Décontaminer tous les autres bâtiments. Les détruire. Puis s’attaquer au bâtiment réacteur, celui qui contient les cuves, une fois qu’il a perdu un peu de sa radioactivité. Le casser… Expédier les déchets dans différents centres de stockage. Tout cela avec des risques d’accidents du travail très élevés : il faut découper, démonter, transporter des milliers de tonnes de métaux et de béton un peu, beaucoup, beaucoup trop radioactifs. Tout cela nécessitant des équipes très spécialisées. Tout cela pouvant prendre jusqu’à trente ans…
Les deux tiers des 58 réacteurs français arrivent aujourd’hui en fin de vie. Autant d’énormes chantiers qui devraient bientôt démarrer. Financièrement, un vrai gouffre. EDF prétend avoir provisionné des fonds suffisants (il faudra, d’après ses calculs, 75 milliards), mais on sait que sous-évaluer les coûts est une tradition sacrée, chez l’électricien, actuellement endetté jusqu’au cou…
Comment sortir de ce guêpier ? Des dizaines de physiciens, militants, experts ont débattu de ce sujet (et de bien d’autres) lors du 3e Forum social mondial antinucléaire, qui s’est tenu la semaine dernière à Paris. « Pourquoi ne pas renoncer au démantèlement ? » s’est demandé Dominique Malvaud, de Stop nucléaire Drôme-Ardèche. Non seulement lancer sur les routes françaises de nombreux convois débordant de déchets radioactifs ne lui paraît pas ce qu’il y a de plus rassurant, mais « tous ces chantiers vont offrir à des multinationales comme Bouygues ou Vinci un très juteux marché. Pendant un siècle, elles vont se payer sur nous ! ».
Et de proposer de sanctuariser les centrales : on ôte les combustibles, qu’on envoie à la Hague (comme cela se fait aujourd’hui), on surveille et on entretient le reste. « Oui, mais de nombreux réacteurs sont dans des zones inondables, rétorque le physicien nucléaire Bernard Laponche. Compliqué de les y laisser en l’état. » Alors, mettre certains bâtiments sous sarcophage ? « Eux aussi seront fabriqués par Bouygues ! » Et ils finiront par s’effriter, fuir, s’écrouler — aucun béton n’est éternel…
Démanteler ou sanctuariser ? Faire des centrales nucléaires d’immenses poubelles définitives ou les raser pour en éparpiller partout les déchets ? Voilà un nouveau casse-tête, un de plus, que nous offre l’industrie nucléaire, et qui risque de nous occuper jusqu’à la fin du siècle. Et dire qu’EDF rêve de prolonger ce petit jeu en construisant 40 nouveaux EPR !
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Ya plus de respect ! Dans la soirée du 24 octobre, à la veille d’un vote (finalement reporté) sur le glyphosate, de dangereux activistes se sont attaqués à la façade du Parlement européen et de la Commission de Bruxelles. Des écolos désespérés ? Pas vraiment. Armés d’un puissant matériel vidéo, des lobbyistes y ont projeté des images géantes en faveur du pesticide : « Glyphosate is safe » (« sans danger »), clamait l’une. Une autre affichait des chiffres impressionnants : « 3 300 études » parleraient en faveur du glyphosate, « une seule » serait contre ! Une énorme intox : des centaines d’études mettent en évidence la dangerosité de l’herbicide…
L’action était menée par le plus gros lobby européen des pesticides, l’European Crop Protection Association (ECPA), qui a filmé son œuvre et balancé la vidéo sur YouTube et Twitter. Le genre d’opération commando qui aurait valu à Greenpeace un débarquement policier immédiat. Mais nos lobbyistes n’ont pas été inquiétés. Après le Parlement et la Commission, ce soir-là, ils ont projeté la même propagande sur la façade du Conseil de l’Union européenne. Une virée en toute impunité.
Deux eurodéputés, le Français Eric Andrieu (PS) et le Belge Marc Tarabella (socialiste), s’en sont émus dans un courrier adressé, le 6 novembre, au président du Parlement, Antonio Tajani : « La façade du Parlement n’est pas un paillasson ! (...) Quelles sont les sanctions que prévoit le Parlement européen vis-à-vis de cette organisation ? »
Vandales peinards
Deux jours plus tard, en conférence des présidents, la réunion des chefs de groupes politiques, le président Tajani a promis « une réaction appropriée »… dès que les services du Parlement auront identifié l'« auteur de cette action ». Défense de rire ! L’« auteur », en effet, est très difficile à trouver : l’ECPA a pris soin de signer sa vidéo, avant de la poster sur son compte Twitter ! Michal Kicinski, l’un des lobbyistes en chef de l’ECPA, s’y met d’ailleurs tranquillement en scène.
Trois semaines après ce squat mural, la Commission européenne, elle, n’a toujours pas porté plainte. « Nous étudions toutes les options », explique-t-elle, sibylline, au « Canard ». Les lobbyistes doivent claquer des dents…
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
Gérald Darmanin vient de donner le top départ : le prélèvement à la source entrera en vigueur le ler janvier 2019. Moderne, rapide, indolore… c’est ainsi que le gouvernement de François Hollande avait vendu la réforme consistant à imposer les contribuables sur leurs revenus en cours, et non sur ceux de l’année précédente. Un progrès pour les chômeurs et les retraités, sans doute. En revanche, bonjour la corvée pour les entreprises, censées collecter l’impôt à la place du fisc !
Avant d’inscrire cette réforme dans le projet de loi de finances rectificatif, présenté au Conseil des ministres du 15 novembre, Gérald Darmanin a tenu à rassurer les entreprises qui devront s’équiper et se former au maniement de nouveaux logiciels de paie. Dans un rapport rendu le 10 octobre, l’Inspection générale des finances estimait le coût de l’opération entre 310 et 420 millions d’euros au démarrage, puis entre 60 et 70 millions d’euros annuels (formation, maintenance) en période de croisière. Sur la base d’autres études, la sénatrice LR Elisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises du Sénat, juge ces hypothèses « extrêmement optimistes » (« Les Echos », 30/10) et évoque, pour sa part, le chiffre de 1,2 milliard d’euros. A quelle source se fier ?
Autre sujet d’inquiétude pour les boîtes : les erreurs ! En cas de mauvaises déclarations, les employeurs, pris entre le marteau fisc et l’enclume salariés, risquent de lourdes amendes. Magnanime, Gérald Darmanin a annoncé une réduction des sanctions de moitié : 250 euros la « défaillance déclarative ». C’est quasiment soldé !
Taxe à la carte
Enfin, l’administration fiscale prendra à sa charge les coûts d’information des contribuables. Bel effort. Mais cela ne rendra pas le choix du taux d’imposition moins complexe. Après examen de la déclaration d’impôt, au printemps 2018, le fisc déterminera le taux d’imposition de chaque assujetti et l’adressera à son employeur. Le salarié soucieux de préserver sa vie privée pourra exiger l’application d’un taux « personnalisé », empêchant la direction de son entreprise de connaître la rémunération de son conjoint. Des fois que cela dissuade son patron de l’augmenter…
En ce qui concerne les revenus exceptionnels (patrimoine, héritage, droits d’auteur, etc.), le fisc puisera lui-même l’impôt correspondant. Deux collecteurs au lieu d’un seul : quelle simplification !
Bercy avait pourtant une solution beaucoup plus simpie dans ses tiroirs : taxer directement les contribuables par prélèvement mensuel. Mais, ainsi que l’inspection l’admet dans son rapport, l’administration fiscale n’a pas les capacités techniques de collecter ces sommes en moins de deux ou trois mois ! Or Bercy souhaite, grâce à cette révision, remplir ses caisses fissa. C’est même une idée fisc !
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
« Nous sommes en marche, et en marche accélérée. Il faut mettre en œuvre la politique voulue parle président de la République ! » s’est exclamé — avec une docilité forçant le respect — Jean Bassères, le patron de Pôle emploi, lors du comité d’entreprise qui a suivi l’élection présidentielle. Cela commencera parla mise en application des vœux du Président sur la surveillance des chômeurs.
Ex-membre de la garde rapprochée du candidat Macron, Bassères vient d’annoncer, pour 2018, le passage de l’effectif des contrôleurs des demandeurs d’emploi à 2 000, contre 200 actuellement. Bassères vient aussi de nommer un directeur général adjoint discrètement militant : Paul Bazin de Jessey, ancien de la Manif pour tous et toujours militant de Sens commun, époux — par ailleurs — de la directrice adjointe du cabinet de Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics. L’argent ne devrait pas manquer pour contrôler les sans-emploi.
Dans le Canard enchaîné du 22 novembre 2017.
Selon le Canard enchaîné du 22 novembre 2017, le gouvernement veut se débarrasser, sur 4 ans, de 120 000 emplois publics (50 000 employé⋅e⋅s de l'État, 70 000 employé⋅e⋅s des collectivités territoriales). Il faudra également économiser 26 milliards d'euros (10 milliards pour l'État, 16 milliards pour les collectivités)…
De même, la Sécurité sociale devra économiser jusqu'à 10 milliards d'euros.
C'est trop génial, non ? Des services publics toujours plus rentables et toujours moins utiles socialement… Toujours moins de fonctionnaires, toujours plus de privé… Toujours moins d'État providence, toujours plus chacun⋅e pour sa gueule. C'est tellement triste et navrant. :'(
Ça dégraisse sévère, à l’Assemblée nationale. De mémoire de haut fonctionnaire, « il n’y a jamais eu autant de départs de collaborateurs parlementaires. Beaucoup d’embauches de juin ne se sont pas pérennisées. C’est une hécatombe ». Si, officiellement, les services du Palais-Bourbon n’avancent pas le moindre chiffre, arguant que « les recrutements se poursuivent encore », la moitié au moins des nouveaux députés auraient discrètement changé tout ou partie de leur équipe de collaborateurs. Comment ? En ne renouvelant pas des contrats à durée déterminée Entre eux, les visés parlent d’une « opération chasse d’eau ». Charmant…
Laëtitia Romeiro Dias (LRM, Essonne) a viré ses trois collaborateurs. Sur cinq recrues, Florian Bachelier, le premier questeur (LRM, Finistère), en a déjà écarté deux. Bruno Fuchs (MoDem, Haut-Rhin) a pris le pli : trois contrats non renouvelés. « Il n’y a rien d’illégal, se défend un parlementaire licencieur. C’est souvent du quitte ou double. C’est l’avantage des CDD. »
Sitôt leur élection acquise, les néodéputés ont souvent procédé à un recrutement rapide. « On a embauché des gens avec qui nous avions mené campagne, témoigne un député Marcheur. Je voulais les remercier en les embauchant. J’ai fait une erreur : ce sont des militants de grande qualité, mais, collaborateur parlementaire, c’est autre chose » Résultat : deux départs sur trois ; le survivant est demeuré sur la circo.
Service compris
Plus prévoyants, certains nouveaux élus ont embauché des collaborateurs de députés sortants et/ou battus, dans l’espoir de bénéficier de leur savoir-faire. « J’ai travaillé durant le quinquennat précédent au groupe socialiste, témoigne une ex-petite main. J’ai fait une offre de services a un député En marche ! Je lui ai ouvert toutes les portes, je lui ai appris le fonctionnement et les codes de cette maison, et il me vire. J’ai l’impression qu’il me jalouse. Il m’a dit : “Je te vire parce que c’est moi le député ! ” » Un autre « ancien » raconte : « C’est moi qui ai pris la décision de partir. Il m’a pris pour son larbin : il fallait que j’appelle sa femme, que je m’occupe de son abonnement de téléphone, etc. Lui ne s’intéresse qu’aux dîners et aux Quatre-Colonnes. En fait, il voulait changer le monde, et il s’est retrouvé à se battre pour une virgule dans un texte de loi. »
Forcément, ça crispe.
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.
Y aurait-il anguille sous Roche, à l’Autorité de la concurrence, le gendarme chargé de lutter contre les pratiques déloyales des entreprises ?
Le 21 novembre, cette autorité administrative indépendante a lancé une vaste enquête sur le « fonctionnement de la concurrence dans le secteur du médicament et de la biologie médicale ». L’instruction, qui s’intéressera notamment « à la distribution des médicaments, au mécanisme de régulation de leurs prix, ainsi qu’aux opportunités de développement de l’activité des pharmaciens », devrait déboucher, d’ici un an, sur des recommandations aux pouvoirs publics « susceptibles de dynamiser la concurrence dans la distribution des médicaments et la façon dont leurs prix sont fixés ».
Or, et c’est là que la potion est amère, cette enquête hautement sensible sera menée par un service dont la cheffe, Sarah Subrémon — rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence —, est accessoirement la femme de Michael Lukasiewicz, directeur médical du laboratoire pharmaceutique Roche !
La principale intéressée ne comprend pourtant pas le soupçon de conflit d’intérêts : « La décision de me confier le dossier s’est faite en toute transparence et avec l’aval de la présidence de l’Autorité. » On respire. D’ailleurs, « à la différence d’une enquête contentieuse, qui peut aboutir à sanctionner des entreprises, une enquête sectorielle se veut extrêmement générale, ne débouche que sur un avis consultatif et ne cible aucun acteur particulier ». Les recommandations promettent d’être explosives !
Cordonnier mal chaussé
Quant aux laboratoires, ce ne sont « que des parties prenantes parmi d’autres du marché du médicament ». A se demander s’ils jouent même le moindre rôle.
N’empêche : le fait de confier à l’épouse d’un haut dirigeant de laboratoire pharmaceutique une enquête — même non punitive — sur le secteur de la santé est une pilule que certains cadres maison ont bien du mal à avaler. « L’Autorité de la concurrence ne se prive pas pour donner des leçons aux entreprises, c’est même son cœur de métier, confie l’un d’eux, très remonté. Et ses membres ne sont même pas capables de comprendre lorsqu’ils se retrouvent dans une situation flagrante de conflit d’intérêts ? C’est à désespérer. »
A l’Autorité, qui combat les ententes (entre sociétés), celle qui règne entre collègues n’est pas toujours des plus cordiales…
Faites ce que je dis, pas ce que je fais, xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxe démonstration ?
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre.
Anne Hidalgo a promis un Paris sans voitures à essence à l’horizon 2030. Sans évoquer le coût du tout-électrique…
Pour l’heure, 100 000 véhicules propres sont immatriculés en France, contre 31 millions de voitures à essence ou diesel. Que donnerait la conversion en voiture électrique ? Il faudrait recouvrir l’Hexagone de bornes de recharge. Cela suppose d’énormes investissements dans les réseaux électriques, en quantité mais aussi en modernisation. « Il faudra développer des système intelligents pour que les usagers ne chargent pas tous leurs voitures à 19 heures ou 20 heures, en rentrant du boulot », souligne un expert.
Et puis, même en admettant une diminution du nombre de voitures, grâce au développement de l’auto-partage et à l’amélioration des transports collectifs, les bestioles devront être alimentées. EDF a ainsi calculé que, pour faire rouler 2 millions de véhicules électriques, deux réacteurs seront nécessaires. Avec 20 millions de véhicules, un tiers du parc nucléaire français (58 réacteurs) serait réquisitionné ! Or Nicolas Hulot, lui, a promis la fermeture de 17 réacteurs d’ici à 2025…
Il ne reste plus qu’à éteindre la lumière ?
Dans le Canard enchaîné du 1er novembre 2017.
Les préfets — ces grands serviteurs de l’Etat réputés pour leur promptitude à ouvrir les parapluies — ont souvent la pétoche. Et la toute récente éviction d’Henri-Michel Comet, leur collègue de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a fait naître chez eux un authentique vent de panique.
En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, le ministre de l’Intérieur a flingué celui que ses collègues avaient surnommé, en référence à son dandysme, « le Brummel de la préfectorale ». Collomb s’est appuyé sur un rapport critique de l’Inspection générale de l’administration consacré aux conditions de la remise en liberté (à Lyon, la veille de son passage à l’acte) du tueur des deux étudiantes à Marseille, le 1er octobre.
Le document pointe des « dysfonctionnements » dans la gestion des reconduites aux frontières des immigrés en situation irrégulière, tout en reconnaissant que ce constat peut « s’appliquer (...) à d’autres préfectures ». D’où l’affolement général.
Lutte des places
Résultat : les grands commis de l’Etat ont soufflé dans les bronches des patrons de la police aux frontières, lesquels ont vertement secoué leurs troupes. Et, au cas où ça ne suffirait pas, certains préfets ont téléphoné directement aux poulets pour exiger que chaque migrant en situation irrégulière soit conduit dans un centre de rétention administrative (CRA). Les résultats n’ont pas tardé à se faire sentir : la machine s’est grippée. Atchoum !
Rien qu’en Rhône-Alpes, ce mois-ci, les poulets ont cueilli 38 000 personnes — contre 5 000 pour un mois dit « normal ». Mais où les caser ? Les CRA ne peuvent en accueillir que 1 775, outre-mer compris. Entre les préfets, une véritable « lutte des places » s’est donc engagée.
Le 22 octobre, un sans-papiers arrêté à Ajaccio a failli être expédié, en avion et sous escorte, dans le centre de Metz. Un autre a été conduit de Grenoble à Lille. La veille, un migrant interpellé à Briançon a été convoyé à Toulouse, en passant par Marseille puis par Montpellier.
Ce manège a un coût, inchiffrable pour le moment. « On fera les comptes en fin d’année », assure un ponte de l’Intérieur, en précisant que « l’Etat n’expulse que 10 % des personnes placées en CRA. D’un point de vue comptable, c’est un investissement en pure perte ».
Certes, mais, en matière de com’ pour les préfets, ça peut payer…
Mieux vaut sauver sa petite place au chaud que de faire le boulot correctement…
Dans le Canard enchaîné du 1er novembre 2017.
Bien loin de la cape plombée, de la matraque ou du bidule en bois de leurs ancêtres, la grenade à main de désencerclement est devenue le jouet favori des policiers depuis les manifestations contre la loi Travail.
A l’image de la grenade défensive Mk2, joliment baptisée « Ananas ». L’engin de maintien de l’ordre est composé de 18 plots en caoutchouc — et non en métal, comme sa copine américaine — de 10 grammes, qui sont projetés à près de 130 km/h sur un rayon de plu- sieurs dizaines de mètres autour du point d’impact. Lors de cette violente détonation (160 décibels), le bouchon allumeur et ses éléments métalliques sont également propulsés. « Cette grenade était jusque-là appréciée par la police pour sa bonne réputation : très dissuasive et générant un faible risque de blessure irréversible », comme le relève « Libération » (2/11). Mais des expertises balistiques et médicales effectuées dans le cadre de deux enquêtes judiciaires soulignent aujourd’hui sa dangerosité.
Le 26 mai 2016 à Paris, Romain Dussaux, 28 ans, est grièvement touché à la tête par l’un de ces engins. Enfoncement de la boîte crânienne, hémorragie méningée, deux semaines de coma. La grenade a pourtant été lancée au ras du sol, comme le préconise le manuel. Quatre mois plus tard, toujours à Paris, un manifestant syndicaliste, Laurent Theron, 46 ans, s’écroule à son tour, touché à l’œil : plusieurs fractures, perte de la vision. Cette fois, l’engin a été lancé « en cloche », contrairement aux instructions, par un jeune CRS qui n’avait reçu aucune formation au maintien de l’ordre.
En mai dernier, Amnesty International souhaitait l’interdiction de ces grenades, estimant que leur emploi comportait « un risque de blessure grave » car elles ne pouvaient « être tirées exclusivement sur des individus commettant des actes de violence, sans risque d’en blesser d’autres à proximité ».
Une grenade fait mal. C’est même à ça qu’on la reconnaît…
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Plus d’une cinquantaine de nouveaux députés ont déjà modifié leur déclaration d’intérêts et d’activités devant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Certains avaient totalement oublié qu’ils avaient un métier avant de devenir députés ! C’est le cas d’Isabelle Florennes (Hauts-de-Seine, MoDem). Elle a une excuse : elle travaillait comme assistante parlementaire de son père, le sénateur centriste Jean-Marie Vanierenberghe. Un vrai boulot qui lui a laissé un souvenir mémorable, apparemment…
C’est également le cas de l’avocat Mansour Kamardine (Mayotte, LR), du médecin Michel Lauzzana (Lot-et-Garonne, LRM), de l’infirmière Anne Blanc (Aveyron, LRM), du consultant Frédéric Descrozaille (Val-de-Marne, LRM), de l’éditeur — et prof — Sébastien Nadot (Haute-Garonne, LRM) et… de Boris Vallaud (Landes, Nouvelle Gauche). Lequel ne s’est pas rappelé, sur le moment, avoir exercé les fonctions de secrétaire général adjoint de l’Elysée. Le quinquennat de Hollande lui a laissé de bons souvenirs !
Plus grave, d’autres députés ont omis de déclarer leurs actifs dans des sociétés et ont craint d’être rattrapés par la patrouille. C’est le cas de Jean-Noël Barrot (Yvelines, MoDem), d’Eric Bothorel (Côtes-d’Armor, LRM), de Dominique Da Silva (Val-d’Oise, LEM) ou encore de Bruno Bonnell (Rhône, LRM). Le député est une sorte de champion : il préside 7 sociétés, participe à la direction de 13 entreprises et détient des participations financières directes dans 11 autres !
Alors, une participation de plus ou une de moins...
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
L’Elysée et ses superflics s’inquiètent du regain d’activisme de 2 000 radicaux et déclenchent la mobilisation générale.
L'ultragauche réalise une entrée fracassante au palais de l’Elysée. D’abord, comme « Le Canard » (1/11) l’a raconté, à la table du Conseil des ministres, où Gérard Collomb se dit désormais décidé à « surveiller de près » cette mouvance radicale. Depuis peu, elle est aussi l’invitée régulière des réunions hebdomadaires du Conseil national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme — la desormais fameuse « task force » présidentielle, chargée de faire travailler les services entre eux. « La menace est réelle, s’effraie l’un de ses membres. Nous pensons que ça peut très mal se terminer. » Rassurant…
Au ministère de l’Intérieur, on évalue à environ 2 000 le nombre de militants prêts à passer à l’action. « Jusqu’à la rentrée dernière, le propos était d’abord politique, et parfois violent. Les manifestations anti-loi Travail ont constitué un tournant. Les militants, de plus en plus jeunes, se sont radicalisés », analyse un gradé de la gendarmerie.
Cette mouvance est subdivisée, selon le jargon maison, en plusieurs factions : les « antifas » (pour antifascistes), les « propalos » (propalestiniens), les « Black Blocs » (en gros, les casseurs) ou encore les « anarchos-autonomes ». Et la nuance n’est guère de mise : « Leur fonctionnement ressemble à celui des terroristes de l’Etat islamique », analyse un poulet de l’antiterro.
Aussi bêtes que méchants ?
Ils ne sont tout de même pas adeptes des attentats aveugles et des décapitations… « Jusqu’à preuve du contraire, nous avons affaire à une bande d’écervelés, réplique un haut magistrat. Dangereux, certes, aussi bêtes que méchants, mais rien à voir avec Daech. Les services enquêteurs font monter la mayonnaise. »
Le parquet antiterroriste s’est pourtant récemment interrogé sur l’opportunité d’ouvrir une enquête nationale. L’incendie, le 21 septembre, du garage de la gendarmerie de Grenoble, puis, toujours en Isère, celui du 26 octobre, visant des voitures de pandores et leurs habitations, ont fait office de déclencheurs. « C’est un sabotage, estime Jean—Yves Coquillat, le procureur de la République de Grenoble. De tels actes peuvent s’apparenter à du terrorisme. »
Le « syndrome Tarnac » est pourtant dans tous les esprits. En particulier dans celui de François Molins, le procureur de la République de Paris. En 2008, un groupe anarchiste installé à Tarnac, en Corrèze, avait été soupçonné d’avoir saboté des caténaires d’une ligne de TGV. Une enquête pour terrorisme avait alors été ouverte, avant que la qualification soit définitivement écartée par la justice, en janvier 2017. Neuf ans plus tôt, le dircab d’Alliot-Marie, garde des Sceaux à l’origine de la procédure, se nommait… François Molins.
Ça refroidit.
Dans le Canard du 8 novembre 2017.
Dans le Canard du 1er novembre 2017 :
La crainte de l’ultragauche
« Surveiller de près l’ultragauche. » C’est désormais l’une des priorités de Gérard Collomb après les incidents qui ont émaillé les manifs contre les ordonnances. Et plus encore après cette « chasse aux DRH » à laquelle s’étaient livrés des excités gauchistes, le 12 octobre, en marge d’une réunion près du bois de Boulogne.
Collomb a informé solennellement Macron de ses inquiétudes quant à la violence prêchée par la gauche de la gauche. Et la tentative d’incendie, le 26 octobre, d’une gendarmerie à Meylan (Isère) a renforcé ses craintes.
Ça promet, quand il faudra évacuer Notre-Dame-des-Landes !
Le retour affiché de la saincrosainte peur de l'ultragauche qui n'a jamais disparue. La comparaison de bout en bout avec le terorisme n'est pas sérieuse, mais permettra d'appliquer, sur l'ultragauche, la violente législation antiterro qui a été sans cesse renforcée ces dernières années. Aucune remise en question de la part du gouvernement : pour quoi les antifas ? Pour quoi la violence de l'ultragauche après des actions pacifiques ignorées par les pouvoirs ? Bref, la tension monte…
Désormais, grâce à la loi de finances 2018, en buvant un verre d’eau, nous allons financer ce noble sport qu’est la chasse. Selon l’article 54, en effet, les six agences de l’eau chargées du réseau hydrique français (Seine-Normandie, Rhône-Méditerranée, Rhin—Meuse, Artois-Picardie, Loire-Bretagne et Adour-Garonne) vont devoir donner entre 30 et 37 millions à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Autant que le ministère de l’Environnement n’aura pas à débourser…
Le Canard "oublie" d'exposer que le même article de la même loi dispose que 240 à 260 millions d'euros seront fléchés vers l'agence de la biodiversité. ;) Mais la répartition entre les deux sera,, à terme,, du resort des ministres de l'écologie et du budget…
Ces agences sont intégralement financées par une redevance prélevée sur la facture d’eau de l’usager (0,35 euro le mètre cube en 2016 sur le bassin Rhin-Meuse), ainsi que par des taxes de dépollution payées par les industriels et les agriculteurs. « Avec cet argent, nous devons réduire la pollution dans les rivières, construire et faire tourner des stations d'épuration, remplacer les canalisations fuyantes, anticiper le changement climatique… Quel rapport avec la chasse ? » s’énerve François Sauvadet, président de l’agence Seine-Normandie.
Il a sans doute oublié que les chasseurs affirment être de meilleurs protecteurs de la nature que les écolos !
La loi de finances 2018 est toujours en discussion au Parlement français donc ça peut évoluer.
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Un document du Pentagone remis récemment au Congrès a évalué le coût des opérations militaires extérieures menées par les Etats-Unis depuis 2001, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, etc. A savoir : 6 000 milliards de dollars. Pour permettre à chacun d’apprécier le côté extravagant de ces dépenses pour des guerres sans gloire et à fonds perdus, 6 000 milliards de dollars représentent 200 fois les actuels PIB (produit intérieur brut) cumulés du Mali, du Niger et du Tchad. Les pauvres n’ont jamais de chance…
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
Pressions de la hiérarchie, logiciel de rédaction des procédures détourné… Des poulets dénoncent un bidouiIlage généralisé des chiffres de la délinquance. Ils en ont ras les plumes !
Encore un règlement de comptes, ce week-end, à Marseille. Bilan : un mort de plus, soit neuf depuis le début de l’année. D’après les statistiques du ministère de l’Intérieur, pourtant, la sécurité dans la ville ne cesse de s’améliorer. En prenant ses fonctions cet été, le nouveau préfet de police a bien pris soin de le rappeler : « La délinquance est en baisse continue depuis 2012. » Et de chiffrer la diminution à « 60 % pour les vols avec violences, 20 % pour les atteintes aux personnes ». Un vrai triomphe !
De quoi inciter Macron à revenir passer ses vacances d’été dans le coin et à rassurer les organisateurs des JO de 2024, qui ont choisi Marseille pour accueillir les épreuves de voile. Mais voilà qu’une trentaine de poulets dela Direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône — réunis au sein d’un collectif informel — dénoncent une drôle de bouillabaisse dans les statistiques de la délinquance. La Bonne Mère aurait-elle fait trop de miracles ?
Infractions rebaptisées
« Le Canard » a rencontré une dizaine de gardiens de la paix qui, tous, racontent avoir subi des pressions de leurs chefs pour maquiller les chiffres. « Histoire de diminuer les atteintes aux personnes, on te demande, par exemple, quand la victime n’est pas blessée, de requalifier les vols à l’arraché en “vols simples”, déplore l’un d’eux. Si tu ne cèdes pas, c’est l’enfer, tu te fais sacquer pour ta notation, on te refuse tout ce que tu demandes et on te sucre ta prime au mérite. »
Les PV « arrangés », sur lesquels « Le Canard » a mis le bec, sont édifiants. Telle victime dont la serrure de l’appartement a été forcée avec un pied-de-biche retrouvé près de la porte repart avec une plainte pour « dégradation ou détérioration volontaire du bien d’autrui causant un dommage léger ». En lieu et place d’une « tentative de cambriolage », qui aurait inutilement alourdi les statistiques…
Et, quand la troupe rechigne à minorer les délits, la hiérarchie repasse derrière. Le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN), dans lequel les flics enregistrent leurs procès-verbaux, possède en effet une « chatière » qui permet de requalifier, après coup, la gravité de l’infraction. Un comble quand on sait que le LRPPN, qui abreuve la Place Beauvau de statistiques**, a notamment été conçu pour empêcher la triche.
Plus ahurissant encore : ce sont parfois les « cellules contrôle qualité », mises en place pour corriger les erreurs de saisie au niveau des commissariats, qui travaillent à embellir les courbes de la délinquance ! « C’est très grave, s’offusque l’un des policiers marseillais qui ont accepté de parler. Cela s’apparente à un faux en écriture puisque l’on modifie [ainsi] l’intitulé de l’infraction qui figure sur la plainte de la victime. » Sur plusieurs documents consultés, des vols de téléphones, entre autres, deviennent, un ou deux jours plus tard, des « infractions non constituées », qui ne figureront jamais dans les stats des flics. Que fait la police ?
Même tambouille pour les affaires non résolues, qui, au bout de trois mois, finissent tamponnées de la mention poétique « vaines recherches ». Une manip d’autant plus revigorante pour le taux d’élucidation qu’elle concernerait, de l’aveu de nos flics, plus de la moitié des plaintes enregistrées dans les commissariats des Bouches-du-Rhône ! « Toutes les “vaines recherches” finissent pêle-mêle dans de grands sacs plastique stockés au palais de justice, où aucun magistrat n’ira fourrer son nez. » Au parquet, certains juges s’étonnent des différences entre leurs propres statistiques et celles des policiers. Ils sont bien suspicieux…
Le pastis déborde
Mais la goutte d’eau qui a fait deborder le verre de pastis de tant de poulets marseillais, c’est le sort connu par l’un des leurs : pour avoir refusé de tremper ses plumes dans la magouille, ce dernier a été harcelé par ses chefs. La police des polices a recueilli des témoignages accablants confirmant l’ampleur de la triche. Sept mois plus tard, les « bœuf-carottes » semblent s’être endormis sur le dossier.
Pour les réveiller, le syndicat CGT de la police s’est fendu d’un tract portant cet avertissement : « Collègue, attention, si on te demande de changer des qualifications d’infractions pour que ta hiérarchie ait de bonnes statistiques, tu risques une condamnation de 225 000 euros et 10 ans de prison. » Ni une ni deux, le patron de la sécurité publique départementale a déclenché, pour se couvrir, une enquête interne sur les tricheries. Manque de bol, le commandant chargé de l’audit s’est fait pincer par ses collègues, il y a quatre ans, alors qu’il bricolait la « main courante informatisée » pour gonfler le taux de présence de ses troupes sur la voie publique… Voilà un expert en sta— tistiques tout désigné !
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
Moderne, aussi, et furieusement dans le vent de l’Histoire, cette trouvaille de la justice française : « Pour éviter un procès, écrit “Le Monde” (16/11), HSBC paie 300 millions d’euros. Accusée de blanchiment de fraude fiscale, la filiale suisse du géant britannique a signé un accord avec le parquet national financier. Cette trasaction à l’américaine est une première en France. »
Truauds et fraudeurs savent ce qu’il leur reste à faire.
Ho, la première convention judiciaire d'intérêt public. Ces transactions pénales nouvelle version, qui sont possibles uniquement en matière de corruption et de fraude fiscale ont été instaurées par la loi Sapin 2. J'en avais parlé. Moins d'un an entre l'ajout au corpsus législatif et la première utilisation, ça n'a pas traîné !
Dans le Canard enchaîné du 22 novembre 2017.
Les données concernant une journaliste « figuraient illégalement » dans les fichiers de la Direction du renseignement militaire (DRM), vient de révéler le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 novembre. La consœur, Camille Polloni, du site d’information Les Jours, s’était elle-même adressée aux juges. Mais il lui a fallu attendre six ans — et un changement de législation — pour que la procédure parvienne à son terme.
Les juges ont d’abord fait chou blanc dans les services réputés s’intéresser aux activités des journaleux, comme la DGSl et la DGSE (Sécurité intérieure et extérieure) ou la DRSD {l’ex-Sécurité militaire). En revanche, ils ont fait bonne pioche à la Direction du renseignement militaire.
Etrange, car, comme le claironne sa devise, « Renseigner nos armées pour préparer la victoire », le boulot de ce service rattaché au chef d’état-major des armées se résume à savoir si l’ennemi va attaquer par-devant ou par-derrière.
D’autres journalistes étaient-ils concernés ? Quels renseignements étaient stockés ? On ne le saura sans doute jamais. La loi Renseignement, votée en 2015, confie les minces possibilités de recours à une formation spécialisée du Conseil d’Etat qui ne peut dévoiler le contenu de ses trouvailles aux plaignants.
Camille Polloni vient de déposer une plainte auprès du procureur de la République de Paris pour — entre autres délits — « collecte et conservation illégale de données personnelles » et « atteinte à la vie privée et au secret des correspondances ».
Mais la justice ne trouvera pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et pour cause : le Conseil d’Etat a lui-même ordonné la destruction du fichier litigieux.
Dans le Canard enchaîné du 22 novembre 2017.
La brusque fermeture de 18 comptes du Front national dans trois banques différentes, qualifiée par Marine Le Pen de « fatwa bancaire », ne traduit pas « un dysfonctionnement des banques (…) et ne laisse pas supposer de discriminations ». C’est ce qu’affirme la Banque de France dans un long communiqué (4 pages) publié le 28 novembre. Mais, alors, pourquoi cette vague de clôtures ? La Banque de France est « incapable » de l’expliquer, a assuré la présidente du FN sur RMC (28/11).
« Incapable » ? Marine Le Pen n’a sans doute pas pris la peine de lire avec l’attention qu’elle mérite la prose de la BdF. Sur le ton hypocfite propre aux banquiers, la Banque de France consacre une demi—page à une hypothèse, et une seule : une fermeture « liée (…) à la lutte anti-blanchiment ». Dans ce cas, explique la BdF, les banques sont « soumises à des obligations très strictes de confidentialité ». Même le client n’est pas informé du motif de la fermeture. Mais la Banque de France n’a « pas pris l’attache avec Tracfin, service compétent dans le domaine de la lutte contre le blanchiment ».
Dans le genre coup de pied de l’âne, c’est bien donné.
Mouiiiiii… La BdF évoque « la conformité aux dispositifs mis en place par les établissements pour gérer leur approche par les risques » dont le blanchiment fait partie. Mais il y a aussi les défaites électorales récentes qui peuvent laisser douter de la solvabilité du FN ou bien les prêts russes qui peuvent sentir le souffre… À suivre.
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.
C'est un village de la Meuse tout ce qu’il y a de plus tranquille. Mandres-en-Barrois, même pas 150 habitants. Lesquels en ont marre. Bure est à deux pas. Leur maire ayant cédé les 220 hectares du bois Lejuc pour qu’y soient creusés des puits d’accès à ce qui sera la plus grande poubelle souterraine nucléaire française, une poignée d’activistes se sont installés à demeure. Ils veillent jalousement sur la forêt. Il faut dire que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) s’était mise à défricher et à bétonner ce bois en toute illégafité. En mai, la cour d’appel de Nancy a ordonné à l’Andra d’arrêter les travaux.
Pour surveiller les activistes qui surveillent la forêt, il y a des tas de gendarmes. A demeure, eux aussi. Un peloton de surveillance et d’intervention, carrément : un pandore pour deux habitants !
Comme les gendarmes ne sont guère physionomistes, ils n’arrêtent pas de contrôler les mêmes personnes. Non seulement les activistes, mais aussi les villageois les plus innocents qui soient ! Plusieurs d’entre eux sont allés voir le maire. Lequel leur a délivré une belle attestation, qu’ils prennent soin désormais d’avoir en poche afin de pouvoir circuler librement.
Quand « Le Canard » lui demande combien d’attestations il a délivrées, le maire aboie : « Vous êtes de la police ? » Et il raccroche.
Ce n’est pas demain la veille qu’il délivrera la même attestation aux méchants activistes…
France, 2017, il faut une attestation pour se promener quasi-librement dans un village au bord d'un site à visée industrielle… Magnifique, non ? :(
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.
Comment expliquer qu’il y ait désormais de très puissants et très actifs producteurs d’ignorance ? Des entreprises, des gouvernements qui se donnent beaucoup de peine pour dissimuler les faits et enfumer le populo ? Philosophe et directeur scientifique de Sciences-Po Paris, Bruno Latour les appelle les « élites obscurcissantes » (1). Et pose l’hypothèse qu’on ne comprend rien à ce qui se joue actuellement sur la scène politique mondiale « si l’on ne donne pas une place centrale à la question du climat et à sa dénégation ».
Latour persiste et signe (2) : selon lui, les classes dirigeantes ont compris avant les autres que nous étions entrés dans un nouveau régime climatique et que, si elles voulaient survivre à leur aise, « il ne fallait plus faire semblant, même en rêve, de partager la terre avec le reste du monde ». Sinon, comment expliquer, par exemple, qu’au début des années 90 la compagnie ExxonMobil, après avoir publié d’excellents articles scientifiques sur les dangers du changement climatique, ait pris sur elle d’investir massivement « à la fois dans l’extraction frénétique du pétrole et dans la campagne, tout aussi frénétique, pour soutenir l’inexistence de la menace » ?
Ayant compris qu’il leur serait impossible de partager ce monde (du moins, les quelques territoires qui en ce monde resteront vivables) avec les masses — et, surtout, avec les masses « de couleur » chassées de chez elles — les « élites obscurcissantes » ont décidé de se débarrasser au plus vite du fardeau de la solidarité — d’où, partout, les coups de boutoir de la dérègulation, et l’explosion des inégalités. Donald Trump, dit Latour, a « beaucoup clarifié ces questions » en se retirant, le 1er juin dernier, de l’accord de Paris sur le climat. Ce retrait signifie, contre toute vraisemblance, que le réchauffement climatique n’existe pas. C’est comme si Trump déclarait : « Nous, les Américains, n’appartenons pas à la même Terre que vous. La vôtre peut être menacée, la nôtre ne le sera pas. »
Mensonge, bien sûr, cette idée que les Etats-Unis peuvent s’isoler dans une forteresse et ne plus laisser passer ni réfugiés ni cyclones. Mensonge qui permet le business as usual, l’extraction de gaz de schiste à gogo et le maintien suicidaire de ce way of life que Bush père avait, dès Rio 92, décrété « non négociable »… Comment se prétendre réaliste quand on l’est si peu ? « Comment appeler matérialistes des gens capables de glisser par inadvertance dans une planète à + 3,5 ou qui infligent à leurs concitoyens d’être les agents de la sixième extinction ? »
On ne cesse d’opposer économie et écologie, dit Latour. On nous somme de choisir entre l’homme et la nature… Et de rappeler que l’homme en fait partie, de la nature ! Et de trouver « génial » le slogan des zadistes : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend. »
Un directeur d’études à Sciences-Po qui ne prend pas les zadistes pour des rigolos, tiens, tiens. ..
Plus jeune, je m'étais fait la même réflexion, mais, d'une part, les inégalités, l'envie d'écraser son prochain, la quasi absence de solidarité étaient présentes bien avant la connaissance qu'un changement climatique était en cours : une première vague de dérégulation a eu lieu au début du 20e siècle tandis que l'envie d'écraser son prochain trouve de nombreux échos dans l'histoire (seigneurs/serfs, esclavagisme, guerres, etc.). De plus, rien ne montre que l'obscurantisme d'aujourd'hui est plus conséquent que l'obscurantisme d'hier.
D'autre part, les mécaniques de notre monde actuel s'expliquent sans invoquer un quelconque complot : avidité et individualisme (croyance que soi vaut mieux que tout le reste du monde et qu'on peut vivre tout seul tout le temps) inscrits dans le patrimoine génétique de l'animal « humain », la croyance que l'évolution de nos technologies permettra de nous sauver in extremis (c'est toujours le pari actuel des USA), incapacité naturelle du cerveau humain à se projeter dans le réchauffement climatique par manque d'expérience émotionnelle du sujet d'où des décisions inadaptées, intérêt d'hier, d'aujourd'hui et de demain des élites à ce que la masse soit ignorante, passive et soumise, car ça simplifie grandement le maintien au pouvoir.
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.
Mission accomplie : Macron avait promis des cabinets ministériels allégés (leurs effectifs ont fondu de 47 % par rapport au dernier gouvernement Valls). Mais, ce qui n’était pas annoncé, c’est l’explosion des rémunérations des conseillers ministériels : plus 20 % par personne, en moyenne. Le coût global des cabinets se réduit donc, en proportion, beaucoup moins que le nombre de conseillers : 117 millions d’euros, contre 152 millions pour le dernier gouvernement Valls, selon les calculs de l’ex-député PS René Dosière, expert ès gaspillages dans le fonctionnement de l’Etat.
Selon le document budgétaire — un « jaune », dans le jargon parlementaire — intitulé « Personnels affectés aux cabinets ministériels », annexé au projet de loi de finances (budget) 2018, la baisse des effectifs de conseillers (288 contre 551 sous Valls) s’explique à la fois par la réduction du nombre de ministres (30 contre 38) et par les limitations fixées par Macron (10 conseillers au maximum pour un ministre et 5 pour un secrétaire d’Etat, contre 15 et 10). En jetant un voile pudique sur les contournements à la règle décrits par « Le Canard », tel le recrutement dans les administrations ministérielles de « contractuels » dont le travail ressemble curieusement à celui des conseillers. Ou encore l’explosion du nombre des personnels « support » (chauffeurs, officiers de sécurité, huissiers et gardiens, secrétariat) : on en compte, en moyenne, 6,9 par conseiller (contre 3,9 sous le gouvernement Valls)…
Si la rémunération moyenne brute (y compris les primes) se monte à 9 186 euros (contre 7 624 euros en 2016), tous les ministères ne sont pas logés à la même enseigne Le ministère des Solidarités et de la Santé tient le haut du pavé avec 11 665 euros mensuels, suivi par le secrétariat d’Etat auprès de la ministre des Armées (11 300 euros) et Matignon (10 584 euros). En queue de peloton, le secrétariat d’Etat à la Cohésion des territoires (7 905 euros), l’Agriculture (7 808 euros) et le secrétariat d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes (7 209 euros). Une inégalité qui s’explique notamment par la forte différence entre les primes, « calculées selon des critères qui ne sont pas explicites », commente Dosière. Les conseillers des finances perçoivent ainsi une prime moyenne de 5 484 euros, ceux du secrétariat d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes devant se contenter de 600 euros.
Vite, un site Internet Augmentemaprime !
Dans le Canard enchainé du 1er novembre 2017.
Mais quelle mouche a piqué Macron ? Voilà que le gouvernement prévoit d’amputer de 40 % les subventions aux associations de consommateurs, nous apprend « Le Monde » (3/11). C’est vrai que ces associations ne servent à rien. Il n’y a jamais de scandale autour des lasagnes à la viande de cheval, jamais d’œufs au fipronil, aucun lézard avec les perturbateurs endocriniens, pas d’arnaques aux frais bancaires. Tout va bien ! D’ailleurs, les consommateurs sont assez costauds pour se débrouiller tout seuls, avec leurs petits bras, face aux multinationales.
Le budget de la France, lui, est sauvé : en mettant à genoux l’Institut national de la consommation (INC) et les 15 associations nationales de la conso, qui n’étaient déjà guère fringantes, Bercy fera une phénoménale économie de 3,5 millions d’euros en 2018. Cela vaut vraiment la peine de tailler dans le vif… Tant pis pour les essais menés par l’INC sur les nanoparticules ou l’obsolescence programmée, tant pis pour son magazine indépendant, « 60 Millions de consommateurs ».
Au passage, les entreprises seront encore moins embêtées par les actions de groupe : celles-ci ne peuvent être menées que par les associations agréées, celles-là mêmes que Bercy met au pain sec ! Or la moindre action de groupe coûte « 50 000 euros, au minimum, en temps de travail, frais d’avocats, suivi des consommateurs, etc. », explique Familles rurales. Elle commence fort, la relance de la conso…
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Candidat à la présidence du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez peut compter sur la mobilisation sans faille des militants de l’Union nationale interuniversitaire (UNI), qui regroupe les étudiants (parfois fort âgés) de la droite pure et dure. Sur Twitter comme sur Facebook ou sur les campus, le syndicat fait ouvertement campagne en faveur de l’ex-lieutenant de Nicolas Sarkozy.
Pour Wauquiez, le retour sur investissement est excellent. En avril 2016, à peine élu président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il s’empresse d’octroyer une subvention de 50 000 euros à l’UNI, somme représentant plus de 7 % du budget de l’organisation étudiante. Sur le papier, il s’agissait d’aider « un projet université / emploi » destiné à l’« insertion des étudiants » de la région lyonnaise. Un an et demi plus tard, l’UNI semble éprouver quelques difficultés à justifier l’utilisation des fonds.
Olivier Vial, 42 ans, son inamovible président, jure que l’UNI a tenu « 60 réunions », « rassemblé 1 500 étudiants » et animé « un site Web et une page Facebook ». Mais les justificatifs ne sont « pas consultables », les pages Internet ont disparu et seulement une demi-douzaine de réunions de « formation à la rédaction d’un CV » ou de causeries dans des bistrots ont laissé des traces. La plaisanterie est censée avoir coûté 100 000 euros. « Si le syndicat en a dépensé quelques milliers, c’est le bout du monde », soupire un militant en rupture de ban.
UNI derrière Laurent
Autre gâterie de Laurent Wauquiez : une seconde subvention — de 60 000 euros, celle-là —, accordée en septembre 2016 à l’Agence pour la valorisation de l’engagement (AVE). Faux nez de l’UNI, l’Agence est supposée encourager le « volontariat » et le « service civique ».
La somme était destinée à financer « un guide de l’engagement des 15-25 ans en Auvergne-Rhône-Alpes et à organiser des rencontres entre jeunes et acteurs de l’engagement en 2016 ». Dans les faits, l’AVE s’est contentée de distribuer des brochures dans une vingtaine de villes durant l’été 2017. Valérie Pécresse, la présidente LR de la région Ile-de-France, a également financé l’AVE, à hauteur de 35 000 euros, en 2016. Pour quel boulot effectif ? « Je n’ai pas de comptes à vous rendre ! » assène le président de l’AVE, Nicolas Rivard.
Cette association, au budget de 170 000 euros par an, salarie… des permanents de l’UNI. Comme son président, Olivier Vial, payé par l’AVE jusqu’en 2015, qui travaillait exclusivement au siège de l’UNI. Nicolas Rivard dément tout emploi fictif mais reste évasif. « Il s’occupait de certaines actions, sur lesquelles je n’ai (décidément !) pas de comptes à vous rendre. » Il a seulement des subventions à encaisser...
Héhé le clientélisme. :) Après, qu'un groupement de droite soutienne le candidat d'un parti de droite, c'est dans la normalité, tout de même.
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
La collaboratrice d’un député de la Martinique était en même temps lobbyiste au service des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer. Pratique
Député depuis dix ans, installé en juin au perchoir de l’Assemblée, François de Rugy semble découvrir la rude réalité parlementaire ! Pour la discussion du budget, gémit-il dans « Les Echos » (26/10), « nous avons débattu de plus de 1 100 amendements, c’est un record ! (...) Quand, par exemple, vous avez 53 amendements sur les chambres de commerce et d’industrie, pour la plupart identiques, ce n’est pas la quantité qui fait la qualité ».
Tiens, tiens… 53 amendements concernant les chambres de commerce et d’industrie (CCI), bien connues pour recourir au lobbying parlementaire sur les sujets leur tenant à cœur… Il se trouve — heureuse coïncidence — que « Le Canard » a mis la palme sur une intéressante liasse de factures, courriers et messages. Ces documents mettent en évidence un beau cas de lobbying parlementaire touchant justement les CCI sous la précédente législature (2012-2017).
Pani pwoblem !
Au cours de cette période, une certaine Marjolaine Milome-Noiran, qui n’a pas souhaité répondre au « Canard », cumulait sans gêne deux casquettes : celle d’assistante parlementaire du député « indépendantiste » de Martinique Jean-Philippe Nilor (réélu depuis) et celle de directrice de Marjo Consulting, un cabinet de lobbying. Parmi ses clients de poids, l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM). Quand on peut épicer un peu son poulet boucané… Plusieurs factures témoignent de l’empressement de la jeune femme à rendre service à l’ACCIOM (voir document) : « Quatre amendements déposés, deux amendements soutenus : 2 500 euros », en date du 2 décembre 2015. A peine plus de 400 euros l’amendement, c’est cadeau ! Ou encore, sur une facture du 27 janvier 2015 concernant un dîner donné par le même groupement en présence de plusieurs députés : « Lobbying auprès des parlementaires, organisation du déplacement (...) : 3 000 euros. »
En juin 2015, les chambres de commerce et d’industrie des outre-mer souhaitent s’assurer de l’adoption d’un amendement à la loi Macron leur conférant, à titre expérimental, la très lucrative gestion du registre du commerce. Le député Jean-Philippe Nilor reçoit alors un courriel de Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’ACCIOM : « Il est extrêmement important que vous signaliez personnellement au cabinet du Premier ministre, dans la journée de lundi, votre souhait de voir cette délégation expérimentale obligatoire adoptée en première lecture. Cela pourrait prendre la forme d’un mail à Frédéric Potier, conseiller outre-mer auprès du Premier ministre, selon le type suivant. » Suit une lettre prérédigée, qu’il suffit de contresigner. Le boulot de député, c’est parfois d’un simple !
Le 24 juin, comme le Sénat fait de l’obstruction, l’assistante parlementaire-lobbyiste de l’ACCIOM envoie, depuis la boîte mail de son député, un pressant courriel signé « Marjolaine ». L’idée : enjoindre au reste de son équipe de redéposer un amendement cosigné par les autres députés d’outre-mer sur le même sujet… « Pour ceux qui ne souhaiteraient pas cosigner notre amendement pour des raisons politiques, ils pourront toujours sous-amender (...). Toutes ces actions auront du poids à la seule condition que nous soyons solidaires… » On voit tout de suite qui commande.
Trop aimable
Ce n’est pas tout. A la même période, Manuel Baudouin, le président de la CCI de la Martinique, élu à la présidence tournante de l’ACCIOM, se pousse du col pour entrer au Conseil économique, social et environnemental — l’un des fromages les plus plaisants de la République. La diligente Marjolaine rédige alors une lettre de recommandation au nom de son patron (du Palais—Bourbon) pour soutenir la candidature de son autre patron (de la chambre de commerce) auprès de la ministre des outre-mer d’alors, George Pau-Langevin : « J’ai par ailleurs pu apprécier, “écrit” le député au sujet du ponte de la CCI, ses multiples interventions auprès des parlementaires… »
On ne saurait mieux dire ! Cette habile petite main, à la fois auteure et destinataire desdites interventions, s’est depuis ralliée à Macron. Au printemps 2017, Marjolaine Milome—Noiran, qui se proclame « gaulliste sociale », s’est mis en tête d’animer la campagne d’En marche ! pour les ultramarins résidant en métropole. S’ils ont besoin des services d’une chambre de commerce…
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
En 1887, lors du « scandale des décorations », organisé par Daniel Wilson, gendre du président de la République Jules Grévy, les tarifs allaient « de 5 000 francs pour le Mérite agricole à 50 000 ou 100 0OO francs pour une Légion d'honneur », rappelie « Le Parisien » (5/11). L'enquête « établira 20 000 transactions » en six ans. De là, cette boutade qui courait Paris : « Avant, on était décoré content. Aujourd’hui, on n'est décoré que comptant »
Avec la réforme que concocte l'Elysée, on pourra payer par carte de crédit ?
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.
Mardi 7 novembre, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a lancé un pavé dans la mare numérique. Sur LCI, elle a annoncé qu’elle travaillait à « renforcer notre arsenal législatif » pour convaincre les Google, Apple, Facebook, Amazon et compagnie — les « Gafa », dans le jargon du milieu — de retirer de leurs réseaux les messages racistes, antisémites et autres appels au meurtre. En droit français, ces Gafa ne sont considérés que comme des hébergeurs. Ils ne peuvent donc être poursuivis qu’au terme de procédures d’une complexité décourageante. Une situation d’autant plus absurde que les journaux, eux, sont pénalement responsables de la moindre ligne publiée.
En privé, des collaborateurs de la garde des Sceaux confient qu’elle souhaite s’inspirer de la législation allemande. Adoptée cet été par le Bundestag, la loi y oblige les plateformes à supprimer, en moins d’une journée, les messages haineux. Et, au cas où l’hébergeur aurait oublié de cliquer, l’amende pourrait atteindre… 50 millions d’euros. Le seul langage compréhensible par les géants du numérique !
50 millions d'euros pour des sociétés qui en gagnent des milliards et qui savent qu'aucun⋅e juge ne leur prendra 50 millions par message (sinon ça serait de l'acharnement judiciaire qui serait annulé par les plus hautes Cours)… Brassage de vent.
Face à cette offensive, Google a mobilisé son lobbyiste de choc, l’ancien haut fonctionnaire Benoît Loutrel, qui a longtemps présidé l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Il a aussitôt commencé le siège de plusieurs membres de cabinets ministériels, et il multiplie les déjeuners en ville. Ainsi, le 9 novembre, il s’est tapé la cloche en compagnie du conseiller numérique du ministère de la Culture, Pierre-Emmanuel Lecerf.
A tous, les dirigeants français des entreprises américaines récitent la même leçon : « Ce n’est pas au moment où la France parie sur le numérique qu’il lui faut adopter une législation trop contraignante. Nos investissements en dépendent aussi. »
Les investissements, peut- être, mais pas leurs impôts ! Les Gafa échappent, comme on le sait, grâce à des montages sophistiqués, à la rapacité du fisc hexagonal.
Le Canard soutient une pente glissante. Faut-il sanctionner les intermédiaires techniques (hébergeur, fournisseur de réseaux informatiques, fournisseur d'accès à Internet) ou la personne qui a tenu les propos litigieux (et ses complices) ? Je rappelle qu'en presse papier, les intermédiaires, c'est l'imprimerie, le distributeur et les points de vente. Faut-il sanctionner tout cela pour un propos tenu dans un quelconque canard ? C'est pour cela que la distinction entre intermédiaire technique numérique et éditeur fut posée en droit français en 2004.
Ce qu'il faut faire, c'est faire admettre aux GAFAM qu'elles sont des éditeurs de contenus et qu'elles abusent du statut légal d'hébergeur. Facebook s'accorde le droit de censure privée pour virer des photos de seins ou des photos historiques, donc Facebook est un éditeur, car il choisit le contenu qui est diffusé. Facebook et Twitter s'accordent le droit de sélectionner (par le biais d'un programme informatique, mais c'est sans importance) les contenus qui seront visibles par les un⋅e⋅s et les autres, donc Facebook et Twitter sont des éditeurs en droit français. Si elles sont des éditrices, alors elles respectent l'intégralité de la loi qui leur est applicable, pas juste ce qui leur plaît.
La question est donc : comment mettre en œuvre cette requalification ? Aucun⋅e juge ne requalifiera une de ces sociétés en éditeur, car, vu le nombre de contenus litigieux présents en ligne, ça serait une sanction disproportionnée donc injuste. La France pourrait s'équiper d'une loi qui requalifierait de force après une période tampon. La nationalité de ces sociétés poserait alors question puisque leur droit local aménage différemment la liberté d'expression… Quelle vision de ce qu’est la liberté d’expression doit l’emporter ? Si l'on ne tombe pas d'accord, faut-il que chaque Fournisseur d'accès à Internet français filtre ce que les citoyen⋅ne⋅s français⋅e⋅s consultent et écrivent ? Comme les contenus sont disponibles au même endroit (Facebook, Twitter, etc.), il faudrait du filtrage (par URL) hautement liberticide (le FAI, une société privée, saurait qui a lu tel contenu très précis à tel moment…) afin de les différencier et d'en interdire l'accès…
La loi allemande évoquée ci-dessus met la pression sur tous les hébegeurs, pas juste sur les GAFAM. Elle met donc à risque la profession d'hébergeur en elle-même, ce qui conduira inexorablement vers une plus grande concentration des acteurs : seuls les gros acteurs sont à même de salarier des censeur⋅euses à plein temps et d'encaisser les éventuelles sanctions… Des gros acteurs qui pourront se permettre de ne pas prendre en compte les desiderata de tel ou tel État. Perdu ?
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
Vous n'avez sûrement jamais entendu parler du TB du lait. Pourtant, le « taux butyreux », comme on l'appelle, a fort a voir avec la pénurie de beurre sur laquelle les médias tartinent depuis des semaines. Le TB, c'est la quantité de matières grasses contenue dans le lait. En France, depuis que nos ingénieurs agronomes le mesurent, il n'a jamais été aussi faible : 39,3 grammes par litre soit 1,6 gramme de moins qu’il y a vingt ans. Vu que nos vaches produisent 23,8 milions de tonnes de lait par an, cela lait, a la louche, 38 000 tonnes de matières grasses laitières qui manquent chaque année. Pas de bol : c’est justement avec elles que l'on fabrique du beurre. Ah, la vache !
Durant des lustres, l'industrie laitière a encouragé les éleveurs à produire toujours plus. La sélection génétique et conçu de véritables usines sur pattes, capables de fournir plus de 9 tonnes de lait par an. Sauf que, plus une vache donne, plus ce qui sort du pis est appauvri en matières grasses et en protéines. Quand on est tombé à moins de 30 grammes de protéines par litre, les fromagers, qui n'arrivaient plus a faire leurs frometons, ont demandé à l'institut national de la recherche agronomique (lnra) de trouver dare-dare une solution. D'autant que la protéine de lait exportée sous forme de fromage ou de poudre dégraissée fait du bien a la balance commerciale. Raison pour laquelle, plus le lait est protéiné, plus il est payé cher a l'éleveur.
Les éleveurs ont donc été incités à gaver les pauvres bêtes d’aliments hyperprotéinés, comme le tourteau de soja ou, trouvaille de génie, les farines de viande… jusqu'à ce que les vaches cannibales deviennent folles. Le taux de gras, lui, a continué de fondre comme motte de beurre au soleil, l'lnra conseillant même de verser dans les rations des acides gras polyinsaturés pour bloquer la synthèse de la matière grasse dans la mamelle. Les nutritionnistes baratinaient alors qu'il fallait remplacer le beurre par la margarine pour sauver nos artères.
Depuis, non seulement le beurre a été réhabilité, mais il est désormais estampillé « bon pour la santé ». Les Américains et les Asiatiques, du coup, se sont rués dessus, faisant flamber les prix. Ajoutez-y nos laiteries qui préfèrent fourguer leur beurre à l'étranger car les grandes surfaces refusent de le payer au cours mondial.
A moins que l'lnra nous bricole une vache qui fabrique directement du beurre, ça risque d'aller de mal en pis !
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.
Le président Macron avait réuni le gratin, le 14 novembre au soir à l’Elysée, pour plancher sur un projet de loi d’exception. Sur le terrorisme ? Non, sur… l’Olympisme. Un projet répondant aux oukases du Comité international olympique (CIO) avant les Jeux de Paris 2024, qui privatisent rien de moins qu’une partie du droit français.
Premier oukase, l’article 2 de la loi vise à « étendre le champ des éléments relevant de la propriété olympique », et, parmi eux, les « termes “olympique”, “olympien” et “olympienne” ». Ces adjectifs, qui figurent pourtant dans le dictionnaire, seront à l’usage unique du CIO. Le Conseil d’Etat a fait la moue, mais le gouvernement a passé outre. On ne badine pas avec l’exploitation des produits dérivés.
Deuxième oukase : selon les articles 3 et 4 de la loi, le CIO pourra s’affranchir du Code de l’environnement. En affichant, par exemple, ses slogans sur les immeubles classés ou les monuments historiques comme la tour Eiffel ou le Grand Palais. La dérogation est consentie pour sept ans — le temps, pour le CIO, de se faire un peu d’argent.
Troisième oukase : le CIO enverra valser le Code de l’urbanisme pour les constructions temporaires de Paris 2024. Celles qui resteront, tels le village ou la piscine olympiques, verront, pour leur part, les procédures de consultation publique et d’expropriation facilitées.
Seule concession au droit français, les dirigeants du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) devront adresser des déclarations de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Et la Cour des comptes contrôlera leur gestion. Tony Estanguet, futur président du Cojo, ainsi que son directeur général, à qui une note du budget promettait des salaires de 450 000 euros annuels (« Le Canard », 11/10), devront donc rendre des comptes. C’est très sport !
C'est à gerber… :'(
Le projet de loi « relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 » sera examiné au Parlement à partir du 6 décembre 2017.
Dans le Canard enchaîné du 22 novembre 2017.
Stéphane Le Foll avait donné le premier coup de hache quand il était ministre de l’Agriculture de Hollande. Emmanuel Macron, lui, prend la tronçonneuse pour tailler dans le statut des « forêts de protection ». Etabli en 1922, ce texte vise à sauvegarder la faune et la flore d’espaces boisés fragiles : aujourd’hui, ces derniers sont menacés par l’avancée des villes et des prédateurs comme les centres commerciaux et les usines. Les plus grands massifs protégés se situent d’ailleurs en Ile-de-France. Concrètement, il est rigoureusement interdit de porter, si peu que ce soit, atteinte à ces écosystèmes.
Mais voilà, quelques semaines avant la présidentielle, Le Foll avait concocté un projet de décret censé vider ce statut de son contenu (« Le Canard », 22/2), vite bloqué par les associations écolos. Vendredi 24 novembre, un groupe de travail était donc convoqué par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, pour examiner une nouvelle mouture du projet de son prédécesseur.
Celle-ci offre sur un plateau deux cadeaux aux lobbys : les forêts de protection pourront voir tomber leurs arbres si on y découvre des gisements de gypse ou des traces archéologiques. Les carrières de gypse (ou « plâtrières ») dévastent le paysage. Côté archéologie, tout chantier de fouilles commence par un abattage des arbres suivi de l’arrivée des pelleteuses. « Après leur passage, il ne reste plus qu’à déclasser le terrain ravagé pour le rendre constructible », râle un défenseur des biches et des petits oiseaux.
Concession aux écolos : les anciennes forêts de protection, comme celle de Fontainebleau, demeurent toujours « sous protection ». Mais malheur à celles dont le classement est récent, tel le bois de Montmorency. Sous cette ravissante forêt se cache une immense carrière souterraine de 30 km2. Il suffira de faire la jonction entre les bulldozers du sous-sol et ceux de la surface.
Au-delà de ces deux cas (gypse et fouilles), le gouvernement vient, pour la première fois depuis 1922, d’utiliser l’arme absolue : le déclassement pur et simple d’une parcelle de forêt de protection. Ainsi, et en se passant de l’avis de Nicolas Hulot, Stéphane Travert a ouvert aux pelleteuses pas moins de 82 ha de la forêt de Saverne, en Alsace, pour faciliter l’agrandissement d’une usine de fabrication de matériels agricoles.
Bienvenue aux défonceurs de la nature.
:'(
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.
De graves lacunes dans la sécurité d’un aéroport. Les fragilités d’un port de plaisance. La consultation de sites djihadistes… Ces alertes, actionnées — en pure perte — par les flics de Marseille, ont conduit, le 20 novembre, à la descente de deux commissaires venus de Paris pour auditer le renseignement territorial des Bouches-du-Rhône. Le patron de la sécurité publique s’étonnait de la maigreur (et de l’indigence) des notes produites par le plus gros service de renseignement départemental de France (111 poulets)…
Une semaine durant, les deux émissaires, épaulés par un collègue local, ont épluché les archives du service. Ils n’ont pas été déçus… Le chef du rens’ marseillais gardait dans ses tiroirs un tas de notes sensibles, sur l’islam radical, notamment, et sur le risque terroriste. Autant de soucis en moins pour le responsable de la sécurité publique du département, le préfet de police de Marseille et, bien sûr, la Place Beauvau. Autant de paperasse épargnée à la base de données Agec, utilisée par tous les agents du renseignement territorial…
Ben, il fallait faire diminuer les chiffres de la criminalité, non ?
Balance ton port ?
Ainsi cette note de cinq pages (16 novembre 2015) rédigée par le « groupe islam » sur les failles de sécurité de l’aéroport Marseille-Provence, où œuvrent 150 entreprises sous-traitantes. Les badges donnant accès aux pistes ou aux coulisses de l’aéroport y sont accordés, explique le document, avant même la fin de l’enquête de police et ne sont pas retirés immédiatement en cas de veto. Mieux : certains employés se feraient remplacer par un ami, un frère ou un cousin. Résultat ? Le badge se retrouve « en possession d’inconnus à la dangerosité de facto non évaluée », précisent les flics du renseignement.
Le doc pointe également une zone aéroportuaire mitoyenne des pistes d’envol où « il semble relativement facile » d’introduire « un engin explosif à l’intérieur d’un carton reconditionné, lequel franchirait le grillage pour être ensuite embarqué ». Et que dire de cette note passée à la trappe qui, en juillet, révélait deux points de vulnérabilité en cas d’attaque terroriste sur le terminal du port de Marseille accueillant les bateaux de croisière ? Une vraie galère.
Salade niçoise
Les flics, qui en avaient ras les plumes de pondre des rapports pour rien. ont tout raconté aux commissaires chargés de l’audit. Ce qui a mis le feu au poulailler, c’est une enquête, menée en octobre 2016 par le groupe islam, sur la consultation de sites salafistes au sein d’une bibliothèqne municipale. Deux suspects ont été identifiés. Huit mois plus tard, on a appris que l’un des deux avait abreuvé le président d’une association catho niçoise d’insultes et de slogans djihadistes du genre « La France, on la mettra à genoux, inch’Allah ».
Alertés, les flics marseillais se sont révélés incapables de ressortir la fiche. Normal elle n’avait jamais été enregistrée par leur taulier ! En déclenchant une enquête interne au lieu de saisir la police des polices, le boss de la sécurité publique espérait ne pas ébruiter l’affaire.
C’est gagné.
C'est le côté positif (et négatif) des lois sécuritaires : grâce à l'éternelle faillibilité humaine, on a une probabilité non nulle de passer à travers leurs mailles liberticides, même si elles sont renforcées année après année.
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.