« En insérant des dispositions légales visant à limiter les possibilités pour les créanciers impayés (entreprises, fonds...) de saisir des biens d'Etats étrangers sur le sol français, ce projet de loi va directement aider Moscou, qui fait actuellement l'objet de poursuites de la part des ex-actionnaires de Ioukos, le géant pétrolier démantelé par les autorités.
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Au-delà du cas russe, la future loi protégera mieux tous les Etats, sans distinction de leur situation économique ou de la nature du régime. « On accorde une immunité quasi absolue aux Etats ! » s'insurge Guy Lepage, directeur d'un fonds de financement de contentieux. Même les Etats les moins regardants sur la corruption, le blanchiment seront mieux protégés. Et ce grâce à l'article 24 qui, de l'avis des experts de tout bord, a bien été inséré à la demande du Quai d'Orsay.
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La présence de l'article 24 dans « Sapin 2 » étonne, alors que la loi vise « à retisser les liens de confiance qui unissent citoyens, élus et administrations ». Cet article ne figurait d'ailleurs pas dans la version initiale. « C'est un cavalier législatif, car il n'a rien à voir avec le reste du projet et a été placé dans le titre III, sans doute la place la moins mauvaise à son insertion », estime la juriste Caroline Kleiner. « L'avis du Conseil d'Etat du 24 mars indique qu'il y a eu saisine rectificative, c'est donc une disposition incluse à la hâte et sans consultation. »
L'article au coeur de la polémique stipule notamment que les biens liés aux fonctions diplomatiques seront totalement protégés, sauf si l'Etat mauvais payeur a renoncé à son immunité de « manière expresse et spéciale ». « C'est aller au-delà de ce qu'exige le droit international », dénonce Caroline Kleiner, professeur de droit. En clair, les comptes des ambassades dans l'Hexagone seront quasiment imprenables à l'avenir. « Ce qui semble assez légitime », estime pour sa part le juriste Mathias Audit. L'ancienne ambassadrice argentine à Paris avait souligné que ce type de saisies pouvait paralyser pendant des mois, voire des années, le fonctionnement de l'ambassade. « Il faudra simplement vérifier que les Etats n'utilisent pas ces comptes à des fins autres que diplomatiques », prévient un spécialiste.
Un autre point fait grincer des dents : un créancier impayé ne pourra s'emparer d'un bien commercial d'un Etat que s'il existe un lien entre le bien en question et l'entité visée par la procédure.
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Enfin, les créanciers devront désormais obtenir l'autorisation d'un juge français avant de mettre la main sur tout type de biens de l'Etat poursuivi. Le débiteur ne sera toutefois pas informé, afin de préserver l'effet de surprise. En effet, lorsqu'un créancier veut s'emparer d'un navire, un immeuble ou tout autre actif d'un pays, si la partie adverse l'apprend, elle peut déplacer ou céder le bien, et ainsi organiser son insolvabilité. »
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Via Le Canard Enchaîné du 18/05.
Wed May 18 18:46:56 2016 - permalink -
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