De gros poufs rouges siglés Coca-Cola et des canettes de soda à volonté. Le 31 janvier à Bucarest la première « réunion informelle » du Conseil de l'Union européenne, dont la Roumanie détient la présidence pendant six mois, était sponsorisée par la multinationale américaine ! Sur les banderoles, on pouvait même lire : « La firme Coca-Cola est fière de soutenir la première présidence roumaine du Conseil de l’Union européenne. »
Pour rappel, le Conseil de l'Union européenne est le co-législateur européen avec le Parlement européen. Un peu comme le Sénat est le co-législateur de l'Assemblée nationale.
Si incroyable que cela puisse paraître, tout pays qui préside cette instance politique a le droit de nouer des accords de sponsoring avec qui lui chante. Du moins, pour les « réunions informelles » — comprenez : celles qui n'ont pas pour vocation d'adopter un texte mais seulement de discuter pour se mettre d'accord.
En 2011, lors de la présidence polonaise, Coca-Cola avait déjà été choisi comme partenaire. Contacté par « Le Canard », le secrétariat général dudit Conseil explique, un brin embarrassé : « Il ne s'agit pas de financements mais d'avantages en nature. » Nous voilà rassurés.
Après avoir remporté un appel d'offres, Coca-Cola Roumanie sera donc, jusqu'à la fin juillet, l'un des partenaires « platinium » de la présidence roumaine. Un mélange des genres effervescent, vu que la création d’une taxe sur les produits sucrés et la mise en place d’un étiquetage nutritionnel plus limpide pour le consommateur devraient bientôt figurer au menu des discussions du Conseil de l'Union européenne, chargé de négocier et d'adopter les textes législatifs de l'UE. Or les fabricants de soda ont décidé de torpiller ces deux mesures mises sur la table au nom de la lutte contre le diabète sucré et l'obésité, qui frappe désormais 17 % d’Européens. Rappelons que le sucre est encore plus délétère absorbé sous forme liquide et qu'une canette de Coca-Cola en contient l'équivalent de sept morceaux. Quand on aime…
Furibarde contre ce « lobbying déguisé », l'ONG Foodwatch, qui pourfend la malbouffe, vient de se tendre d’une lettre ouverte au gouvernement roumain pour lui demander de mettre fin illico à ce parrainage. Et de lancer, dans la foulée, une pétition afin que les « réunions informelles » du Conseil de l'Union européenne ne puissent plus être sponsorisées.
Du côte de Coca-Cola Roumanie, on assume, tout en précisant qu'il y a d'autres partenaires, comme l'association des brasseurs roumains… Deux lobbys qui pétillent !
Dans le Canard enchaîné du 27 février 2019.