J'avais lu ça dans le Canard du 16 mars dernier : une proposition de loi concernant la prescription de l'action et des peines en matière pénale est à l'étude dans notre Parlement (l'Assemblée a adopté, reste le Sénat, pas de date connue).
Ce que ça change ?
* Le délai de prescription de l'action publique (délai après lequel une infraction ne peut plus être poursuivie) : elle reste inchangée pour les contraventions : un an. Elle est doublée de 3 à 6 ans pour les délits. Elle est doublée de 10 à 20 ans pour les crimes. Évidemment, ça, c'est le droit commun mais il existe de nombreuses exceptions. Exemple : le délai de la prescription des délits de presse, comme la diffamation, est de 3 mois (et 1 an s'ils sont discriminatoires).
* En plus de doubler le délai commun de prescription de l'action, cette proposition de loi propose que tout acte interruptif (plainte, acte d'enquête,...) fasse courir un nouveau délai de prescription égale à la moitié du nouveau délai de prescription de l'action soit 3 ans pour un délit et 10 ans pour un crime). On notera aussi que l'acte d'enquête devient aussi interruptif avec cette proposition de loi.
* Le délai de la prescription des peines (délai après lequel une saction définitive non-exécutée n'est plus applicable) : 3 ans pour les contraventions, 5 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes. Ce délai court à compter de la condamnation définitive. Cette proposition de loi se propose d'augmenter le délai à 6 ans pour les délits.
* Le délai de la prescription de l'action court à compter du lendemain à0h du jour où elle a été commise sauf :
* Tout un tas d'exceptions (majorité de l'individu dans le cas d'une infraction sexuelle sur mineur-e-s par exemple) ;
* Notre texte se propose d'inscrire dans la loi la jurisprudence actuelle qui fait courir ce délai à compter du jour où une infraction occulte ou dissimulée a été constatée dans des conditions qui permettent l'action de la justice.
* Les crimes de guerre liés à un crime contre l'humanité deviennent imprescriptibles comme ces derniers.
* Cette proposition de loi fait également du rangement : les délais de prescription (commun et dérogatoires) de l'action et les délais de prescription de la peine étaient éparpillés partout dans le Code de procédure pénale et dans le Code pénal. Cette proposition de loi veut tout ranger dans deux articles du Code de procédure pénale pour les délais de prescriptions de l'action et dans deux articles du Code pénal pour les délais de prescription de la peine.
Autant le rangement me semble profitable, autant je reste dubitatif sur la hausse des délais de prescription de l'action pour les délits et les crimes. Voici mes moins/plus/neutre) :
- plus le temps passe, plus on s'éloigne de la faute commise et le trouble occasionné se dilue. C'est ça l'un des fondements de la prescription : le pardon légal. L'être humain fautif-ive a peut-être compris sa faute, faut-il charger la barque avec une erreur judiciaire ? Faut-il réveiller les douleurs du passé ? Faut-il refaire naître le trouble (division de l'opinion publique, par exemple) ?
- plus le temps passe, plus les témoignages deviennent rares et de mauvaise qualité. Tout faire reposer sur la preuve scientifique, c'est une grosse connerie. D'abord parce qu'elle n'est pas infaillible (voir
http://zythom.blogspot.fr/2007/12/lternel-voyage-de-la-science.html et
http://sebsauvage.net/rhaa/?2009/01/05/22/32/36-l-adn-n-est-pas-une-preuve-formelle ). Ensuite parce que, même si elle l'était, la justice est humaine : on cherche à comprendre l'acte, le contexte dans lequel il a eu lieu, la psychologie des accusé-e-s/témoins/plaignant-e-s. Que reste-t-il de tout ça après 20 ans ?!
+ l'allongement des délais de prescription permet d'utiliser des preuves scientifiques qu'on ne savait pas exploiter avant. Je pense aux connaissances humaines en biologie, en balistique, en... qui ne cessent d'évoluer. Je pense aussi à la cryptographie. Une preuve peut devenir exploitable 20 ans après, c'est vrai. Mais ça n'enlève rien aux points précédents.
+ les preuves ne dépérissent plus aussi rapidement que lors de la définition du principe de prescription grâce aux progrès de la science.
= il y a nécessité à y voir plus clair vu les régimes dérogatoires et tout. Ce motif est entendu mais il n'y a pas besoin de hausser les délais pour les trier/ranger/organiser...