Emmanuel Macron a finalement décidé de lancer, mardi soir à la Mutualité, sa campagne pour la présidentielle mais sans quitter le gouvernement. [...] Il y a donc bel et bien deux hypothèses. Soit Emmanuel Macron est de mèche avec François Hollande ; soit il ne l’est pas. Soit il est en passe de voler de ses propres ailes ; soit il rentrera plus tard dans la basse-cour socialiste. Mais sait-il lui-même ce que sera son chemin ? Ou bien les aléas de la vie politique décideront-ils pour lui ?
En fait, toutes ces spéculations n’ont guère d’intérêt car, dans tous les cas de figure, la candidature d’Emmanuel Macron revêt une importance qui dépasse ces péripéties : c’est la première fois en effet, en France, que l’oligarchie de Bercy, celle de l’Inspection des finances ou de la direction du Trésor, pousse en avant l’un des siens à entrer en politique pour son propre compte.
Depuis trente ans, cette oligarchie de l’Inspection des finances a certes déjà joué un rôle majeur dans la vie politique et économique française. Contrôlant toutes les grandes directions, les plus influentes, du ministère des finances, dirigeant la plupart des grandes entreprises publiques, dirigeant aussi de très nombreuses entreprises privées grâce à trois décennies de privatisations, cette oligarchie pèse d’un poids majeur sur toutes les politiques publiques. Sur ce que Jacques Chirac avait baptisé la « pensée unique ».
En clair, si la gauche et la droite ont conduit depuis plus de trente ans des politiques économiques et sociales de plus en plus voisines, sinon même strictement identiques, bafouant périodiquement l’aspiration à une alternance des citoyens, ruinant la conception même de la démocratie, c’est en grande partie à cause de cette oligarchie, qui a toujours survécu à toutes les alternances, et préconise perpétuellement la mise en œuvre des mêmes réformes dites « structurelles » – traduction : néolibérales !
Veut-on connaître la philosophie qui guide depuis si longtemps l’action de cette oligarchie ? Il suffit de se replonger dans le rapport de la commission Attali – dont Emmanuel Macron était le rapporteur – remis à Nicolas Sarkozy en janvier 2008. Brûlot néolibéral, ce document proposait 316 réformes visant à démanteler le code du travail et à déréguler l’économie – autant de réformes qui sont depuis des lustres dans les cartons des grandes directions de Bercy. Et en introduction de ce document, Jacques Attali et Emmanuel Macron avaient consigné cette préconisation : « [La réforme] ne peut aboutir que si le président de la République et le premier ministre approuvent pleinement les conclusions de ce rapport, le soutiennent publiquement, dès maintenant, personnellement et durablement, en fixant à chaque ministre des missions précises. Pour l’essentiel, ces réformes devront être engagées, selon le calendrier proposé à la fin de ce rapport, entre avril 2008 et juin 2009. Elles devront ensuite être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités. »
« Pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités »… Nous y voilà ! Toute la « pensée unique » est dans cette formule. Voilà ce que sécrète le système de l’oligarchie française, dont Jacques Attali et Emmanuel Macron sont des représentants : elle sécrète une idéologie qui tient la démocratie pour méprisable ou quantité négligeable. Peu importent les alternances démocratiques, peu importe le suffrage universel : il faut que « pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités », la même politique économique se poursuive. Perpétuellement la même. L’enrichissement pour les uns, la punition sociale pour les autres.
Sans que l’on n’ait pu le deviner dès cette époque, il y avait d’ailleurs un aspect prémonitoire dans cette recommandation. Car effectivement, c’est sous le quinquennat de Hollande qu’une bonne partie des dispositions réactionnaires contenues dans ce rapport commandé par Sarkozy ont finalement été mises en œuvre, instillées dans les deux lois défendues par le même… Emmanuel Macron
Macron 1 et sa partie dans la loi Travail, celle qui a d'ailleurs fait sortir les gens dans la rue… tout en propulsant Macron en tête des sondages de popularité, va comprendre…
Et comme tant d’autres oligarques, Emmanuel Macron a lui-même joué les essuie-glaces : il a commencé à faire carrière sous Sarkozy ; et a continué sous Hollande, en défendant exactement les mêmes idées, ce qui lui a permis de prendre son envol. Voici ce qu’incarne Emmanuel Macron : d’une certaine manière, c’est la fin de la politique ; c’est l’oligarchie qui survit à toutes les alternances.
Hoooo, c'est donc ça, son attitude "ni de gauche, ni de droite" qui le fait passer pour un libre penseur… C'pas stupide comme hypothèse.
Avec Macron, il y a pourtant une nouveauté radicale. Jamais, jusqu’à présent, les membres de sa caste n’étaient entrés en politique directement. Il y a certes des inspecteurs des finances qui ont fait ce choix, tel Alain Juppé, mais toujours en respectant les codes traditionnels de la vie politique : en se mettant au service d’un parti, en l’occurrence le RPR (l’ancêtre de l’UMP puis du mouvement Les Républicains), jamais en défiant les partis politiques installés. Mais dans la plupart des cas, les oligarques français de l’Inspection des finances se sont toujours tenus dans les coulisses du pouvoir, préférant jouer les conseillers de l’ombre, plutôt que de prendre en main eux-mêmes les commandes publiques. C’est le cas d’un Alain Minc – le modèle et ami de Macron – ou encore de Jacques Attali – un autre ami – qui, pour n’être pas inspecteur des finances, est aussi très illustratif de l’oligarchie française.
Conseiller dans les coulisses du pouvoir, Macron l’a donc longtemps été, comme ses influents protecteurs. Mais lui fait aujourd’hui un pas de plus, que n’ont pas fait ses mentors : il entre en politique pour son compte propre. Ou pour le compte de la caste dont il est issue. C’est en cela que son parcours est inédit.
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Dans l’audace de Macron, c’est ce qui ressort. Il a décidé de franchir le pas, parce qu’il a derrière lui le clan de Bercy. Et s’il a ces appuis, c’est qu’il y a de l’exaspération dans les hautes sphères de la finance qui n’ont plus confiance en Sarkozy, qui n’ont plus confiance en Hollande ; bref, qui ont envie de diriger eux-mêmes, ou qui approuvent que l’un des leurs se lance dans cette aventure.
La candidature de Macron dit donc beaucoup de l’exaspération qui chemine dans le pays. Pas l’exaspération de « gauche » ou de gauche radicale. Une autre forme d’exaspération, dans d’autres couches de la société. L’exaspération des cercles de l’oligarchie.
Mais il y a, pourtant, quelque chose de pathétique dans cette irruption en politique de l’un des représentants de l’oligarchie de Bercy. Car si Macron a beaucoup d’appuis dans les milieux de la haute finance qui le poussent à s’émanciper, c’est qu’il règne un climat de panique dans ces milieux d’affaires. En effet, celui que ces mêmes milieux d’affaires adoubent pour les représenter n’est pas le plus brillant de la caste. Comparé aux hauts fonctionnaires des décennies antérieures – comme Jean-Claude Trichet, Jacques de Larosière ou Michel Camdessus –, Macron apparaît même bien terne et maladroit, sans charisme ni autorité. Sans véritable légitimité…
Si l’on s’en tient aux derniers mois, on peut même recenser une cascade de faux pas et de maladresses qui révèlent l’amateurisme du jeune ministre voulant se mettre en marche…
Bah du coup, sa partie de la loi Travail et sa sortie sur le costard s'expliquent parfaitement. :) L'incohérence "faites ce que je dis, pas ce que je fais" à propos de son ISF ou de la rémunération, c'est habituel chez les politocards.
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Opposé à un système d’emploi à vie pour les petits fonctionnaires, Emmanuel Macron profite, pour lui-même, du statut le plus protecteur de la fonction publique, celui des inspecteur généraux des finances : un emploi à vie parmi les plus mieux rémunérés. Cessant d’être ministre, il va donc pouvoir continuer à percevoir durant encore six mois la rémunération qu’il percevait à ce titre, mais au-delà, s’il ne démissionne pas, il percevra de nouveau la rémunération des inspecteurs des finances : de l’ordre de 100 000 euros brut par an.
Ceci explique cela. :)