Suite de Bercy veut tailler en presse les opérateurs de téléphonie.
Haro sur les opérateurs téléphoniques ! Dans un entretien au « Point » (7/9), Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, l’affirme haut et fort : « On ne peut pas fermer les yeux sur des comportements d’optimisation [fiscale]. » Le ministre vise principalement SFR (devenu Altice) et Bouygues. Sous le couvert d’offrir « gratuitement » à leurs abonnés un service de consultation de journaux en ligne, ces opérateurs ont amélioré leurs marges.
« Nous allons remettre à plat tout le système de la fiscalité appliquée aux opérateurs téléphoniques », souligne un ponte de Bercy. En effet, il y a urgence ! Du côté de l’administration des Impôts, le manque à gagner s’élève, au bas mot, à 1,2 milliard d’euros.
L’astuce fiscale réside dans les offres couplées proposées par les opérateurs (« Le Canard », 14/6). Depuis avril 2016, l’abonné au service de téléphonie Power de SFR (24,99 euros par mois) accède gratuitement aux grands titres de la presse française (Hormis « Le Monde », « Le Point » et « Le Canard »). Si l’on comptait les 19,99 euros correspondant au prix de ces publications, la facture devrait grimper à 44,98 euros. Elle reste pourtant inchangée : l’abonné bénéficie d’une remise immédiate équivalente au coût du kiosque numérique.
Simple comme un coup de fisc
Comment SFR peut-il se permettre une telle générosité ? Grâce à la TVA. Puisque l’opérateur offre des journaux à lire, il applique le taux de TVA réduit de la presse (2,1 %) à une bonne partie du forfait télécom (téléphone + Internet), théoriquement soumis au taux de 20 %. Et voilà une taxe divisée par dix ! Ebloui par ce stratagème, Bouygues Télécom a pris à son tour, en mai, le train de la presse numérique.
Orange et Free, qui ont lancé leur offre TV by Canal à l’automne 2016, ont eux aussi réalisé leur petite opération d’« optimisation » fiscale grâce à des taux différents de TVA. Dans leur forfait, ils ont fait jouer à la télé le rôle qu’occupent les journaux dans le package de SFR et de Bouygues. Sauf que, comme le précise un proche de Xavier Niel, le patron de Free, « la TVA sur la télévision est de 10 %, pas de 2,1 % ; l’écart n’est pas comparable avec celui de la presse ».
Pas sûr que cette argumentation suffise à convaincre un gouvernement en mal de recettes. Gérald Darmanin a promis « une clarification dans le projet de loi de finances pour 2018, avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier ».
On entend déjà les opérateurs : « Non mais, allô, quoi ! »
Dans le Canard enchaîné du 13 septembre 2017.