Gérard Collomb n’a pas les idées très claires sur les radicalisés. En août 2017, le premier flic de France affirmait qu’« à peu près un tiers [d’entre eux] présent[ai]ent des troubles psychologiques ». Interrogé par « Le Canard », le cabinet du ministre fournit aujourd’hui de tout autres chiffres. Qui lui ont sans doute été soufflée par la Préfecture de police de Paris. Dans une note confidentielle du 25 juillet consultée par « Le Canard », la Direction du renseignement de la Préfecture recense « 275 personnes inscrites au fichier des personnes radicalisées et affectées de troubles psychiatriques dans l’ensemble de l’agglomération parisienne » — soit 11 % des 2 475 inscrits à ce fichier francilien. On est loin du « tiers » de Collomb…
Dans le détail, les poulets en blouse blanche vont jusqu’à classer leurs « fous » en différentes catégories : « rouge plus, orange ou vert ». Hautement scientifique et propre à ravir les psychiatres, déjà enchantés à l’idée que la police fourre son nez dans le secret médical. Ce dont elle ne se prive pas. En mai, par exemple, la Direction générale de la sécurité intérieure somme un patron d’lîô» pital de la rancarder sur l’un de ses patients, à son insu. Tout y passe : téléphone portable, liste des personnes lui ayant rendu visite, contenu de ses conversations et comportement prosélyte vis-à-vis des autres malades…
Le 24 mai, Collomb a obtenu de Buzyn un décret ordonnant à toutes les agences régionales de santé de communiquer aux préfets l’identité des internés d’office, soit 60 OO0 personnes par an, répertoriées dans un fichier baptisé « Hopsyweb ». Selon le syndicat des psychiatres hospitaliers, pourtant, qui s’apprête à contester le décret devant le Conseil d’Etat, « il n’existe aucune association démontrée entre pathologie mentale et risque terroriste ».
Sans compter que surveiller de près 60 000 personnes va coûter un pognon… de dingue.
Dans le Canard enchaîné du 5 septembre 2018.